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    Pensées pour nous-mêmes:

    (SI LE ROI N'EST PAS TON COUSIN,
    C'EST QU'IL EST TON FRÈRE)

    Pcc Jacques Damboise

    £££
    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/25)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       Elaine Cantagril, témoin malgré elle d'une scène équivoque mettant en scène la Mère Supérieure du couvent, en parle au Père Grangeais qui, étonnamment, défend la religieuse... Qu'est-ce à dire?

    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE
    Ciruelo - Diablesse. 

       C’est un frôlement de tissu qui « réveilla » Elaine en sursaut. La Mère Supérieure était devant elle et l’observait. Elle portait à présent une longue robe transparente et, dessous, Elaine constata que son corps avait des contours imprécis. D’ailleurs, si elle était persuadée qu’il s’agissait bien de Mère Camille de l’Incarnation, il y avait, dans le visage, la silhouette et les manières de la religieuse, quelque chose d’insolite qui lui serra le coeur. 

       Tout d’abord son visage était moins rond que d’habitude. Il semblait d’ailleurs s’allonger au fil des minutes et les yeux s’étiraient à présent en deux fentes desquelles sortit le double faisceau d’un jaune d’or à l’éclat mesmérique.

       Tout le bas du visage de la religieuse se déformait, s’effilait en un mufle qui prit la forme de celui d’un prédateur. Lorsque deux rangées de dents claquèrent l’une contre l’autre, Elaine se mit cette fois à suer, épouvantée, persuadée d’assister à une métamorphose diabolique. A cette seule pensée, son coeur s’emballa, ses jambes flageolèrent et, sous elle, la couche commença à tanguer.

       Cependant la métamorphose n’était pas terminée. Si la Mère Supérieure avait un museau de loup, le reste de son corps était encore proche de l’humain. Mais cela ne dura pas : la moniale secoua la tête et, après avoir poussé un sourd grognement, elle se pencha en avant. Elaine jugea plus prudent de reculer mais, hélas, elle était adossée au mur rugueux de sa cellule. Impossible d’échapper à l’apparition. 

       A présent, les bras de la religieuse s’étiraient à leur tour. Ses doigts devenaient noueux, ses ongles poussaient, se transformant en griffes. Lorsque l’animal-humain se retrouva à quatre pattes, que le grondement prit de l’ampleur et que, sur tout le corps - sans qu’elle s’en rendît compte, la longue robe avait craqué et la Mère Supérieure était de nouveau dénudée -, poussa à une vitesse accélérée une pelisse faite d’un crin long et brun, Elaine eut un hoquet apeuré : l’être qui se trouvait devant elle n’était autre que Lucifer.

       La gueule de Satan s’ouvrit et, ainsi qu’on le lui avait souvent raconté pendant les veillées, sa voix rauque retentit, faisant résonner les murs de la cellule. 

       - Ainsi donc, simple mortelle, tu as surpris ce que tu n’aurais jamais dû voir. Te voilà à présent détentrice d’un secret que tu pourrais divulguer... Cela ne se fera pas ! Tu vas devoir rejoindre mes troupes de damnés...

       Elaine, que la terreur immobilisait, pouvait détailler le mufle noir dans lequel les narines palpitaient. La double rangée de dents acérées n’arrêtait pas de s’entrechoquer et l’odeur pestilentielle que répandait cette gueule lui soulevait le coeur.

       Autour du monstre commencèrent à tourbillonner d’étranges visages qui tous hurlaient, faces de damnés à la souffrance intolérable et éternelle. Parmi ces faciès de malheureux qui payaient pour des fautes commises pendant leur passage terrestre, Elaine crut reconnaître celle d’Adrien.

       Elle en fut tellement bouleversée qu’elle cessa d’avoir peur. Elle appela son amoureux, les mains tendues frôlant la gueule béante de Satan.

       - Adrien, mon aimé ! Pourquoi te trouves-tu dans ces Enfers putrides ? Tu n’as pourtant commis aucune faute. C’est moi qui suis coupable... Seigneur de l’Innommable, je te supplie de le délivrer ! Moi seule suis responsable de sa mort ! Ne crois-tu pas qu’il a été assez puni comme cela ? Prends-moi à sa place, c’est moi qui dois expier, je t’en supplie !

       Submergée de chagrin, Elaine se propulsa en direction du maelstrom diabolique au sein duquel le visage de son bien-aimé hurlait de douleur.

    ***
    (A Suivre)


    £££

    "Hell and Devil! Tu... Tu n'as aucune dent cariée...
    On est fait pour s'entendre!"

    A. Ford "VampZom Love"

    £££
    "Ah on m'y reprendra à répondre à une annonce
    rédigée en allemand..."

    A. Ford "Valkyrie"

    £££
    (Portrait en cap d'un père Ogre
    portant son repas)

    A.Ford "Fathers Day"

    £££
    "Alors, Zonzon, content que je te sorte un peu?
    - Gargl... Miam... Boz..."

    Zombie

    (Ce zombie avait hélas peu de conversation)


    £££
    Blanche Baptiste

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  • @@@
    Pensées pour nous-mêmes:

    (NE MÉPRISE PAS
    TES FRÈRES EN MISÈRE)

    @@@

    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/23)

    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste


       La Mère Supérieure du couvent dans lequel s'est réfugiée la jeune Elaine Cantagril semble possédée par le démon... Pourquoi, sinon, s'exhiberait-elle, à moitié nue, sous la clarté froide de la Lune?


    ANGÉLUS 

    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE

    Pieter BruegelLe misanthrope, 1568

    CHAPITRE 8

       Quelques secondes auparavant, tout était douceur, douceur de l’air de cette matinée de juillet, douceur de l’eau fraîche qui alimentait le lavoir. Je me sentais même bien à regarder mes soeurs et les autres lavandières. Je venais de réussir mon Brevet d’étude et allais partir chez l’oncle Thomas, où je comptais bien poursuivre les recherches qui me tenaient à coeur. Ensuite, il avait été convenu que je resterais à Rodez où l’oncle me trouverait un logement. Je pourrais fréquenter les cours de sciences du petit Séminaire Saint Pierre, tout en aidant à la boutique, où l’oncle savait qu’il n’avait plus rien à m’apprendre, si ce n’est me laisser réaliser les merveilleuses ventes dont ils disaient que j’étais capable. 

       Lorsqu’ils avaient appris que je préférerais continuer mes études chez les Frères, l’oncle et la tante avaient tellement été déçus et attristés, qu’ils avaient consenti à m’accorder toute la liberté que je réclamais ; tout, plutôt que de perdre ce « fils » inespéré que ma tante admirait comme on admire une image chérie.

       A Fontseranne, je ne pensais plus revenir si ce n’est pour voir ma soeur Camille. Quoique je fasse, je sentais que je n’étais pas accepté et que jamais les gens du village ne me laisseraient aller en paix parmi eux. Je n’avais donc plus rien à faire en leur compagnie. On ne peut pas dire que je les détestais, non ; ils m’étaient devenus complètement indifférents. Jusqu’au terrible accident...

       Ce n’est qu’avec du recul que j’ai pu mettre des mots sur les sensations qui m’ont submergé ce jour-là.

       Ma peau était toujours à vif, avide de nouvelles perceptions. Aussi, c’est avec toute cette disponibilité, cette ouverture au monde que j’ai reçu de plein fouet l’Agression. Jamais une sensation aussi violente ne m’avait atteint. Soudain, en un instant, toutes les fibres de mon corps ont été fouettées par le contact brûlant de l’eau.

       La gangue en ébullition s’est refermée sur moi et s’est incrustée dans mes chairs.

       D’un accident, je n’aurais rien trouvé à maudire. Le sort est sans pitié et sans état d’âme. Mais d’un calcul humain, je ne pouvais qu’en ressentir de la haine, de cette sale haine qu’ils avaient peu à peu instillée en moi, à mon corps défendant

       La douleur vive, au moment où elle s’empare de vous, est douleur pure et en tant que telle le cerveau la traite. Elle est incommensurable, innommable. Elle est ce qu’elle est et on fait avec. Puis elle s’estompe légèrement et laisse à l’esprit à nouveau sa faculté d’analyse. Alors on se dit que, de toutes les douleurs, celle infligée par nos pairs est la plus infernale, la plus insupportable.

       Dans les heures qui ont suivi cette chute dans la fournaise liquide, je crois bien être devenu un monstre, l’esprit brûlé par le désir de vengeance et le physique dégradé, émasculé, privé des ressources dont l’avait doté la vie.

    ***

    (A Suivre)


    @@@

    "Hips!Ces chauffeurs de motos-taxis sont des... 
    hips! des potes à nous!"


    TOGO 
    Les motos-taxis empestent l'alcool !
    Togo Réveil

       (...) Ils sont devenus incontournables, grâce aux services qu'ils rendent à la population. Ce sont les conducteurs de moto-taxi communément appelés les "zémidjan", [littéralement : "emmène-moi vite"]. 

       S'ils assurent les services de transport, ils sont souvent taxés de mauvais comportement, tant ils excellent par leurs attitudes parfois inciviques. Violations récurrentes des feux de signalisation, injures, mauvaises tenues, à leur manière les conducteurs participent à l'animation de la vie sociale et politique car ils sont réputés pour colporter des rumeurs incongrues. 

       Leur dernière trouvaille, c'est la consommation d'alcool, et plus précisément du sodabi [alcool blanc particulièrement fort (il peut titrer jusqu’à 65°) doit son nom à son inventeur, M. Sodabi, qui a eu l’ingénieuse idée de préparer ce précieux liquide en faisant fermenter de la sève de palmier à huile avant de la distiller]. Les conducteurs de taxi, qui se livrent à ce vice, puent l'alcool. Les passagers ont donné le nom de "déodorant" à leur haleine qui empeste durant les trajets. Pour les conducteurs, cette drogue douce leur permet d'être en forme pour entamer avec vigueur une nouvelle journée marquée par un travail pénible. 

       Cependant, quand un client tombe par malchance sur l'un de ces consommateurs, et s'il n'a pas assez de courage pour lui demander de descendre, il est obligé de se livrer à des exercices d'arrêt de respiration pour éviter l'odeur de la boisson qui risque aussi de le saouler. Aussi, n'étant plus en sécurité, il ne peut que se livrer à des prières secrètes pour que le Bon Dieu le conduise à bon port. 

       Ces conducteurs de moto qui rendent service non seulement aux Togolais, mais aussi aux étrangers qui ont besoin de se déplacer, ternissent ainsi l'image de notre pays. Et même si la consommation d'alcool est néfaste pour la santé, on ne peut l'interdire à une personne adulte. (...)


    @@@

    "Mais... Mais vous êtes la Muerte et...
    - Chuuuttt! Je suis là incognito"


    (via capacity)

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    (Ce billet de remboursement par la banque 
    du préjudice subi  puait l'arnaque)


    Le médiateur auprès de la Fédération bancaire française 
    alerte sur l'augmentation des saisines  dans son rapport 2012 

       (...) «La carte bancaire et le paiement en ligne, c’est une grande partie de notre"fonds de commerce"», plaisantait ce mardi Paul Loridant, le nouveau médiateur auprès de la Fédération bancaire française. Mais c’est surtout son principal sujet de préoccupation.(...)

       (...) «Alors que le volume de paiements par carte ne cesse de progresser et que le commerce en ligne s’impose, on ne peut statistiquement que voir ces litiges augmenter», constate Paul Loridant.

       En 2012, les litiges sur des moyens de paiement (CB et chèques confondus) ont ainsi fait l’objet de 338 saisines de la part des clients des 120 banques adhérentes à ce service de médiation, contre 207 en 2011 et 130 en 2010. «Ces dossiers arrivent en troisième position derrière les litiges sur le fonctionnement du compte ou les opérations de crédit mais ce sont ceux sur lesquels on passe le plus de temps», confie Lydia Flom Sadaune, membre de l’équipe de médiation.

       En cause: l'inventivité des fraudeurs mais surtout l’extrême complexité du triangle contractuel entre le client, le commerçant et leurs banques respectives. «Toute la difficulté pour nous est de savoir s’il s’agit d’un litige bancaire ou commercial: si la livraison n’est pas conforme à la commande ce n’est pas mon problème», résume le médiateur.(...)

       (...) Mais même en cas de débit erroné ou frauduleux, le foisonnement de la réglementation et de la jurisprudence contribue à alimenter les litiges et à complexifier la médiation.

       En la matière, les pratiques des banques sont bien loin du remboursement sur demande préconisé par le Code monétaire et financier. «Cela relève de la politique générale de chaque établissement: certains vont rembourser automatiquement le client en cas de fraude, d’autres exigeront le dépôt de plainte et examineront en détail les circonstances», explique Lydia Flom Sadaune.(...)



    @@@
    Luc Desle

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  • ***
    Pensées pour nous-mêmes:

    (SELON TON HUMEUR,
    TU AIMERAS DANS L'OISEAU
    SES AILES OU SES SERRES)

    ***
    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/18)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste



       Dans le village où se trouve la boutique de l'apothicaire du village, la jeune Elaine Cantagril trouve l'atmosphère pesante et insidieuse...

    ANGÉLUS
    ou
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE



    Giovanni-Battista Tiepolo-1726-Edward Carlile

    CARNET DE SOEUR CAMILLE DE L’INCARNATION
    (10 août 1876.)
    (quatorzième anniversaire de mon frère bien-aimé)

       Cela fait un mois que je n’ai rien noté dans ce journal et pour cause... J’étais trop soucieuse de la santé d’Angélus. Maintenant que je sais qu’il est sauvé, je peux à nouveau prier et écrire.

       Le jour de son accident, nous étions toutes au réfectoire et venions de réciter le Bénédicité. Soudain, des coups violents furent frappés au portail d’entrée.

       - Vite mes Soeurs, aidez nous, Jean est blessé !

       En fait, mon frère était gravement brûlé et il hurlait de douleur. La passeuse de feu avait essayé de le calmer mais en vain. Le docteur Gagey, en visite, allait arriver.

       On conduisit le brûlé à l’infirmerie où je me chargeai de lui ôter sa chemise et le reste de ses vêtements. Le tissu collait tant à la peau que je ne parvenais qu’à lui soutirer de plus grands gémissements. On apporta de l’eau fraîche et de l’huile de millepertuis. Sous l’effet de la douleur Angélus, malgré mes précautions, ne tarda pas à s’évanouir.

       - Qu’est-il donc arrivé à ce garçon ? demanda le docteur dès qu’il arriva.

       Les gens du quartier qui l’avaient amené, dirent qu’il avait trébuché dans un baquet d’eau bouillante près du lavoir. C’était la période des grandes lessives de blanc et les lessiveuses étaient toutes en ébullition. Ce n’était pas de chance, vraiment. Thérèse, Joseph et Germaine qui, eux aussi, travaillaient au lavoir ce jour-là, opinaient de la tête, mal à l’aise.

       A cet instant, je pensai mon frère perdu. D’ailleurs, le docteur sembla très inquiet en voyant l’état de son dos, de son bras gauche, ainsi que les larges et profondes brûlures de son visage et de ses jambes. Sa chair était boursouflée et elle évoquait les coulées de lave d’un volcan en éruption. 

       Il y avait partout des cloques qui frémissaient, agitées par une vie invisible ; des suintements qui paraissaient se frayer un chemin comme le plomb l’aurait fait mais, à chaque avancée, mon pauvre frère hurlait et cherchait à frotter son épiderme martyrisé. Nous n’étions pas trop de quatre pour nous occuper de lui, effrayés à l’idée qu’en le tenant, nous lui faisions très mal.

       - Il lui faudra des soins constants, des pommades et... des prières, mes Soeurs. Je vous le confie.

       Le docteur s’empressa de rédiger une ordonnance afin que l’apothicaire puisse composer différents mélanges qui calmeraient la douleur et permettraient, peut-être, d’aider à la cicatrisation. 

       Quant à moi, je demandai à Soeur Marie de fournir à cet homme de sciences nos meilleurs produits et les plantes les plus fraîches. Je désirais de toute mon âme qu’Angélus guérisse, qu’il retrouve au plus vite la beauté qui, pour l’instant, s’était en partie retirée de son corps.

    ***
    (A Suivre)

    ***

    Bacchus par Millot

    Le banquier à l’agriculteur : 
    « Vous voulez faire du bio ?
    Je ne vous prête pas d’argent »
    Antonin Iommi-Amunategui

       (...) Alexis et Emilie Porteret sont viticulteurs à Arbois dans le Jura, installés sur leur propre domaine de 3 hectares depuis 2010.

       Après son bac, Alexis prépare un BTS dans l’industrie et il se retrouve en stage au Havre, à raffiner du pétrole. Dès lors, il sait qu’il veut changer de branche et devient bientôt «tâcheron» chez le viticulteur Pascal Clairet (Domaine de la Tournelle). Pascal, passionné, transmet « le virus » à Alexis, qui part faire un BTS « viti-oeno » à Beaune, en Bourgogne. 

       Dans l’ensemble, c’est plutôt une bonne expérience : « Mais on se sent un peu à part... Les Bourguignons n’aiment pas trop les Jurassiens, et encore moins les Jurassiens bio ! »

       Le couple arrive à Arbois en 2007. Alexis a le BTS en poche, reste à trouver où et comment s’installer. Une opportunité se présente : les vignes, le bâtiment pour vivre et travailler sur place. Le projet se monte, Alexis et Emilie commencent à démarcher les banques. Pas évident pour des jeunes sans apport, surtout quand on veut faire bio :

       « Le banquier ne veut pas qu’on s’installe en bio : pour lui, il y a trop de risques, pas de rendements... On hallucine. Mais Pascal nous remotive, et on demande la conversion dès le début, en 2010. Le banquier ne l’apprendra qu’un an plus tard, quand il nous a vus sur la liste du Nez dans le vert [un salon des vins bio, ndlr] ! »

       Depuis, tous les ans, ils rentrent une « belle qualité de raisins », avec des rendements constants de 35 hectolitres par hectare (n’en déplaise au banquier), et ce sans aucun intrant chimique : « Depuis 2012, toutes les cuvées sont vinifiées sans soufre. » (...)
    Lire sur:
    http://blogs.rue89.com/no-wine-is-innocent/2013/05/20/le-banquier-lagriculteur-vous-voulez-faire-du-bio-je-ne-vous-prete-pas-dargent-230341

    ***

    (Les oiseaux de proie surveillaient comme
    la prunelle de leurs yeux les batteries
    de mitrailleuses qui leur amenaient
    leur nourriture quotidienne...)


    "Pour que Pôle Emploi ne me réclame pas d'argent,
    j'ai trouvé la solution..."

    renoir-auguste-1.1217835759.JPG

    ***
    Ces millions d'euros que Pôle Emploi 
    réclame... aux chômeurs
     Martine Gilson

       Depuis peu, Jean, 31 ans, vit seul dans son studio de Maurepas, dans les Yvelines. Son épouse est partie chez sa mère, avec leur bébé, pas loin de là. Impossible de les nourrir. Lui-même ne prend qu'un repas par jour, une omelette en général. Câbleur en contrat à durée indéterminée dans une fabrique de machines agroalimentaires, il s'est inscrit à Pôle Emploi en 2009 quand l'usine s'est délocalisée à Angers. Il n'a pas pu suivre, faute de trouver un logement social. Depuis, il passe de mission d'intérim en mission d'intérim. Aujourd'hui, à nouveau demandeur d'emploi, il perçoit en moyenne 800 euros par mois. "Mais il y a le loyer, 400 euros par mois à payer, et l'électricité avec l'hiver qui se prolonge."(...)

       (...) Cauchemar supplémentaire : au début de l'année, il a reçu une lettre recommandée de Pôle Emploi lui demandant de rembourser... 3.300 euros pour "allocations indues". Explication : quand il termine une mission, Jean se déclare à nouveau chômeur, donc pense avoir droit à une indemnisation immédiate. Le problème, c'est que, conformément à la loi, l'entreprise d'intérim qui l'a employé, comme toutes les autres avant, ne déclare sa fin de mission qu'une semaine plus tard... "Je l'avais oublié, dit-il. C'est vrai que lors de mon premier rendez-vous, le conseiller de Pôle Emploi m'en avait parlé. Je ne leur en veux pas, ils font ce qu'ils peuvent !"

       Le 4 avril dernier, Jean a écrit à son agence pour demander un étalement de sa dette. Réponse favorable : il doit restituer 133 euros par mois, pendant deux ans. Mais c'est encore trop : "Je ne peux pas", dit-il simplement.(...)

       On appelle ces sommes à rembourser les "indus", depuis qu'en 2010 un demandeur d'emploi s'était donné la mort après avoir reçu une lettre recommandée de Pôle Emploi lui réclamant un "trop-perçu" de 8.944,70 euros. Selon l'ancienne ANPE, ils sont 500.000 aujourd'hui en France à avoir accumulé des dettes avec cet organisme. Pour un montant moyen de 596 euros et un total de 300 millions d'euros.

       Des tricheurs, ceux qui touchent ces "indus" ? Non, répond-on catégoriquement à la direction de Pôle Emploi. Chez nous, les fraudes s'élèvent à 0,1% de la masse salariale ! Le problème, c'est l'augmentation massive des salariés en "activités réduites" [1.545.000 fin mars, NDLR], CDD ou intérim. Notre réglementation est devenue très complexe. Il y a les règles générales et les cas particuliers, difficiles à expliquer. Nous devons faire des efforts de transparence. Nous avons commencé, avec des simulations de situations sur internet. Mais il faut continuer." (à appliquer des règlements ineptes?)
    Lire sur:

    ***
    Luc Desle

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  • °°°
    Pensées pour nous-mêmes:

    (RETIENS-TU L'EAU
    AVEC TA PENSÉE?)

    °°°

    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/15)

    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

    Auprès des religieuses de la communauté, la jeune Elaine Cantagril semble trouver peu à peu un certain calme, voire un semblant d'apaisement...


    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE



    The Convent Choir. painting by Jehan Georges Vibert

    CHAPITRE 6 

       Un après-midi, Elaine se promenait dans les jardins du couvent en compagnie de Soeur Jeanne. L’air était chargé des premières senteurs du printemps. De nombreux oiseaux voletaient dans le jardin en pépiant. Un soleil encore timide faisait resplendir la Nature en fête. 

       La religieuse s’occupait des massifs de plantes et de fleurs, les élaguant à l’aide d’une petite faucille et d’une paire de ciseaux, traquant chaque brin d’herbe susceptible de détruire le bel agencement de l’ensemble. Elle y mettait de l’entrain et, en dépit de la règle de la bienséance, elle avait remonté ses manches plus qu’il n’aurait fallu. 

       A chaque mouvement qu’elle effectuait pour tailler les massifs, il lui échappait un léger soupir qui trahissait son plaisir. Elaine, quant à elle, la suivait avec une corbeille dans laquelle elle ramassait les multiples débris végétaux. 

       - Ce couvent m’amène à reprendre espoir, confia-t-elle à Soeur Jeanne, alors que cette dernière s’asseyait sur un banc, le visage rouge de l’effort accompli et qu’elle l’imitait. 

       - Je suis contente, Elaine. Si tu savais comme je suis heureuse ! Notre Seigneur t’a enfin effleurée de son amour et il va te transfigurer ! s’exclama la novice avec une joie enfantine. 

       Elaine sourit légèrement. 

       - C’est grâce à l’atmosphère de ce lieu, à ton amitié et à la grande piété des Soeurs. Ce calme que je commence à ressentir vient également de la Mère Supérieure qui m’a reçue avec une grande gentillesse... 

       A ces mots, Soeur Jeanne fronça les sourcils et un nuage de préoccupation brouilla la douceur de ses traits. 

       - J’ai dit quelque chose qui t’a fâchée ? demanda Elaine. 

       La jeune religieuse baissa la tête sans répondre. En elle semblait se livrer un dur combat. La prudence et la règle interne lui commandaient de se taire. Cependant, la jeunesse que charriait son sang généreux lui ordonnait de parler. Étonnée du changement qui venait de s’opérer chez la jeune novice, Elaine insista. 

       - Je croyais pourtant que votre communauté était depuis longtemps sanctifiée. D’ailleurs, à part Soeur de la Miséricorde que je trouve trop dure à ton égard, toutes les autres Soeurs me paraissent dignes d’éloge... Je te l’affirme : votre communauté me redonne envie de vivre. 

       Pendant qu’elle parlait, la vision d’Adrien, transformé en un squelette dégoulinant d’humeurs, fut là devant elle et, en dépit de ses efforts, des lambeaux de cette horreur l’emmaillotèrent un moment. 

       Cette même nuit, Elaine avait eu un nouveau cauchemar dans lequel le jeune homme avait tendu des mains aux chairs pendantes, aux doigts effilés comme ceux des sorciers. Son visage aux orbites crevées, au nez corrompu et à la bouche aussi noire que les cavernes de l’Enfer, s’était approché d’elle, prêt semblait-il à un horrible baiser, et seul un réveil en sursaut, le cœur battant à tout rompre, avait empêché le contact qu’elle redoutait plus que tout... 

       La vision s’estompa mais le silence persista entre les deux jeunes femmes. A côté d’Elaine, Soeur Jeanne se tortillait sur le banc, visiblement mal à l’aise. Autour d’elles, d’autres soeurs s’activaient pour rendre au jardin une propreté de bon aloi et, parfois, quelques propos joyeux parvenaient jusqu’à leurs oreilles. On parlait surtout de la visite prochaine de l’évêque du diocèse et de quelques autres personnalités. 

    *** 

       Dans cette vie communautaire où chaque moment de la journée était strictement réglé, les visites extérieures prenaient une importance considérable. Elaine avait également entendu dire qu’à cette occasion des subsides pouvaient être octroyés au monastère qui en avait bien besoin. Il était par exemple nécessaire de remplacer le vieil âne qui tirait avec de plus en plus de difficultés la charrette, et de se procurer un nouveau métier à tisser, l’actuel ne tenant plus que « par l’opération du Saint-Esprit », ainsi que le disaient les Soeurs, en souriant sous cape. 

       Au bout d’un long silence, la jeune novice finit par glisser, la voix rauque. 

       - Ce lieu est sanctifié par instant, Elaine... C’est vrai. Mais parfois le Diable sait mettre ses plus beaux atours dans le but de nous abuser. 

       - Que veux-tu dire ? demanda Elaine, très étonnée. 

       La jeune novice se mordit les lèvres et c’est d’une voix altérée par l’émotion qu’elle poursuivit, en regardant droit devant elle. 

       - Notre Vénérée Mère Camille de l’Incarnation a beaucoup souffert. Savais-tu qu’elle porte, à même la peau, un affreux cilice en crin dans lequel elle a enchâssé de minuscules petites pointes en fer ? Chaque jour que Dieu fait, elle mange également un immonde brouet pour, nous a-t-elle dit, que Notre Seigneur l’accueille dans sa Sainte Douceur... 

       Soeur Jeanne s’arrêta de nouveau. Elle fit un geste pour se lever mais Elaine l’en empêcha, en lui serrant la main. 

    - Tu m’en dis trop ou pas assez ! fit-elle d’un ton impérieux. C’est péché que de mentir ou de dire du mal de quelqu’un qui n’est pas là ! Pourquoi l’attitude de votre Supérieure te choque-t-elle à ce point ? 

       La novice blêmit et se troubla. Elle ne fit aucun geste pour échapper à la poigne d’Elaine, se contentant de baisser la tête et de reprendre, la voix mourante, au bord des pleurs. 

       - Je n’aurais pas dû te parler de ça... Je… Je me demande ce que notre supérieure a à se reprocher pour s’imposer de telles souffrances. Oh, sois-en persuadée, Dieu m’est témoin que je ne veux pas critiquer ses lois mais... 

       - Mais les médisances sont un péché mortel, Soeur Jeanne ! la coupa une voix sèche. 

       La religieuse sursauta, ainsi qu’Elaine. Près d’elles venait de surgir Soeur de la Miséricorde. Elle fronçait ses sourcils fournis et un pli amer déformait ses lèvres minces. Elaine comprit que Soeur Jeanne de l’Enfant Jésus allait être réprimandée. 

       - Notre couvent est respecté dans tout le département, Ma Fille, continua la vieille religieuse sur un ton de plus en plus ardent. Jamais personne n’a eu à se plaindre d’une quelconque vilenie de notre part ! Les mots peuvent tuer, Soeur Jeanne, et ils sont une offense à l’enseignement de Notre Seigneur Jésus dont vous portez le nom, je vous le rappelle. Il suffit avec vos balivernes ! Venez avec moi ! Vous devez subir le juste châtiment de votre irrépressible verbiage. 

       « Quant à vous, continua-t-elle en s’adressant à Elaine sur un ton tranchant, je vous laisse poursuivre le travail de Soeur Jeanne. Nul doute que vous aurez à coeur de prouver la reconnaissance que vous nous devez 

    ***
    (A Suivre)


    °°°

    "Oh Mon Dieu! Z'ai cru voir un gros banquier!"


    Nancy Carroll 

    °°°
    "Comment ça, j'ai regardé ce squelette plus que les autres?
    Oh, toi et ta jalousie ridicule..."


    Elliott Erwitt


    °°°

    "Mais oui! C'est un gros banquier...
    Avec un gros chéquier! Miam!"



    °°°
    "Donc, je dois rester comme ça pour tenir ce tableau...
    Vous ne me prendriez pas pour une Blonde, par hasard?"


    Ann Cornwall by Harold Dean Casey c.1924

    °°°
    Jacques Damboise

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (TON MÉTIER N'EST PAS TON EGO)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/10)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       A Rodez, le jeune Angélus parfait son don au contact des étoffes, du papier et autres matières. Ses contacts sont comme d'ineffables caresses qui le rendent dépendant, peu à peu, du toucher...
    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE

    Quinten Metsys : Le Changeur et sa femme (1514)



       La vie, depuis début juillet, était d’une telle richesse qu’Angélus se demandait s’il était vraiment utile de retourner chez les Frères à la rentrée. L’oncle lui avait fait part de son projet de le prendre avec eux plus tard, et Angélus était fortement tenté. Pourquoi différer la chose et à quoi pourrait bien lui servir d’étudier pour obtenir un Brevet, puisque de toute façon son futur métier de drapier lui assurerait des revenus suffisants pour mener à bien ses chères expériences ? 

       Il en était là de ses réflexions lorsqu’il rencontra, place du Bourg, un jeune homme qui portait avec mille précautions une caisse de bois blanc. 

       Le pauvre garçon trébucha sur les pavés avant de franchir le seuil de la pharmacie de Maître Rolland, et il se fit grand bruit à l’intérieur de la boîte. Le jeune inconnu poussa une exclamation dans une langue étrangère et le pharmacien, qui était aussitôt sorti de son officine, alla jusqu’à jurer en patois, certain que ses « poutingues » s’étaient brisés dans la chute et qu’il lui faudrait recommander ces précieux médicaments venus tout exprès d’Italie, de Florence plus précisément, là où les plantes sont si belles que les baumes font des miracles. Rien ne pouvait tarir son flot de paroles et d’injures mêlées. 

       Pendant ce temps, l’Italien s’était relevé et passait fébrilement en revue le contenu de la caisse. Un seul flacon s’était brisé, répandant alentour des senteurs de chèvrefeuille. 

       « Scusame, balbutia l’Italien, les joues toutes rouges, mon maître vous le remplacera dans son prochain colis. » 

       Ils entrèrent tous deux à l’intérieur de la pharmacie, signèrent quelques reçus, puis l’Italien ressortit. C’est alors qu’Angélus, très excité par ce qu’il venait d’entendre, l’aborda et lui demanda d’où il venait et quelle était réellement sa fonction. 

       Le jeune homme qui parlait le Français avec un délicieux accent latin, lui raconta qu’il arrivait de Toscane et qu’il se destinait au métier de pharmacien. Pour cela il avait fait de longues et passionnantes études, et il secondait actuellement maître Pavèse dans son officine de Florence, réputée pour être une des plus sérieuses et efficaces d’Europe. 

       Voyant que la curiosité d’Angélus n’était pas assouvie et qu’il le questionnait encore sur les produits qu’il vendait, le jeune Italien lui fit toucher un peu de la crème répandue au fond de la boîte. Puis comme Angélus, extatique, le regardait avec admiration, il lui montra son beau laissez-passer italien où étaient mentionnées toutes ses références. 

       Angélus, qui n’avait jamais vu de tels documents, le palpa et le regarda avec attention. L’écriture était bien calligraphiée, le papier un peu rugueux. Tout cela se grava dans sa mémoire. Puis l’Italien, en riant, lui dit au revoir et partit rejoindre le chemin de la gare, vers la côte de Saint Eloi. 

       L’épisode, en soi anodin, redonna à Angélus l’envie de continuer son éducation chez les Frères, car la brève rencontre avec Giorgio avait ranimé son désir d’aller plus avant dans sa quête, et il s’était dit soudain qu’il y parviendrait peut-être mieux dans l’univers de la médecine, plus porté vers la recherche que ne pouvaient l’être à l’époque le commerce et l’industrie des provinces. 

       Après tout, il ne devait rien à personne. Son oncle et sa tante voulaient le garder plus par intérêt que par un réel attachement. Leur désir d’avoir un fils excellant dans les négoces ne lui laisserait certainement pas le loisir de poursuivre des recherches qu’ils jugeraient inutiles et dispendieuses. Non, le mieux c’était d’acquérir des diplômes et une indépendance financière, sans avoir de comptes à rendre à des proches. 

       Il décida de taire sa décision pour ne pas gâter la fin de son séjour à Rodez. Sa soeur Camille serait toujours à temps, lorsqu’il obtiendrait son Brevet, l’année d’après, de les avertir de sa décision. 
    ***
    (A Suivre)

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    "Ah ces banquiers... Tous de grands enfants..."


    Initiative contre les rémunérations abusives
    Copeau

       (...) La Suisse débat comme rarement au sujet du vote populaire le 3 mars sur l’initiative Minder contre les rémunérations abusives.

       Je me suis penché sur le texte de l'initiative Minder avec mon regard de chef d'entreprise. Je précise que mon entreprise n'est pas concernée par la législation en débat, n'étant pas cotée. L'esprit de l'initiative est de transférer à l'Assemblée Générale des actionnaires (= tous les actionnaires) nombre de décisions qui sont actuellement du ressort du Conseil d'administration (= seulement les principaux actionnaires), et en particulier tout ce qui touche à la rémunération des dirigeants. Pourquoi un tel projet ? Parce que les membres des conseils d'administration des grandes sociétés appartiennent tous au même monde, et pensent davantage à se serrer les coudes qu'à contrôler les excès qui sont nombreux et choquants.

       Le projet est en deux parties :
       / premièrement, transfert de pouvoirs du Conseil d'Administration à l'Assemblée Générale.
     / deuxièmement, malgré ses pouvoirs élargis, l'Assemblée Générale n'a plus le droit de recourir à certaines formes de rémunération (voir ci-dessous).

       On peut donc dire que le texte de la loi proposée restreint la liberté des actionnaires et des entreprises. Pour cette raison, mon premier mouvement a été de me sentir en désaccord. Puis j'ai changé d'avis, voici pourquoi.(...)

       (...) Comme tout le monde, je suis choqué par les rémunérations énormes accordées à certains dirigeants des grandes sociétés cotées en bourse. Ces dirigeants, qui sont des managers, et non des entrepreneurs, ont perdu tout sens de la mesure.

       Selon Bilan, Daniel Vasella, le patron de Novartis, a touché 287 millions de francs entre 2002 et 2011, Franz Humer, le patron de Roche, 142 millions dans la même période. Brady Dougan chez Crédit Suisse 134 millions, dont un bonus de 70 millions en 2009, une très bonne année pour la banque, après les pertes considérables de 2008 (8 milliards). Marcel Ospel, UBS, 104 millions (il quitte la banque en 2008, année ou la perte atteint 21 milliards, et annonce peu après qu’il renonce à 22 millions d’indemnités).

       À vrai dire, presque personne ne défend ces dirigeants sur-payés. Si l'initiative n'est pas votée, le contre-projet du conseil fédéral s'appliquera, et ses dispositions sont à peine moins radicales. Vous pouvez consulter ici le texte de l'initiative et les arguments du contre-projet.

    En savoir plus sur 

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    (Les Trois Parques en faisaient un peu trop)


    TRISTESSE

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    "Mais pourquoi est-ce un grand jour, Maman?
    - Parce que je vais enfin pouvoir déclarer
    tout ton patrimoine de petits frères..."


    La gauche caviar dans ses petits souliers
    Dagens Nyheter |
    Annika Ström Melin

       (...) Il aura fallu un scandale retentissant pour que la France fasse ce qui coulait de source dans les autres pays européens (à l'exception de la Slovénie) : exiger des responsables politiques qu'ils dévoilent leurs revenus, patrimoine et à-côtés.

       Après les mensonges du ministre du Budget Jérôme Cahuzac sur ses comptes secrets à l'étranger, la coupe était pleine pour François Hollande. Depuis le 15 avril, les membres du gouvernement sont tenus de rendre publique leur déclaration de patrimoine, et un nouveau projet de loi prévoit que tous les parlementaires, grands élus locaux et hauts responsables de l'administration devront également se plier au même exercice. (...)

       (...) La nouvelle n'aurait dû surprendre personne. Les parlementaires français sont particulièrement exposés au risque de corruption, concluait Transparency International dans une étude de 2011, en pressant le gouvernement français d'introduire des règles de transparence.

       Aucun pays au monde n'ignore que les responsables politiques qui ne sont pas tenus de déclarer leur patrimoine sont tentés d'accepter les pots-de-vin. C'est la raison pour laquelle les Nations unies souhaitent que tous les pays prennent des mesures de transparence en la matière. A ce jour, la convention de l'ONU [contre la corruption] a été ratifiée par 166 Etats.(...) 

       Mais voilà : en France, le patrimoine est un sujet sensible. Dans un pays où les hommes politiques peuvent se vanter librement de multiplier les conquêtes [féminines], le système suédois n'est pas loin d'être jugé indécent. Le fait que n'importe quel citoyen suédois ait accès à la déclaration d'impôt de son voisin et puisse savoir ce qu'il gagne est inconcevable à leurs yeux.

       La droite française tire à boulets rouges sur le projet de loi de François Hollande. Mais la "nouvelle donne" du président français courrouce aussi à gauche, chez certains barons du parti. Pour le président de l'Assemblée nationale, le socialiste Claude Bartolone, ces nouvelles règles s'apparentent ainsi à du "voyeurisme".

       Naturellement, ces cris d'orfraie s'expliquent en partie par la honte ressentie. De nombreux membres du gouvernement socialiste dévoilent des fortunes, et la gauche caviar est évidemment dans ses petits souliers.

       Certains tentent de désamorcer le malaise par une pirouette. La ministre de la Culture Aurélie Filippetti déclare ainsi qu'elle possède, outre un vaste appartement à Paris, un "tee-shirt de David Beckham". Ce faisant, elle ridiculise le nouveau cadre réglementaire tout en affichant son dédain pour une transparence pourtant nécessaire. (...)


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    Luc Desle

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (SAVOIR QU'ON SAIT EST BIEN,

    MAIS SAVOIR QUOI EST MIEUX)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/9)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste


       Le don du jeune Angélus prend de plus en plus d'importance. Seule sa soeur, Camille, peut le comprendre dans sa recherche de la Vérité. Mais cette recherche n'est-elle pas contraire aux desseins de Dieu, ainsi que le prétendent certains?

    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE

       Toujours est-il qu’Angélus, malgré le soutien du docteur, n’échappa à l’opprobre général qu’en partant à Rodez, chez mon oncle Trilhes qui avait besoin d’un commis pour l’été. Cet homme, marqué par la petite vérole, avait eu du mal à se marier d’autant plus qu’à l’époque son commerce de draps périclitait. Puis il avait connu la soeur aînée de mon père, elle aussi vieille-fille. Il avait donc épousé ma tante Élise et tous deux tenaient boutique près de la cathédrale. 

       Ce commerce était devenu fort prospère en quelques années car ma tante était vaillante et mon oncle avait décidé de se spécialiser dans les beaux tissus, ce qui attira comme clientèle tous les riches bourgeois de la ville et des alentours qui n’avaient pas encore pour habitude d’aller se fournir à Paris. 

       C’était une partie de la famille que nous ne fréquentions plus, mais depuis que j’avais vu l’intérêt qu’Angélus montrait pour les étoffes, cette idée de l’envoyer chez eux pendant les vacances avait germé en moi, puis fait son chemin, si bien que j’avais écrit une lettre à Rodez, à laquelle j’avais joint une recommandation du Père Grangeais pour leur neveu Jean. Il se trouva que leur commis était malade et Angélus put se plonger avec délice dans les drapés les plus fins et les plus précieux. 

       Il put surtout en étudier la délicatesse de plus près et accroître son savoir-faire, comme en témoigne (partiellement) cette lettre que l’oncle m’adressa alors. 

    LETTRE DE MONSIEUR TRILHES à SOEUR CAMILLE 

    25 juillet 1875 

    Ma Soeur et très chère nièce, 

       Sachez que je bénis le ciel que vous ayez eu l’idée de m’envoyer votre frère. En effet, Jean s’est montré tout de suite très à l’aise parmi nous, et surtout dans la boutique où il évolue avec une aisance qui ne laisse pas de nous étonner, votre tante et moi-même. 

       Dès la première semaine, il connaissait le nom et le prix de chaque pièce de tissus, et ceci de lui-même, car nous ne lui confiions à ce moment-là que les livraisons du quartier. 

       La semaine dernière, il m’a demandé comme une faveur d’aider votre tante à la vente, lorsqu’il n’y avait pas de paquets à livrer. Voyant son sérieux et aussi son allure distinguée, nous avons décidé qu’il servirait la prochaine cliente qui se présenterait. Bien nous en a pris, chère Camille ! 

       Onze heures allaient sonner quand s’est présentée à la boutique Madame Laferrière, dont le mari n’est autre que Maître Laferrière, magistrat à la Cour. Sur le moment, nous avons eu un instant d’hésitation, nous demandant s’il était raisonnable de risquer une bonne vente, mais déjà votre frère saluait la dame, s’enquerrait de ses besoins, lui faisait tâter quelques étoffes, promptement et judicieusement choisies. 

       Madame Laferrière, d’ordinaire assez revêche et difficile, souriait, hochait la tête en signe d’assentiment, visiblement sous le charme de ce jeune garçon qui, ne trouvez-vous pas, ressemble aux anges blonds de nos églises ? Bref, la dame a passé une très belle commande : des voilages et des tentures pour le bureau de son mari, des taffetas pour sa chambre à coucher, des mousselines légères et des dentelles du Velay dont son tailleur saura tirer le meilleur effet. 

       Tout en choisissant, elle ne tarissait pas d’éloge à propos de votre frère : « Vous avez là, disait-elle en le dévorant du regard, un neveu dont la compétence, l’intelligence et la serviabilité sont dignes d’éloge. Je vous en félicite. » 

       De plus, Madame, qui aime les toilettes à la folie, a dit qu’elle repasserait sous peu en amenant des amies à elle. Voici, pour l’anecdote, un échantillon de ce dont est capable Jean. 

       Car depuis ce jour, nous avons eu le temps de vérifier combien est grand son talent de vendeur. Il sait deviner les désirs des chalands ; il manie le français mieux qu’un instituteur et ne commet aucune fausse note. Vraiment, votre frère a la bosse du commerce et je dirai même plus, il a un DON. 

       Nous savons qu’il souhaite poursuivre ses études et, compte tenu des facilités consenties par l’évêché, il est vrai qu’il serait dommage qu’il n’aille pas jusqu’au Brevet, d’autant plus qu’il est en avance et que les Frères le présenteront dès l’an prochain. 

       Pourtant, avec ce qu’il sait déjà, je vous garantis qu’il pourrait faire rapidement fortune. Il pourrait devenir notre apprenti. Puis, très vite, si ses aptitudes sont à la hauteur de ce que je présume, j’en ferai mon associé, et votre tante et moi-même y gagnerons le fils que nous aurions tant aimé avoir et que Dieu nous envoie sur nos vieux jours. L’avenir de Jean repose entre vos mains. Sachez que les nôtres sont prêtes à l’accueillir à leur tour. 

       Bien sincèrement. Thomas Trilhes 

    ***

    (A Suivre)

    ***
       Charlie Byrd:

       guitariste et compositeur de jazzaméricain né à Suffolk dans l'État de Virginie le 16 septembre 1925 et mort le 2 décembre 1999 à Annapolisdans le Maryland.

       Byrd grandit dans un environnement musical et apprend la guitare avec l'aide de son père. Au début des années 1950 il se consacre davantage à l'étude de la guitare classique aux côtés de Sophocles Papas ou Andrés Segovia en Italie. À la fin des années 1950 il se produit en trio mêlant jazz et style classique principalement dans la région de Washington et enregistre aussi des disques importants dans sa discographie. Au cours d'une tournée en Amérique latine en 1961 il découvre la bossa nova et de retour la fait écouter à Stan Getz. Ils enregistrent ensemble en 1962 l'album Jazz Samba qui connaît un grand succès et contribue à populariser ce style musical en Amérique du nord. 
       Ce succès lui permet d'enregistrer de nombreux disques pour Riverside puis Columbia et d'explorer principalement la bossa nova au cours des décennies suivantes. À partir de 1973 il effectue plusieurs enregistrements avec le groupeGreat Guitars aux côtés de Herb Ellis et Barney Kessel. Byrd meurt le 2 décembre 1999 à 74 ans après s'être battu contre un cancer.


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    Stan Getz and Charlie Byrd 08 Desafinado (45 RPM Issue)




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    Stan Getz and Charlie Byrd 03 O Pato




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    Stan Getz and Charlie Byrd 05 Samba de Uma Nota So



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    "Moi j'aime pas la samba et le jazz..."



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    Jacques Damboise et Nadine Estrella

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  • °°°
    Pensées pour nous-mêmes:

    (SOURIRE A l'INCONNU, 
    C'EST DÉJÀ L'APPRIVOISER)

    °°°
    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/7)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       Le petit Angélus, peu aimé de ses jeunes congénères en raison d'un don particulier, est envoyé dans n collège de Frères afin... de parfaire une éducation qui, par bien des côtés, est un peu limitée...

    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE

       Angélus avait donc douze ans lorsque la générosité inespérée de l’évêché et du médecin le mit pour un temps à l’abri des rudesses du quotidien, mais non pas à l’abri des jalousies qui, elles, ne firent que s’amplifier. 

       L’adolescent apprécia immédiatement sa condition de pensionnaire. Cependant, ses recherches tactiles perpétuelles ne l’empêchèrent pas, là encore, de subir quelques réprimandes tout d’abord, puis des châtiments plus cuisants qui lui firent prendre conscience qu’il lui faudrait désormais, dans ce domaine délicat tout particulièrement, agir à l’insu de tous et n’exprimer ses penchants qu’en présence de Camille, du docteur en qui il sentait un allié inconditionnel, ou bien seul. 

       Il se mit à noter sur un carnet toutes ses remarques concernant sa passion. C’est ainsi qu’il consigna mille sensations, mille textures, le tout agrémenté, lorsque cela était possible, d’un échantillon de la matière en question. 

       De ce carnet, dont le docteur avait pris connaissance, c’est certain, il ne nous reste aujourd’hui plus rien, hormis les commentaires que Camille put en faire, tant elle était émerveillée devant le don étrange de son frère. 

       Il parvenait, en effet, à force de patience et de travail minutieux pris sur les heures de jeux ou d’étude, à retrouver les composants d’un tissu et ceci à l’oeil nu, ou plutôt à main nue, car ce n’était pas sa vue qu’il mettait le plus à contribution mais bien ses doigts et toutes les cellules de sa peau. 

       Angélus dévora en quelques mois tous les ouvrages relatifs à la botanique et à la fabrication des étoffes que la bibliothèque de la congrégation pouvait contenir. Et il y en avait une pleine étagère, car la province possédait plusieurs manufactures, ainsi que des filatures, des tanneries et des fabriques de gants et de dentelles. 

       Tout cela ne fit qu’attiser sa soif de pouvoir toucher des soieries, des mousselines, des cachemires et des velours. Il lui arrivait de passer des heures dans la sacristie, lorsque les autres enfants de choeur s’étaient retirés, afin de palper les nouvelles étoles, les voiles et les chasubles trop raides et empesés à son gré. 

       Il rêvait de légèreté, de transparence, de frissonnements tactiles que les matières alentour étaient loin de lui procurer, à l’exception des matières végétales qui, elles, exhalaient toutes leurs nuances, de façon hélas éphémère. 

       Camille, dont il avait de ses mains douces parcouru quelques portions du corps en quête de textures soyeuses, voyait en lui un virtuose du toucher, tel un musicien précoce qui fait ses gammes avec talent ; capable, qui plus est, d’inventer sur un instrument au clavier inégal des symphonies fantastiques auxquelles elle s’abandonnait, en pleine extase. 

       Un trouble sentiment commençait également à la tarauder. Elle était elle aussi désireuse de pouvoir promener ses mains sur le corps d’Angélus qui, en grandissant, devenait encore plus angélique et sensuel. Mais elle devait s’en abstenir car elle lui aurait emporté la peau, la paume de ses mains demeurant à jamais rugueuse et squameuse. 

       Elle en aurait conçu une grande amertume si, pour lui, elle n’avait su inventer d’autres caresses où elle mêla les parties de son corps qui demeuraient douces et qu’Angélus avait si bien su trouver. Elle usa également de sa langue et de ses cheveux qu’elle avait dû faire tondre à son entrée chez les Bénédictines, mais qui avaient repoussé et qu’elle s’était promis de ne plus couper pour adorer Angélus, n’en déplaise à Dieu et aux autres moniales. 

       Cependant ses jeux sensuels qui, ailleurs, eussent pu se terminer de manière grossière, n’avaient entre eux aucun caractère délictueux. Camille admirait son frère comme un représentant de Dieu sur terre, et lui ne voyait en elle qu’un instrument commode lui permettant de faire ses gammes. Lorsque la jeune femme s’abandonnait sous les doigts d’Angélus, c’était un corps-musicien qu’elle offrait au virtuose que devenait peu à peu l’adolescent.

    ***
    (A Suivre)

    °°°
    (Cet amour de pluie allait hélas cesser 
    dès que viendraient les beaux jours)



    The Night I Lost You (Girl’s Romances #32 May 1955)

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    "Ah, ah... Je vais te faire subir les derniers outrages et...
    - Mais non! Che fais de faire supir les derniers oudraches!
    - Désolé! J'ai un mal fou avec cet étrange accent teuton"

    Helpless Brides of Satan’s Ice Monster
    Norman Saunders, 1968.


    °°°

    "Sigh... Avec mon étrange accoutrement,
    jamais elle ne voudra croire que je suis un homme,
    un vrai..."


    1957 Art by EMSH
    (Source: flickr.com)

    °°°
    "Et que je te me lèche avec application...
    Et que je te m'inonde de salive...
    Ah là là! On ne leur apprend pas grand-chose,
    à leur fameuse Ecole militaire..."

    Walter Martin Baumhofer

    °°°
    Blanche Baptiste

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  • @@@
    Pensées pour nous-mêmes:

    (MANGE A TA FAIM
    MAIS PAS A CELLE DE TES VOISINS)

    @@@



    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/5)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       Soeur Camille de l'Incarnation est la soeur d'Angélus qui rapporte la manière dont elle s'est occupée de son frère, aussi beau que l'enfant Jésus mais possédant, semble-t-il, un don venu on ne sait d'où...

    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE 

    Laennec_-_Théobald_Chartran



    CARNET DE SŒUR CAMILLE DE L’INCARNATION 

    (novembre 1879) 

       Notre bon docteur Gagey vient de mourir suite à une mauvaise chute de cheval dans un de ces chemins embourbés de l’automne. Paix à son âme ! Lui qui aimait tant mon Angélus, au point de lui avoir financé une partie de ses études… 

       Mais de tous ceux qui ont connu de façon la plus intime qui soit mon frère Angélus, je pense être la plus proche. Pour dire vrai, je l’ai suivi pas à pas, seconde après seconde. Angélus avait la beauté et la délicatesse dont j’étais, par je ne sais quel atavisme, dépourvue. 

       Tout jeune il sut se faire choyer par moi, alors que tout, compte tenu du contexte, aurait dû l’exposer au sein de notre famille aux pires des traitements. Il fut élevé dans la soie, le satin et les étoffes les plus moelleuses, quand nos frères et soeurs se contentaient de cotonnades grossières, de serge et de chanvre épais. 

       Je faisais preuve de mille ingéniosités pour combler les désirs de mon protégé, et celui-ci put développer à l’extrême son sens du toucher. Devinant ses besoins en la matière, je sus lui procurer des velours à caresser, des peaux de lapereaux à palper, bref, toutes sortes de textures plus douces les unes que les autres, sur lesquelles le bambin faisait courir ses doigts et ses mains tout au long des journées passées au berceau. Dans cette occupation, un léger babil s’échappait de ses lèvres et c’était comme une musique céleste qui, chaque fois que je l’entendais, calmait et cautérisait mes tourments. 

       Dès qu’Angélus sut courir, il s’échappa dans la campagne où il rencontra des kyrielles de sensations tactiles dont il sut rapidement user. Je me souviens d’une journée de printemps où, saoulé par toutes les odeurs que la Nature lui apportait et par les innombrables textures qu’il ne cessait de découvrir sur les plantes, les pétales et les duvets d’oiseaux, il s’écroula dans un champ, en pleurs, remerciant avec des mots enfantins une quelconque Déité pour tant de beautés. 

       En effet, mon frère était extrêmement sensible. Chaque fois qu’il effleurait du doigt une étoffe ou toute autre matière, il entrait en extase et son visage, transfiguré, devenait celui d’un découvreur d’infinis. Ce sens tactile prit rapidement le pas sur tous les autres et Angélus ne vécut que pour son affinement. 

       Pour commencer, il ne sélectionna que les sensations les plus agréables. Son expression de plaisir lui valant de nombreuses réprimandes, mon frère essaya d’autres sensations, se fixant sur le rugueux, le piquant ou le granuleux. Toujours ces nuances lui aiguisaient plus avant sa perception des choses, la qualité des unes naissant de la propriété des autres. 

       Voyant qu’il avait de si grandes dispositions tactiles et pour aider à l’ordinaire, je lui enseignai en cachette l’art de la dentelle. Les leçons furent brèves car à me regarder faire pendant nos longues soirées d’hiver, il avait déjà tout engrangé dans sa tête. Des petits fuseaux de buis ne tardèrent pas à courir sous ses doigts, en cliquetant joyeusement. Je le regardais émerveillée. 

       « Comme tu es adroit, mon Angélus ! Jamais personne, à ma connaissance, n’a réalisé de si beaux ouvrages, et si vite. Quelle finesse ! » 

       Quand il avait achevé sa pièce de dentelle, je l’admirais toujours, non pour en chercher les défauts, il n’y en avait pas, mais pour découvrir au travers de tout cet entrelacs de points compliqués des figures d’oiseaux et de fleurs des champs, composées avec des soies si fines qu’on eût cru voir là une oeuvre divine. Qui aurait pu penser qu’une telle perfection ait été conçue par un garçonnet de dix ans ? 

       «Monsieur le curé sera content de cette livraison. La dame du notaire en donnera bien 1 franc. Si tu voyais comme il me congratule, comme il me croit adroite ! C’est tout de même dommage de devoir mentir. J’aimerais tellement que ce soit toi que l’on félicite ! » 

       Angélus souriait. Il aurait fallu un miracle pour que ces gens reconnaissent enfin ses qualités et cessent de voir en lui une expression du Diable... Au lieu de cela, pour échapper à leur méchanceté il devait se cacher, feindre d’être ailleurs, ce qui le faisait passer bien des fois pour un simple d’esprit. 

       S’il pouvait se rendre à l’école, il ne pouvait se joindre aux jeux de ses camarades car ceux-ci le rouaient de coups. D’ailleurs il ne recherchait pas leur compagnie. Il regrettait simplement que les filles soient séparées des garçons. Alors, il les regardait évoluer dans la cour mitoyenne et il s’imaginait que si on les mettait ainsi à part, c’était pour protéger la grâce et la fraîcheur que la vie rude et le sceau de la prédestination n’avaient pas encore altérées. Il avait remarqué que les affections de peau tardaient plus à s’installer chez les unes que chez les autres. Et il guettait ces territoires préservés dans l’espoir de pouvoir en goûter la texture. Car mon Angélus, je l’ai déjà dit, ne pouvait pas résister au désir d’expérimenter, de palper la matière quelle qu’elle soit. 

       Aussi, dès que l’occasion s’en présentait, et bien qu’il ait essayé de surmonter ses envies, il s’arrangeait pour approcher l’heureuse épargnée et là, d’un geste toujours discret, furtif, mais qui ne pouvait échapper aux yeux malveillants qui partout le surveillaient, il effleurait la portion de chair diaphane, un cou de cygne, une joue duveteuse ou un mollet élastique. Tout ceci l’attirait irrésistiblement ; d’autant plus que ces parcelles de beauté et de fraîcheur étaient rares dans le bourg. Il osait s’abandonner à ce désir d’autant mieux que sa propriétaire était comme attirée par ses yeux d’un bleu limpide et son sourire un peu distrait qui s’apparentait à celui des angelots sculptés au-dessus du portail de la vieille église du bourg. 

       Bien sûr, lui ne voyait aucun mal à ces attouchements et s’il eût été aveugle, on lui eût volontiers pardonné. Mais dans son cas, on ne lui concédait aucune excuse et il passait de longues heures au piquet, car il se trouvait toujours quelqu’un pour aller se plaindre de ses caresses, ne fut-ce que pour la joie de le voir puni. 

       En classe, il était le meilleur au niveau de l’écriture où il surpassa très vite le maître tant il était habile, précis et inventif pour tout ce qui concernait la calligraphie. On le citait en exemple. Ses pages d’écriture firent le tour des écoles du canton, ce qui lui valut la jalousie féroce de ses camarades et l’intérêt inquiet du maître face à ce petit prodige qui ne semblait pas plus doué qu’un autre pour le reste des matières ou qui, du moins, ne le montrait pas, car il devint rapidement expert en dissimulation, ayant compris qu’être le meilleur lui attirait des ennuis auxquels il ne pouvait se mesurer n’étant pas physiquement aussi fort que les autres. 

    ***

       Il se fit bientôt autour de lui un grand cercle de médisances, de méchancetés et de haine, celle-là même qui enfanta chez certains garnements, quelques années plus tard, l’idée diabolique de métamorphoser cet être féerique en un repoussant crapaud. 

       Oh Mon Angélus ! Tu étais alors la joie et l’innocence même, ainsi que je le sondais, moi qui avais la possibilité de me nicher au plus profond de ton coeur. Cependant, à chacune des brimades qu’on t’infligeait, à chaque nouvel affront qu’on te faisait, je sentais que ton coeur durcissait, s’opacifiait telle une pâte de glaise qui, à l’air libre, devient dense, incompressible, se fige en une masse à la dureté métallique. 

       Peu à peu, le regard qu’on te porta passa de la curiosité à la méfiance et de cette dernière à la colère. Tu déclenchais, à chaque passage, une ire d’autant plus surprenante qu’elle naissait de gens à qui tu ne t’adressais jamais, vers lesquels tu n’esquissais aucun geste pouvant être mal interprété 

       «C’est l’enfant du Diable » chuchotaient les commères, « C’est le septième garçon, je vous dis qu’il est marqué, pour sûr » et elles se signaient d’importance, alors que leurs maris crachaient à terre pour conjurer le mauvais sort. Même le curé du bourg, le père Grangeais, homme intègre et de grande noblesse en temps ordinaire, et dont j’apprécie toujours la compagnie, devenait soupçonneux lorsqu’il t’apercevait. 

       Moi qui eus toujours la faculté de deviner les pensées d’autrui, aux mimiques ou aux voix que j’entendais, je pouvais sentir les effluves de rage qui sourdaient de ces gens, transformés à présent en foyers de violence. Celle-ci, jusqu’à l’année de tes quatorze ans où elle explosa dans ce terrible crime dont tu fus l’innocente victime, ne fit qu’augmenter, grossir et palpiter dans chacun de ces coeurs grossiers, jaloux et destructeurs. C’était le cratère d’un volcan qui s’emplissait de toutes les rancoeurs qu’on éprouve devant l’être différent et « magique » que tu étais alors... 

    ***

       Depuis qu’Angélus fréquentait l’école, je travaillais selon les saisons, soit à la filature d’Aubenac, soit chez des particuliers. Ma soeur Thérèse ne s’occupait jamais de Jean. Par contre, je pouvais compter sur Mariette pour veiller un peu sur le petit. Sous ses airs durs, elle avait tout de même un coeur d’or, quoique très influençable. 

       Un soir, tandis que j’étais penchée sur mon ouvrage, le père me dit : 

       - Hé bien Camille, tu vas avoir dix-huit ans, il faudrait songer à se marier ! 

       Sa réflexion, dans laquelle se lisait tout l’intérêt qu’il aurait aimé tirer de mon mariage, ne m’encouragea pas à me mettre à la recherche d’un futur époux. Mes soeurs, déjà, avaient eu bien du mal à trouver un conjoint et les élus n’avaient pour moi aucun attrait, aussi rustres l’uns que l’autre ; tous les deux aussi laids et dépourvus de toute intelligence et, ce qui était pour moi impardonnable, incapables de la moindre sensibilité. 

       J’avais gardé de très bonnes relations avec les religieuses qui m’avaient éduquée et, chaque fois que j’allais leur rendre visite, je trouvais au monastère la paix qui ne régnait plus chez moi. 

       Et ainsi, au fil de ces visites, ai-je fini par désirer entrer en religion, à la fois par calcul et par attirance envers Notre Seigneur Jésus-Christ, dont le corps à demi-nu, sur la croix, provoquait en moi une douce émotion, faisant souvent monter des larmes sous mes cils et battre très fort mon pauvre petit coeur. 

       De plus en plus souvent on me surprit, plongée dans un état méditatif, alors que la besogne ne manquait pas. Je restais prostrée en l’absence d’Angélus, incapable d’entamer un quelconque travail ; attirée par le son des cloches qui rythmaient mes mornes journées ; lisant et relisant les confessions de Nos Saintes ; rêvant d’entrer, comme elles, au service de Notre Seigneur. 

       Je supportai encore l’ambiance familiale une paire d’années, mon Angélus n’ayant que six ans, mais je me promis de faire mon postulat lorsqu’il aurait dix ans. Entre-temps, à l’insu de tous, je parvins à économiser assez d’argent pour que mon angelot ne manque de rien et qu’il aille à l’école normalement et ce, malgré la guerre et les malheurs qui s’ensuivirent. 

    ***
    (A Suivre)


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    "Exception culturelle, exception culturelle...
    Tu vas voir ce que j'en fais, moi,
    de ton exception culturelle...
    - Mais, cette nuit, tu n'avais rien contre!"

    Marlene Dietrich, Arthur Kennedy,
     Rancho Notorious de Fritz Lang, 1952


    UE-ETATS-UNIS :


    Les cinéastes défendent 

    l’exception culturelle européenne
    PresseuropLes Echos

       Dans une pétition adressée à la Commission européenne le 22 avril, 80 réalisateurs européens exigent que Bruxelles exclue l’audiovisuel et le cinéma des négociations sur un accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis, qui débuteront cet été.

       Ils entendent ainsi – Belges et Français en tête – défendre “l’exception culturelle”, qui permet de limiter le libre-échange de la culture sur le marché et de permettre aux pays de promouvoir leurs propres oeuvres.

       La Commission “est accusée par le monde du cinéma de n’avoir qu’une ‘vision libérale’ de la culture”, note le quotidien Les Echos, qui ajoute que pour les cinéastes, “la culture doit être la source de l’Union à l’heure où l’Europe politique ‘peine’”.

       La charge a poussé Bruxelles à réagir : le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a assuré dans un communiqué que “l’exception culturelle ne sera pas négociée”. Mais son porte-parole a précisé que cela n’exclut pas l’audiovisuel des négociations.

       Le quotidien économique rappelle que ce n’est pas la première fois que le monde du cinéma s’insurge : "En 1993, à l’occasion de la renégociation des accords du GATT, l’ancêtre de l’OMC, les cinéastes n’avaient pas hésité à affréter un avion pour Bruxelles pour faire valoir leurs vues devant l’offensive américaine, qui voulait notamment que la culture soit assimilée à une marchandise comme les autres. Vingt ans après, ils sont prêts à renouveler l’opération."(...)



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    (Le plus court chemin c'est... heu... 
    la ligne zigzagante, peut-être, non?)


    Atlantic ocean road in Norway, 

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    "Bar... Humpf... De volupté?
    Vous... Humpf... avez l'adresse?"


    RUSSIE 
    L’anticafé, une oasis de volupté
    Anders Mård 

       (...) La place Vosstaniia est le carrefour le plus fréquenté de Saint-Pétersbourg, métropole de 5 millions d’habitants. Mais, au coin de la place, au troisième étage d’un vieux palais donnant sur la perspective Nevski, le stress s’évapore comme par magie.

       Une inscription sur la porte : "Tsiferblat – Bienvenue". Le mot "Tsiferblat" désigne le "cadran de la montre". Si vous ne connaissez pas l’adresse, vous n’avez aucune chance d’arriver jusqu’ici. En bas, dans la rue, pas la moindre trace de panneau ni de publicité, juste une sonnette rudimentaire.

       "Le plus important pour nous, c’est que les gens se sentent bien ici. L’endroit vise à donner l’impression de rendre visite à un ami proche", explique Inga Belingua, qui est à l’origine du projet.

       Ce concept a été baptisé "anticafé". Les Tsiferblat proposent du café, du thé et des gâteaux. Vous pouvez y siroter autant de cafés que vous le voulez. Et l’on ne parle pas de café en poudre, mais de café en grains de qualité supérieure. Qui plus est, vous pouvez y apporter votre nourriture et la réchauffer au micro-ondes. La seule chose payante ici, c’est le temps passé sur place. Et le prix est à la portée de toutes les bourses. La première heure coûte l’équivalent de 3 €, moitié moins ensuite.

       "Nous ne perdons pas d’argent, mais l’argent n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est de proposer un espace de liberté et un échange décontracté avec nos visiteurs", confie Inga Belingua.

       Je commande un cappuccino et m’installe à une table de bois sommaire. La déco est authentique et sans prétention, tout en bois, avec quelques vieux placards dans les coins. Un air de jazz s’échappe des baffles.

       Ceux qui le souhaitent peuvent retirer leurs chaussures et laisser leur manteau au vestiaire. Sur le rebord de la fenêtre, quelqu’un s’est assoupi, allongé sur un matelas. Les autres tables sont occupées par quelques étudiants.

       Le premier Tsiferblat a ouvert ses portes à Moscou il y a quelques années. Aujourd’hui, l’enseigne a essaimé dans plusieurs villes : Rostov-sur-le-Don, Kazan et Nijni Novgorod en Russie, Odessa et Kiev en Ukraine. A Saint-Pétersbourg on en compte déjà deux – et plusieurs autres cafés se sont inspirés directement du concept.

       "La recette de notre succès, c’est l’ambiance détendue que nous proposons et les gens intéressants qui fréquentent l’établissement, analyse Inga Belingua. Ici on échappe au stress et au tohu-bohu de la ville. C’est un lieu accueillant où l’on se sent bien. Les gens ne doivent pas se sentir ici comme des clients, mais comme des hôtes."(...)


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    Benoît Barvin

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (SUR LE FLEUVE DES JOURS
    LES PENSÉES SE NOIENT)


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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/3)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       La naissance d'Angélus Galin s'est mal passée. La mère est morte en couche. Mais une des soeurs, Camille, sauve l'enfant qui est d'une beauté singulière, lui le miséreux, né dans une famille où les tares sont nombreuses...

    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE 

    Murillo, Saint Jean-Baptiste enfant.


       Au bout de quelques jours, la vie reprit son cours. Chaque matin, le père et le frère aîné s’en allaient à l’usine et ils baignaient là dans la vapeur étouffante des cuves de teintures, brassant et essorant des kilomètres de tissus. Ils en ressortaient le soir, éreintés, la peau cuite et tâchée. 

       Thérèse se rendait au lavoir et ne manquait pas d’ouvrage car elle avait récupéré les clientes de sa mère. Elle travaillait deux fois plus, abattant son battoir sur le linge avec la régularité d’un métronome, le visage fermé, les yeux vides. Mariette, de sept ans sa cadette, l’accompagnait et faisait sa part de travail. 

       Camille quant à elle, depuis le mois de juin, n’allait plus en classe. La mère avait eu besoin d’elle pour garder Pierre, le plus petit. Toutes ces absences étaient bien dommage car, aux dires de la Mère Supérieure du couvent voisin, cette petite avait toujours été très vive et intelligente pour son âge. Elle aurait bien aimé poursuivre ses études d’autant que les Soeurs l’y exhortaient, mais il n’en était plus question maintenant que la mère les avait quittés. Il y avait toute la maison à tenir avec les trois petits, Joseph, Germaine et Pierre qui n’avait que cinq ans, sans compter Angélus, son protégé. 

       Ce dernier lui donnait bien des joies mais aussi de nombreux soucis, tant il était délicat. Elle savait d’instinct que ce petit ne survivrait pas s’il était entouré des rudesses qui faisaient le lot quotidien des autres. Elle avait d’ailleurs consulté en cachette le docteur Gagey qui avait été fort impressionné par la délicatesse de cet enfant et qui, contrairement aux autres habitants du bourg, avait immédiatement vu que cette créature était pleine de grâces dans tous les sens du terme. 

       Il avait dit à Camille de lui donner tout ce qu’il y avait de plus fin, de plus aérien. Elle avait dû lui confectionner des langes dans les précieux draps de soie récupérés par sa mère chez le comte et la comtesse d’Argelliers lorsque ces derniers l’avaient congédiée, après un an de service au château d’Aubenac, le bourg voisin. 

       A cette occasion, les langues, au lavoir, étaient allées bon train et l’on disait que le comte, qui usait encore volontiers de l’ancestral droit de cuissage, avait dû s’acoquiner avec Marthe puis, une fois sa toquade passée, avait dû faire pression sur sa femme pour renvoyer la domestique pourtant fort appréciée pour son travail soigné et les bons soins qu’elle avait prodigués à Raphaël, leur fils. 

       Il ne s’agissait que de médisances qui, cependant, portèrent tort à Marthe et qui fit naître un sourd antagonisme entre la pauvre femme et son mari. 

    ***
    (A suivre)


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    "Hé... Pssiiittt... Tourne-toi, tourne-toi!"


    Ballet West

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    "Hihihi... J'adore tous ces petits poissons coquins..."


    Vladimir Fedotko - a fish spa

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    "En Mai, je fais ce qui me plaît et si ça déplaît
    aux opposants au mariage pour tous,
    je m'en bats les c..."



    Peter Kolchin

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    (L'Homme Invisible était un voleur de femmes...)


    Leonid Bourtsev


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    Jacques Damboise

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (POUR DEVENIR LE SAGE,

    SOIS D'ABORD TOI-MÊME)


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    COURTS RÉCITS AU LONG COURS (88/8)
    pcc Benoît Barvin

       Tom Drake, agent du FBI, enquête, dans les années 30, sur l'explosion criminelle qui a détruit le "Blue Circle", une boîte de nuit où les seuls victimes sont les danseuses elles-mêmes. Parmi elles une certaine Doris, avec laquelle sortait son collègue, Peter Duncan. Doris... qui n'était autre que sa demi-soeur. Lorsque les deux tourtereaux l'ont su, l'une s'est suicidée, l'autre a tenté d'étouffer le scandale en donnant de l'argent à un mystérieux corbeau... Mais, d'après Eliot Ness, patron de Drake, les choses sont plus complexes...



       L’homme nous avait reçus en affichant une certaine surprise. Comme Ness et moi, il vivait seul. Mais là s’arrêtait la ressemblance. Car il résidait dans un ancien hôtel particulier et c’est un majordome à l’ancienne qui nous avait ouvert. 

       - Vous prendrez bien un verre ? proposa le procureur Davidson en nous priant de nous asseoir. 

       Nous acceptâmes. J’étais nerveux. Je sentais que les choses, là aussi, allaient se précipiter et je tâtai, discrètement, la bosse que faisait mon arme, dans son holster. 

       - Que me vaut le plaisir de votre visite ? s’enquit le procureur. 

       Il arborait un costume trois-pièces, comme s’il s’apprêtait à présider une quelconque réunion électorale. 

       - Je venais vous parler de la mort de mon agent, Peter Duncan. 

       - Triste histoire, fit Davidson en examinant le contenu de son verre comme s’il le voyait pour la première fois. Un rien sordide… Même si ce n’est pas la faute de votre agent, cette relation contre nature, tout de même… 

       Je percevais une indubitable ironie dans ces propos. Je ne connaissais le procureur que par ouï-dire. Ses décisions étaient toujours sévères et l’on disait qu’il n’attendait qu’un faux pas de Capone pour, enfin, couper définitivement la tête de l’hydre mafieuse. A part ça, il n’attirait guère la sympathie en raison de jugements à l’emporte-pièce venus d’une rigueur morale qui le faisait surnommer « le père la pudeur ». Une animosité sous-jacente régnait dans la pièce. Indubitablement, le procureur et le patron ne s’aimaient pas. 

       - Cette relation… contre-nature, comme vous dites Monsieur le procureur, Duncan et Doris n’en auraient jamais eu connaissance, si quelqu’un ne leur avait pas envoyé une lettre anonyme qui vendait le morceau. 

       Davidson haussa les sourcils et posa précautionneusement son verre sur la petite table en verre autour de laquelle nous nous trouvions. 

       - Tiens, donc ! Première nouvelle. 

       - Tom Drake, ici présent, a suivi Duncan qui se rendait à un rendez-vous avec son informateur. Ou plutôt, avec son maître-chanteur… Puisque Tom a constaté que son malheureux collègue trimbalait avec lui une valise pleine de beaux billets. Certainement pour acheter le silence de l’individu. 

       Le procureur sursauta à peine mais le sourire qui lui servait de passeport se figea. Il ne regarda pourtant pas dans ma direction en demandant. 

       - Des billets ? Tiens donc ? Et où les avait-il pris ? Car je suppose que ce n’est pas avec sa maigre solde que votre agent a pu faire taire… l’autre homme. 

       - C’est tout à fait exact, approuva Ness. 

       Il se pencha en avant et fixa son interlocuteur droit dans les yeux. Quand il faisait ça, il était difficile de résister à son regard hypnotique. Cependant Davidson ne se démonta pas. Seul un tic nerveux fit tressaillir sa pommette droite. 

       - L’argent a été prélevé dans le coffre-fort du « Blue Circle », susurra Ness Une belle somme provenant à la fois des recettes « normales » et d’autres, un peu moins avouables. 

       - Issues du trafic avec la Mafia, c’est ça ? 

       - Exactement Monsieur le procureur, approuva le patron. Car le «Blue Circle», comme beaucoup d’autres boîtes, trempe dans différents trafics. Pour cet établissement, il s’agit de traite des blanches. On fait transiter des filles par la piste de danse avant de les envoyer un peu partout dans les grandes villes du pays. Des filles qui n’ont généralement aucun parent… 

       Le procureur reprit son verre et se leva. Il fit quelques pas dans la pièce, suivi par notre double regard. Près de la grande fenêtre aux lourds rideaux donnant sur le parc, il s’arrêta et, sans se retourner, demanda. 

       - Et vous avez une idée de l’identité du maître-chanteur ? 

       - Plus qu’une idée, Monsieur le Procureur. Tom a distingué les traits de l’homme alors qu’il s’emparait de la valise tendue par Duncan. Il vous a reconnu… 

       Davidson et moi nous sursautâmes en même temps. Le procureur pivota et foudroya Ness du regard. 

       - Pardon ? Ai-je bien entendu ? 

       - Je dis que vous êtes le mystérieux corbeau qui a poussé la pauvre Doris au suicide et qui est responsable de la mort de mon agent. C’est vous qui lui avez écrit, exigeant qu’il s’empare de l’argent que contenait le coffre-fort du « Blue Circle ». Autrement vous le dénonceriez... Duncan n’a pas poussé la réflexion très loin. Sur les suppliques de sa demi-sœur, il a fait ce que vous demandiez. C’est lorsqu’il a eu connaissance de l’attentat qui a fait un si beau carnage qu’il a pris peur. Il savait à présent que sa vie, mais surtout celle de Doris, était en jeu. Bien qu’ayant accepté de vous rencontrer, il a laissé derrière lui une confession que j’ai reçue au courrier, ce matin. Il y explique tous les tenants et les aboutissants de l’affaire. Ses aveux, joints à un calepin trouvé chez lui, écrit de la main de sa demi-sœur, sont largement suffisants pour vous impliquer, Monsieur le Procureur. 

       L’homme réagit dans la seconde qui suivit. Il fit un geste rapide en direction de sa poche intérieure. De concert je sortis mon arme et, sans viser, tirai deux fois dans sa direction. L’homme s’effondra aussitôt, telle une poupée de chiffons. Ness se précipita, fouilla dans le costume du procureur, en sortit une arme qu’il plaça dans la main droite de Davidson. 

       - Pourquoi faites-vous ça, patron ? demandai-je en m’approchant, encore éberlué par la soudaineté des évènements. 

       Je ne réalisai pas vraiment ce qui s’était passé. Puis, en regardant les yeux aussi fixes que des billes du procureur, je compris qu’il avait cessé de vivre. 

       - Je fais ça pour appuyer la thèse selon laquelle vous avez tiré en légitime défense. 

       Je m’accroupis près du mort. Ness l’observait, le visage impassible. 

       - Je n’ai jamais vu le visage du maître-chanteur, vous le savez, n’est-ce pas ? glissai-je, alors qu’on entendait des bruits de pas précipités dans l’escalier. Certainement ceux du majordome. 

       - Je ne l’ignore pas. Mais il fallait forcer un peu le trait pour obtenir une réaction... satisfaisante. 

       Eliot Ness leva son visage. Ses yeux brillaient d’une lueur féroce. Quand il me parla, sa voix était froide et déterminée. Elle me fit froid dans le dos. C’est à cet instant que je réalisai combien les années à venir allaient être plombées. 

       - Je fais mon boulot le mieux possible, Tom. Face à des salauds de cette espèce, tous les coups sont permis. Ce type-là, sous couvert de lutter contre le crime, a soudain perdu les pédales. Il a utilisé une histoire somme toute banale pour son profit personnel. Tout cela me débecte. Maintenant, le procureur Davidson ne polluera plus la société. 

       Je ruminai quelques instants sur ce qui venait d’être dit, pas certain d’approuver le fond de la pensée de Ness. 

       - Ce n’est quand même pas lui qui a fomenté cet attentat contre le « Blue Circle » ? 

       - Bien sûr que non. Ce sont des gens à Capone qui, se rendant compte que le coffre-fort avait été pillé, se sont affolés. On le sait par Dogson, le patron de la boîte, qui a fini par manger le morceau. En l’absence de leur chef, lui et quelques complices ont échafaudé un plan catastrophique… et stupide. En fait, leur bombe ne devait détruire le bâtiment qu’une fois tout le personnel parti se coucher… C’est un travail d’amateur. De peigne-cul ! 

       Ness n’ajouta plus rien ce jour-là. Il avait bien trop à faire avec le commissaire divisionnaire, la presse et le Ministère de la justice. Il m’envoya me reposer, ce que je fis avec empressement. La manière dont les choses s’étaient déroulées me dépassait. « La fin justifie les moyens », dit le dicton populaire. Un dicton que Ness semblait avoir fait sien. Il m’avait manipulé lors de cette confrontation. Je lui en voulais confusément. « C’était pour la bonne cause », m’expliquerait-il plus tard, sans pour autant me convaincre. 

       Lors de mon retour chez moi, dans un froid polaire, je me dis que cette première enquête m’avait révélé bien des choses sur la nature humaine. 

       La plus évidente étant qu’on ne fait jamais d’omelette sans casser des œufs. La seconde, c’est que j’étais embringué, bien malgré moi, dans un sac de nœuds peu ragoûtant. La seule chose à faire, c’était d’oublier cette histoire. Ou bien de tenter de le faire. Pas sûr que j’y arrive un jour… 

       Au lieu d’aller me pieuter, j’entrai dans le premier troquet ouvert et, malgré l’interdiction, je commandai un verre de schnaps. On me le servit sans difficulté. 

       Ce fut le premier d’une longue série, ce matin-là, alors qu’une neige sale et collante noyait peu à peu la ville…



    FIN<o:p></o:p>


    Pour ceux qui voudraient connaître d'autres aventures, en BD, cette fois, de Tom Drake (3 parues), vous pouvez vous adresser à la boutique stores.befr.ebay.be › Boutiques eBay › BEDEFONCE.

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    "Tu crois qu'on va plaire?
    - Moi, oui. Toi, c'est moins sûr..."


    Sid Kaplan, a master black-and-white printer and photographer

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    (Avant de faire exploser ses poupées,
    Astrid les photographiait soigneusement)


    Dorothy prepares to squeeze a bulb shutter while photographing her dolly


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    (Air chanté:

    - Aaahhhh... As-tu vuuuu mon beau chapeauauauauau?
    - Tu eeeeeeessss Ridicuuuule, tu saiiiiiissss...")


    Sid Kaplan, a master black-and-white printer and photographer

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    (Le tueur de chapeaux exposant sa macabre collection)


    Hat weaver in Tunis, 1920s
    Lehnert & Landrock

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    Jacques Damboise

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