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    Pensées par nous-mêmes:

    (AU ROI NU ON VOIT SON SCEPTRE)

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    Lettres d'Inconnus (17)
    Pcc Benoît Barvin


    Nymph in the Forest, Charles Amable Lenoir



       Je me tenais au bord de la route, comme au bord de la tombe, incapable de bouger, de penser, perdu dans un no man's land menaçant où j'avais l'intention de m'abîmer, no man's land duquel, Madame, vous m'avez tiré par votre apparition, vous qui passâtes près de moi, fuligineuse, dans un océan de parfum que j'identifiai comme étant de l'Ylang-Ylang, cette lourde fragrance que, d'ordinaire, je désapprouvais chez mes fugitives compagnes; mais là... LA...

       Madame vous me sauvâtes et, dans votre sillage, mon âme elle-même se recomposa, elle qui, déstructurée, se mourait Madame, se mourait je vous l'affirme, mais vous fûtes là, alors tout était bien, à sa place, ma vie elle-même prenait son sens. Cependant, je l'appris bien vite, vous étiez mariée et bien que j'espérasse une union contrainte, je fus très vite désappointé, je vous l'avoue, en rencontrant votre époux, homme de bien, de mon âge exactement, et avec qui j'entretins aussitôt des relations fortement amicales.

       Devenu l'ami de la famille, je n'espérais qu'une chose, chaque jour que Dieu fait, vous voir, Madame, vous sentir, vous frôler de mon regard, être charmé par votre voix si particulière, dans laquelle s'entendaient, en un mélange des plus charmants, des racines ibériques auxquelles répondaient des inflexions venues du nord de l'Europe. C'est peu de dire que j'étais sous le charme, Madame. J'étais littéralement "vampirisé" par votre beauté à nul autre pareil, une beauté particulière, à la fois altière et fragile que votre époux se complaisait à souligner lorsque, la soirée s'allongeant, vous deveniez en quelque sorte plus chatte, plus "proche".

       Jamais, cependant, je peux en porter témoignage, je n'ai eu à votre égard de pensée impie. Je me contentais de votre présence, de votre voix, de votre parfum, goûtant également une conversation où vous m'apprîtes, Madame, que les femmes savent égaler leur compagnon, pourvu que la Société leur laisse le libre choix de leur destinée...

       Tout était bien, Madame, j'étais subjuguée, sous votre moelleux joug, avec ce mari qui comblait mes attentes d'une amitié sincère et virile... Et puis il a fallu cet accident de calèche, ces heures sombres où, étendu sur un lit d'hôpital, le corps brisé, sa vie s'enfuyait goutte à goutte au milieu de cris de détresse d'autres malades, cabossés par la Vie...

       L'enterrement fut un des moments les plus pénibles que j'aie jamais vécu, Madame. Je vous soutenais, vous vous appuyiez sur moi, votre corps même semblait pénétrer chaque cellule de ma robuste charpente, alors que le prêtre récitait ses sottes paroles de réconfort. Vous fûtes courageuse mais, au moment de jeter une pelletée de terre, vous glissâtes sur le sol, sans un mot, comme si vous perdiez tout entier, à l'instant,  votre souffle.

      Cela fait maintenant quinze jours que cet évènement funeste a eu lieu. Je ne vous ai pas quittée, dormant dans la chambre d'amis, vous veillant, la nuit, en cachette, l'oeil émerveillé par votre silhouette charnelle que révélait votre nuisette hélas transparente. Vous avez repris des forces, un rire est même venu récompenser mes efforts, ce jour, alors que je mimais la Comtesse de M. dansant l'antique menuet.

       Tout serait bien Madame, dans un Monde normal. J'attendrais que vous eussiez cédé au désir de vivre et, avec une patience infinie, je vous ferais la cour, ne doutant pas un instant que vous finiriez par me tendre une joue, avant de me céder vos lèvres. Je sais votre sentiment à mon égard, Madame, je ne doute pas que vous sachiez la profondeur du mien.

       Et cependant, Chère Âme  je ne vais pas rester plus longtemps près de vous. Ne croyez pas que mon attachement envers vous a cédé aux attraits d'une quelconque gourgandine, cela est impossible. Sachez simplement que le trio que nous formions, vous, votre époux et moi, était la quintessence de ce qui se fait de mieux, de plus céleste en ce bas monde. L'un des membres ayant disparu, la perfection n'est plus et, lentement, mes vieux démons reviennent me hanter, chaque nuit que Dieu fait - ou ne fait pas, je ne sais plus.

       Je vais m'en aller, Madame, m'en aller à jamais, en gardant par devers moi, au plus profond de mon coeur, l'image de votre tendre sourire de biche affolée lorsque vous me surprîtes en train de baiser dévotement la bouche de votre époux, moi qui n'aspirais plus, à cet instant, que récupérer sur ces lèvres fiévreuses une part de votre délicate essence.

       Je ne sais ce que vous en avez pensé, Madame, peut-être avez-vous percé mon secret à jour, vous si pure mais si pertinente, aussi ne puis-je rester en votre compagnie, sachant ce que vous savez. Je vous baise tendrement les pieds, ma Mie et je m'en vais au loin, pour l’Éternité  emportant avec moi le souvenir de cette effervescence délicate qui a uni notre sainte trinité...

    Votre dévoué R. de Segonzac


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    "Mais... Mais tu es fou! Non, ce n'est pas moi
    qui ai abîmé ton doudou!"


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    (Cette épouse, en plus d'un goût vestimentaire douteux,
    piquait des crises pour un oui ou un non. Son mari
    fut contraint de la calmer avec les moyens du bord)


    Michael Koelsch - Plutonium Blonde

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    "Toi, tu es prête à tout pour avoir une cigarette, hein?"


    Fred Fixler - Divorce Bait 1965

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    (Croyant bien faire, les Terriens offrirent au Vénusien
    une tablette de chewing-gum à la chlorophylle, 
    ignorant qu'il s'agissait, pour l'extra-terrestre,
    d'un poison violent)


    Edmund Emshwiller - SciFi-Quarterly 1958-02

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    Blanche Baptiste

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