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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LE MAÎTRE EST UN LÉGATEUR
    UNIVERSEL DE SAGESSE)

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    "Quiconque dira un mot de trop sur J.M Charlier
    aura affaire à moi!"


    Kim Devil de l'inimitable et chaleureux Gérald Forton

    (excellent site que nous conseillons aux aficionados)

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    "J'ai plus de séries que si j'avais 1000 ans"


    Charlier, l’alpha et l’oméga
    Bayon


       En 1988, c’était entendu, Jean-Michel Charlier, notre grand romancier classique BD, devait raconter en «mémoires» sa vie épique illustrée pour Quai Voltaire, la maison d’édition parisienne bleue lancée de la saison. Entre Paul Bowles, le Club des longues moustaches et Selby, on se régalait de percer enfin le mystère de la production titanesque de cet Homère liégeois aux cent Barbe-Rouge, Buck Danny, Blueberry, Tanguy et Laverdure, Marc Dacier, Jean Valhardi, Guy Lebleu, Kim Devil, Jacques Le Gall, Tiger Joe, Ron Clarke, Ned Tiger, Brice Bolt, Clairette, Jim Flokers, Rosine, Belloy, André Lefort, Simba Lee, Joë La Tornade, Thierry le chevalier, Max Larcher, Marc Laurent… et tant d’autres séries (la Patrouille des Castors, le Privé, Los Gringos, Mississippi River…), sans compter les annexesTarawa, Mermoz, Surcouf, Dan Cooper, Jean Bart, Tempête à l’ouest, les Belles Histoires de l’oncle Paul par poignées, romans Bibliothèque verte, «Dossiers noirs» et enquêtes, scénarios, émissions et feuilletons - en tout, 500 livres au moins liés à la BD. 

       On s’enchantait de découvrir enfin, via ce témoin inouï, comment dessinèrent vraiment Victor Hubinon, Jean Giraud, comment, pourquoi et quand œuvraient, voyageaient, aimaient, mangeaient, buvaient, fumaient, crayonnaient Jijé, les Funcken, Forton, Uderzo, Poïvet et consorts Graton ou Attanasio innombrables, travailleurs obscurs de «la littérature illustrée». (...) 

       Sur quoi Charlier, mort en 1989, vanitas, on l’enterra, Libé et Mach 3 au rappel, avec ses secrets de dessinateur docteur en droit licencié en lettres et en criminologie baroudeur écrivain pilote de ligne Sabena journaliste globe-trotter bon vivant investigateur acteur speaker homme de plume, de presse, de radio, de télévision, de cinéma et de mémoire - dommageablement… Un mémoire de sortie vient, dans la lignée du Heroic de référence consacré à Tillieux il y a deux ans, réparer en majesté ce deuil documentaire : Jean-Michel Charlier vous raconte…

       Cartonnées en bloc, 320 pages sur beau papier mat, en six chapitres richement documentés d’archives familiales, photos, planches originales, manuscrits, état civil, caricatures, inédits, calques, reprints de romans-photos, épreuves, courriers, notes, articles, de celui qui se flattait de tirer dix scénarios de tout périodique - dont il commençait toujours par arracher la pub pour ne garder que le journal. Ce livre somme est signé Gilles Ratier, bibliothécaire à Limoges, mandarin BD versé en Charlier, et préfacé par Patrice Leconte - cinéaste du Père Noël est une ordure qui débuta dessinateur à l’ombre de Charlier, se sentant «un rigolo par rapport à sa production immense». (...) 

       La matière première de Charlier vous raconte consiste en «cinquante entretiens techniques» avec le sujet, redistribués au fil des entrées. Cela se lit ou se feuillette, étude ou malle au trésor. Sur une photo de groupe digne du Fantin-Latour d’Orsay montrant Rimbaud et Verlaine, on voit Charlier jeune dandy cravaté à pochette d’après-guerre, cigarette cool aux doigts, cheveu blond mi-Mermoz, mi-Jerry Lee Lewis, attablé entre Eddy Paape aux airs Roosevelt, Sirius habité, Troisfontaines assez smart et Uderzo zazou…

       C’est le temps où le fringant Wallon Charlier attaque la carrière en donnant, adolescent juriste, sa voix légale au lumpen graphique et scénaristique exploité de la presse pour la jeunesse - quitte à s’en trouver blacklisté par le sombre milieu «ligne claire», solidairement avec tels Gérald Forton, Sempé, Mitacq ou Paape, sous le joug de la World’s P. Press, dont Charlier sera bientôt directeur artistique. De même, Charlier, auteur aventurier, se fait-il aviateur pour raconter du dedans, en nouveau journalisme avant l’heure, les exploits de Tumbler, Tuckson, Danny et Lady X (la Milady masquée en jodhpurs talonnés de ses Trois Mousquetaires volants US), en 1949. (...)

      (...) Pilier turbulent de Spirou, journal rival du très catho Tintin où il s’est aussi formé dès le début des années 40 sous le nom de Michel Philippe, le notoirement cordial Charlier révolutionnera en 1960 la BD en imposant, avec Goscinny, le magazine Pilote comme organe et vivier de la relève BD européenne, au sein d’une «nouvelle vague» illustrée. Pétillon, Bilal, Forest, Druillet, Cabu, Lob, Lauzier, Fred, Mézières, Veyron, Mandryka, Gotlib, Moebius et Pilote accoucheront de Fluide glacial,l’Echo des savanes, Métal hurlant, (A suivre…) - sans compter tel El Vibora catalan…

       Sur une autre photo, Charlier pharaon, déjà la tête ailleurs - la télévision et le cinéma, chapitre final du récit, occuperont ses années 70-80, jouant dans Staviskyd’Alain Resnais (1974) ou signant le script des Diamants du Président en 1978 -, trinque à Pilote avec John Wayne. «Mâtin, quel journal !» Quel type. Laissons le héros conclure ses antémémoires : «Il y a les conteurs arabes, les conteurs à la veillée, ceux qui faisaient le tour des fermes, qu’on payait pour raconter et que les gens écoutaient religieusement. C’est exactement comme cela que je me considère. Dans la continuité des grands feuilletonistes du temps passé.»

    "Jean-Michel Charlier vous raconte…" de Gilles Ratier Le Castor astral, 320 pp., 45€.


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    "Un plat spécial de pâtes pour Monsieur Charlier!
    Dépêchons, cela n'attend pas!"



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    Benoît Barvin

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