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    Pensées pour nous-mêmes:

    (PAR TA PENSÉE
    TU REJOINS LES ETOILES)

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    Long Texte au long cours (2/11). 
    Blanche Baptiste

       Le père Mirales a appris que l'espagnol qui travaille dans les vignes fait partie de sa famille. Ce secret de famille étant éventé, il se sent de plus en plus mal...


    HAUTES DILUTIONS

    ocaranza-Travesuras-amor

    4

       Aurore est en nage. Une de ses moufles est tombée et son autre joue est toute labourée de sang. 

       - Tu n’es pas raisonnable ! Comment pourrais-tu l’être d’ailleurs ? Je n’en finis pas de me leurrer à ton égard, et d’espérer. Tu ne comprends peut-être pas ce que je te dis, mais qui sait ? En tout cas, j’en ai assez de cette vie. 

       Lucie lui lave le visage et la main. Et entre les doigts crispés, elle trouve un petit tube de comprimés homéopathiques. 

       - Alors ça ! Comment as-tu fait ? Tu ne sais pas faire ce geste d’habitude. 

       Elle se demande si c’est un réflexe volontaire, le hasard, ou le résultat d’une intention précise. Elle ne saura jamais. En attendant, il faut qu’elle prépare la petite. A dix-huit heures, l’association passera la prendre pour le week-end. Ce sera un soulagement passager mais qui lui redonnera assez de courage pour aller jusqu’au mois suivant et ainsi de suite. Mieux vaut ne pas y penser ! 

    *** 

       Elle voit partir le minibus sous les premières gouttes de l’orage. Elle respire comme on dit et pourtant elle se sent oppressée. 

       Quand les vendangeurs étaient rentrés le soir, il faisait lourd à nouveau. De gros nuages montaient de la mer, menaçants. Elle guettait Tonio depuis la fenêtre de sa chambre. Elle pensait aller le rejoindre tout de suite, mais son père avait abordé le garçon, pas plutôt descendu de la camionnette. Il avait réfléchi tout l’après-midi à ce qu’il allait lui dire, et soudain il craignait de ne pas trouver les mots. 

       - Je veux te voir dans mon bureau. Suis-moi ! 

       Ils étaient entrés dans la pièce assombrie par la lourde treille qui pendait là devant. Lucie aurait voulu se précipiter, ne pas les laisser en présence. Elle savait que son père pouvait être violent. Mais elle resta figée sur place, le front contre les carreaux. 

       Mirales avait pris sur une étagère, deux verres et une bouteille de Banyuls entamée. 

       - C’est du bon. Tu aurais peut-être préféré du Champagne, hein ? Pour des retrouvailles ç’aurait été tout indiqué. Mais je ne pouvais pas prévoir la surprise, qu’un ange me tomberait du ciel... 

       Il avait rempli les verres à ras-bord. 

       - Tiens, bois un coup, ça détendra l’atmosphère. 

       Il y avait de la froideur chez Mirales et de l’émotion chez son fils qui réalisait à ses dernières allusions qu’il était démasqué. 

       - Je voulais vous connaître, savoir qui vous étiez, c’est tout. 

       - Ta mère a dû t’en dire des saloperies sur moi, la garce. Parce que c’est pas ce que l’on croit… 

       Et il lui raconta la véritable histoire. Cette belle fille de dix-sept ans qui lui avait fait du charme comme elle en faisait à d’autres dans le camp. Il avait été fier qu’elle le choisisse lui, pour finir. Et puis… 

       Les mots avaient du mal à venir. Il avait la gorge sèche et si peu l’habitude de faire de longs discours. Il porta son verre à ses lèvres. Sa grosse moustache trempait à moitié dans le liquide. Il avala d’un coup une rasade, en renversant la tête en arrière. Un trait de feu traversa sa bouche, son œsophage. Il tenta de recracher. Il porta les mains à son cou, se leva et sortit en hurlant. 

       Des hurlements que tous entendirent dans la ferme. Mirales s’était mis directement sous la pompe et plus il buvait, plus ça le brûlait. Il finit par tourner de l’oeil. 

       - Il faut le transporter à Perpignan, dit Tonio. Il s’est empoisonné avec le vin. Ca a l’air très grave. 

       Josefa était là immobile comme une statue. Lucie regardait la scène sans rien dire. Quant à Marcel, il était déjà reparti chez lui au village. 

       - Bon, on doit se décider vite ! Je peux conduire la camionnette, on le couchera derrière. Madame Mirales, vous resterez à ses côtés. 

       - Non, je ne peux pas voir ça ! Vas-y toi Lucie. 

       Le trajet, ils l’avaient fait sans se parler, avec le bruit des gouttes qui martelaient la carrosserie. Lucie lui indiquait juste le chemin le plus court. Finalement, elle était montée à côté de Tonio. Derrière, elle n’aurait pas pu. Ca lui faisait peur de voir son père baver comme un agonisant. Peu avant l’hôpital, il avait repris connaissance. Sa voix n’était plus qu’une plainte rauque. 

       Pendant qu’on le prenait en charge, Tonio avait expliqué à Lucie ce qui s’était passé. 

       - Il venait d’apprendre qui j’étais… Il allait me parler plus longuement… Quelqu’un l’a empoisonné… 

       - C’est peut-être juste une erreur de bouteille, un accident. Il y a toujours des tas de produits dans son bureau, un vrai débarras. 

       - Non, la bouteille était en hauteur, à côté des verres, déjà entamée. Je suis sûr de ce que je dis. 

       - Eh bien, si on t’interroge, tu diras qu’il l’a prise par terre la bouteille, parce que, s’il y a soupçon d’empoisonnement, c’est toute notre famille qui sera inquiétée, et toi avec. Car, si les gendarmes apprennent qui tu es, cela pourrait même retomber sur toi ! 

       - Je me demande comment il a compris qui j’étais ? Quand il est venu à la cave dans l’après-midi, il ne t’a pas questionnée ? 

       - Non, il est monté me voir dans ma chambre et il m’a parlé violemment. Il m’a dit qu’il ne fallait surtout plus que je te fréquente. A mon avis, il savait déjà qui tu étais ou du moins, il s’en doutait. C’est que tu lui ressembles, par les yeux, les cheveux… 

       - Et ta mère, elle ne se doutait de rien ? 

       - Je ne sais pas. Elle sait cacher ses sentiments. Elle est très observatrice en tout cas. 

       - C’est le flou total, si je comprends bien. 

    ***
    (A Suivre)

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    "Vous nous relogez chez un banquier?
    - Comment t'as deviné?"


    The Expulsion of Adam and Eve from Parad - 
    Francesco Curradi

    “La Cour constitutionnelle 
    suspend le décret du gouvernement andalou 
    contre les expulsions”

       (...) La Cour constitutionnelle a décidé de suspendre de manière préventive le décret anti-expulsions du gouvernement régional andalou, en vigueur depuis le 12 avril.

       Ce décret permettait d'expropier les biens immobiliers appartenant aux banques et de les attribuer à des familles en situation de précarité et incapables de rembourser leur crédit hypothécaire. Jusqu'à présent, précise le quotidien, 12 familles avaient profité de cette mesure.

       La Cour, qui dispose désormais de cinq mois pour se prononcer, avait été saisie par le gouvernement central, qui considérait que ce décret était inconstitutionnel et qu’il accentuait les incertitudes juridiques pour le secteur bancaire espagnol (pauvre, pauvre petit secteur bancaire...) , une position partagée par la Commission européenne. (étonnant...) (...)


    %%%

    "Madame la Baronne, si je puis me permettre...
    le portrait de votre soeur est admirable...
    - Ce n'est pas ma soeur, c'est ma maîtresse...
    - Glub!"


    Francesco Beda

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    (Document prouvant que Monsieur Hitler
    était un brave homme et qu'il ne voulait
    pas la guerre. Son chien, par contre...)


    Pourquoi la guerre ?
    Michel WEBER

       (...) Une société sans guerre(s) est peu probable. Une société capitaliste sans guerres est impossible.On peut le montrer très facilement en systématisant les éléments d’analyses parfois épars que l’on retrouve chez Orwell et Mumford, mais également chez des auteurs contemporains comme Noam Chomsky, Jacques Pauwels et Annie Lacroix-Riz. (Afin de proposer une démonstration courte, je n’examine pas la définition du capitalisme par la "croissance".)

       Le pourquoi de la croissance, c’est la possibilité de mettre en œuvre une politique d’obsolescence sous ses formes cardinales. Force est cependant de constater que l’obsolescence ne parviendrait pas, à elle seule, à rencontrer le défi de la surproduction — qui est énorme et qui demande un moyen bien plus radical, un moyen qui travaillera à la fois en amont et en aval, un moyen qui formatera et le producteur et le consommateur. Ce moyen, c’est la guerre.

       Je ne parle pas de la guerre économique que tous les acteurs sont censés se livrer en permanence ; je ne parle pas non plus de la guerre sociale larvée dans laquelle vivent les individus conformes et atomisés (à la Machiavel ou à la Hobbes) ou de la guerre des classes (de Marx et Engels) ; je parle de la guerre en tant que production industrielle capitaliste. On ne trouvera rien de métaphorique ici.

       La stricte corrélation qui existe entre capitalisme et guerre a été pressentie entre autres par Karl Marx, Jean Jaurès, Georges Sorel et William James avant d’être analysée par Werner Sombart et Vladimir Lénine, mais surtout par Lewis Mumford (1932) et George Orwell (1949). Du point de vue de ces analyses, justifier la croissance équivaut à légitimer la guerre. On distinguera à leur suite trois types de fonction martiales, étagées selon leur degré d’évidence. Remarquons que chaque degré est directement corrélé à l’importance factuelle de la fonction, la moins évidente étant la plus fondamentale.

       Primo, les fonctions visibles sont stratégiques et tactiques. Il s’agit bien sûr de la défense nationale, mais cette notion simple est en fait susceptible de subir certains aménagements cosmétiques. S’agit-il de défendre son territoire stricto sensu (à la suisse) ou ses intérêts stratégiques (sur le mode us-américain) ? Le premier est clairement défini et la mission des armées de même ; les seconds peuvent porter sur des enjeux très éloignés dans l’espace et dans le temps, au point qu’une guerre sans fin contre « l’empire du mal », « la drogue » ou « la terreur » est tout à fait concevable.

       Ensuite, l’attaque préventive pour des motifs oiseux ou simplement fictifs est maintenant pratiquée en dehors de tout cadre juridique international – à moins que celui-ci ne s’avère manipulable sans efforts.

       Enfin, depuis 1971, l’attaque délibérée pour des motifs « politiques » peut être baptisée « guerre humanitaire » sans soulever aucun tollé chez les observateurs avertis. La guerre c’est la paix.

       Secundo, les fonctions liminales nous mettent en présence de trois grands archétypes. Par définition transhistoriques, on les retrouve dans toutes les sociétés et quasiment dans toutes les communautés.

       La religiosité renvoie au sacrifice tragique du guerrier et aux mythes primitifs ; mourir et donner la mort mettent en contact avec l’Ultime. La pratique de la guerre est proprement sacramentelle (cf. Eliade).

       Ensuite, les vertus martiales nous renvoient à un ensemble de valeurs mâles, soi-disant morales, fondatrices de l’État : la discipline de fer, l’intrépidité, le mépris de la douceur et de l’intérêt personnel, l’obéissance aveugle, etc.

       Enfin, cette abnégation assure la cohérence sociale (cf. Girard) et constitue une réponse efficace, à défaut d’être élégante, au danger malthusien (sous forme d’eugénisme de sa population et de génocide de l’adversaire). La liberté, c’est l’esclavage.

       Tertio, les fonctions invisibles portent plus directement encore sur les mécanismes de contrôle et de stabilisation de la société capitaliste.

       Il y a d’abord les fonctions politiques : créer l’unanimité par la distraction et, surtout, préserver les inégalités en exigeant la subordination en face de la menace extérieure, réelle ou imaginaire, immédiate ou annoncée.

       Ensuite viennent les fonctions économiques : la guerre permet bien sûr d’assurer l’accès aux matières premières et d’ouvrir de nouveaux marchés si les « partenaires commerciaux » s’avèrent peu sensibles aux arguments purement mercantiles (à la Ricardo) . Elle permet aussi d’écouler la surproduction de tout une série de biens et de services qui n’améliorent pas le sort des masses : il serait impossible de préserver le statu quo politique si les investissements portaient sur des biens socialement utiles (soins de santé pour tous, école démocratisée, infrastructures culturelles et sportives accessibles, autonomie énergétique, …) en lieu et place du socialement inutile.

       Enfin, il y a le keynésianisme militaire en tant que tel (que Chomsky a baptisé le « Pentagon system ») : en investissant massivement dans la recherche, le développement et la commercialisation de produits militaires, de leurs précurseurs et dérivés, l’État capitaliste stimule l’innovation technologique, l’emploi et la production industrielle. De plus, il offre des débouchés sûrs : le gigantesque marché militaire est garanti par l’État et financé par les impôts (payés par les pauvres) et les prêts (bénéficiant aux « marchés financiers »). La réticularité de cette pratique digne de la Russie soviétique (qui, soulignons-le, n’a fait que s’adapter, par la force des choses, au militarisme occidental) est tellement profonde et puissante que sa quantification est virtuellement impossible. 

       Un exemple suffira : en 1955, lorsque Chomsky est titularisé comme professeur de linguistique au MIT (Massachussetts Institute of Technology), l’Institut était financé à 100% par trois corps d’armée. Le lecteur naïf s’étonnera d’abord que des travaux aussi abscons que la grammaire générative et transformationnelle soient entièrement financés par le Pentagone. Il ajoutera peut-être que le MIT était à l’époque le centre principal de résistance du mouvement anti-guerre et que, de fait, Chomsky n’a jamais épargné ses efforts pour dénoncer le militarisme impérial des USA. On admettra en effet que certaines recherches semblent fort éloignées d’une application militaire directe, mais dans le cas de la linguistique, il n’en n’est rien : comprendre la structure fondamentale du langage permettrait en effet de formaliser toutes les langues et de créer des logiciels de traduction universelle (et donc panoptiques) ; du reste, la programmation d’ordinateurs complexes, d’automates performants, de drones et de droïdes passe également par la création de nouveaux algorithmes. 

       Que le MIT soit au surplus un nid de contestataires importe peu — à la condition expresse que ces universitaires contribuent par leurs travaux à alimenter la machine militaire et qu’en tant que contestataires leurs voix se noient dans le bruit médiatique. Si d’aventure elle se faisait entendre très brièvement, l’oligarchie s’empresserait d’y voir la preuve de la liberté d’expression qu’elle autorise avec la bienveillance qui la caractérise.

    En dernier lieu, on doit épingler les fonctions psychologiques : la militarisation de la vie sociale renforce l’infantilisation en exigeant l’obéissance – et la confiance – aveugles ; la guerre, lorsqu’elle éclate, brise l’ennui de la vie dans une société mécanisée qui ne propose plus aucun sens à l’existence. Le choc de la réalité est alors vécu comme libérateur. Vivre sur le pied de guerre, c’est vivre vraiment, c’est vivre aux extrêmes. 

       Tout ceci ne présage en rien de la fonction dernière de l’entraînement militaire en général et de la guerre en particulier : prédation, agression et violence constituent des jouissances primitives (au sens de Lorenz, pas de Lacan). La libération du sadisme des oligarques, qui implique la possibilité d’enlever, de violer, de torturer et d’assassiner en dehors de tout cadre culturel (les mots manquent pour nommer cette logique qui n’est rationnelle qu’au sens pervers) sont l’alpha et l’oméga du fondement guerrier de nos sociétés. L’ignorance, c’est la force.

    Dernier ouvrage paru : De quelle révolution avons-nous besoin ? (Sang de la Terre, 2013)


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    Luc Desle

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LES YEUX DE L'ENFANT
    SONT LE MIROIR DE TON ÂME)

    +++
    Long Texte au long cours (2/9). 
    Blanche Baptiste

       Les souvenirs remontent et Lucie renoue les fils de l'intrigue, le noeud du problème avec tous les noms-dits que sa famille a soigneusement cachés...

    HAUTES DILUTIONS

    crime-du-pere-amaro-2002

    *** 

       - Mais je suis là. Tais-toi ! Je ne t’ai pas abandonnée ! 

       Aurore hurle à nouveau. Elle est souillée et cela doit la gêner. Lucie la nettoie, change le slipad. Elle en a marre de ces cris dans les oreilles. 

       - Voilà, tu es propre maintenant, calme-toi ! Je vais te remettre un disque. 

       Rien n’y fait. Les plaintes redoublent. Lucie perd patience et se dit qu’il vaut mieux qu’elle la laisse seule, qu’elle sorte un moment sinon elle va l’assommer. 

       Le soleil est encore haut. Elle va marcher vers le stade. Autrefois, il devait y avoir des jardins maraîchers par ici. Il ne subsiste que quelques serres et un vieux mas. Si elle avait plus de temps et d’argent, elle aurait une voiture plus spacieuse et aménagée pour aller promener sa fille. Ca les sortirait toutes les deux. Au lieu de cela, elle en est réduite à faire le tour du pâté de villas en poussant Aurore dans son fauteuil. Ca tourne en rond. Elle ne supporte plus cette routine stérile. 

       Les hirondelles frôlent le bitume. C’est donc ça qui énerve la petite, cet orage qui menace. Ceux qui vendangent vont être contents ! Encore qu’ils s’en fichent maintenant, bien à l’abri dans leurs machines. Cela dit, ils vont s’embourber. Ce sera toujours moins pénible que de se traîner avec des bottes lourdes de terre. Elle essuie une larme sur sa joue. Elle en viendrait presque à les regretter ces moments de corps à corps avec cette terre, et surtout de corps à corps avec son Tonio. 

       Vingt-deux ans après, il lui revient des bouffées de ces moments-là, c’est incroyable. Elle se demande si c’est vraiment bon de remonter comme ça dans son passé. A quoi cela va-t-il la mener ? Mais c’est plus fort qu’elle. Tout lui revient. 

    *** 

       A midi, ils s’étaient tous retrouvés pour les grillades. Les sarments étaient encore humides et la fumée leur piquait les yeux. Lucie, bravant ses parents, s’était assise auprès de Tonio. C’est alors que Camillo s’était penché vers ce dernier et lui avait dit assez fort pour que les jeunes l’entendent. 

       - Alors, comme ça, tu veux chanter Ramona à la fille de notre ramonet? 

       Le visage cuivré de Tonio avait pâli. Il avait regardé Lucie, incrédule. 

       - C’est vrai, tu es la fille de Mirales ? Mais pourquoi tu ne me l’as pas dit? 

       - Je ne pensais pas que cela avait un quelconque intérêt. 

       - Evidemment, avait répondu Tonio. Tu ne peux pas comprendre. Après le repas, je te dirai. 

       Il ne voulait pas se faire remarquer et il avait fallu attendre que les côtelettes soient grillées. Et faire semblant d’y trouver plaisir. En fait rien ne passait. Tonio était mal et Lucie commençait à avoir un pressentiment. 

       Puis tous s’étaient couchés sous les arbres qui bordaient la vigne et ils avaient pu se mettre à l’écart dans un large fossé, à l’abri des roseaux. 

       - Tu vois Lucie, il a suffi de quelques jours… Quelque chose en toi m’a attiré… 

       - Et moi aussi, Angélito! 

       - Eh bien, si tu es la fille de Mirales, il faut arrêter tout cela. Tiens regarde! 

       Il avait sorti de la poche de son blouson, une carte d’identité, la vraie. 

       Lucie la prit et lut les premières rubriques : 

       « Angel Mirales », « 11.07.1937 », « Carretera del Monte, n°3, Murcia » 

       - Ce n’est pas possible ! C’était donc vrai ? Et ça tombe sur nous? 

       Elle n’osait plus le regarder soudain. 

        - Tu étais au courant ? 

       - Vaguement. A vrai dire, je faisais tout pour ne pas y croire. Ce n’est jamais agréable de s’avouer que son père puisse être un salaud. Je le déteste !.. Mais, je ne veux pas que cela change quoi que ce soit entre nous… Je m’en fous de leurs histoires! 

       Lucie s’était jetée dans ses bras et elle se disait que rien ne pourrait l’en arracher. 

       - Ce n’est plus possible. Tu le sais bien. Entre frère et sœur. 

       - Je m’en fiche de ces interdits, ça ne veut rien dire pour nous. 

       Tonio ne pouvait pas résister, du moins pas en l’ayant là contre son corps, pleine d’amour pour lui. 

       Ils n’entendirent pas arriver le père qui s’en venait pisser par là. 

       - Nom de Dieu ! Mais qu’est-ce que tu fais là, toi, avec ma fille ? Saligaud, sors de là! 

       Lucie était partie en courant vers la ferme, poussée par une haine pour ce père qui, décidément gâchait la vie de tout le monde. C’était un homme bourru, toujours taciturne, ne se faisant entendre que pour opposer son veto aux demandes des uns et des autres. Un caractère de cochon! 

       Tonio, lui, avait fait front. Mais quels arguments pouvaient-ils trouver? Ce n’était pas le moment de lui décliner sa véritable identité. 

    - On ne faisait que discuter, monsieur Mirales. 

       Il avait eu du mal à calmer le vieux. Mais comme ce dernier voulait ne pas faire d’esclandre devant les autres et que c’était l’heure de la reprise, il avait rentré sa colère. 

       - La petite n’est pas là ? s’inquiéta la mère. 

       - Elle était mal, elle est partie au mas. 

        -  Elle aurait pu me le dire, tout de même! 

       - Tu devais te reposer, elle n’a pas voulu te déranger. 

       - Ce n’est pas grave au moins? 

       - En fait, les vendanges, c’est pas fait pour elle. Vaut mieux qu’elle étudie. 

       Et la discussion en était restée là. Josefa était étonnée que son homme soit devenu aussi compréhensif envers sa fille. L’effet de l’âge, peut-être? A moins qu’il ne lui cache encore quelque chose. Ils avaient dû se disputer pendant la pause 

       Sur ce, Marcel était arrivé de la cave. 

       - Hé, Mirales ! Faut les faire activer la manoeuvre ! Ce serait bien que Josefa mène un peu l’équipe parce que la Matilda, elle a perdu le rythme. 

    ***
    (A Suivre)

    +++

    "Alors il me dit qu'il adore lécher ma f...
    et qu'à ce stade, ce n'est plus de l'appétit qu'il a,
    mais un terrible besoin qu'il ressent très
    bas, dans sa b... et que...
    - Tais-toi, tu nous fais languir!
    Quand est-ce qu'on le voit?"


    Pleasant Letter, Alfred Stevens

    +++

    "Oui... Oui, c'est ça... A tout à l'heure...
    Mais ne vous dépêchez pas trop...
    On a tout le temps, nous trois, hein?"


    The Flirtation (1885), Georges Croegaert

    +++

    "Tu comprends ça, Coco? Il me dit qu'il va me
    faire ma fête... Mais c'est même pas mon anniversaire et...
    Comment? Mais non, idiot que tu es, je n'ai
    jamais été blonde..."


    Girl with Parrot (1876), Hans Canon
    Vienna, Austria

    +++

    "Mais... Mais ne serait-ce pas l'amant de ma sixième femme?
    Hum... Si je ne me retenais pas... Mais il est vrai que je suis
    moi-même l'amant de sa cinquième, alors..."


    The Barber of Suez - Leon Bonnat 1876
    (Source: fleurdulys)

    +++
    Blanche Baptiste (conseillée par Jacques Damboise)

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (L'OCEAN EST MOINS VASTE
    QUE LA  SAGESSE)
    µµµ

    Long Texte au long cours (2/8). 
    Blanche Baptiste

       Lucie est tombée amoureuse d'un bel Espagnol, il y a longtemps, alors que la pluie d'été vivifiait la nature...

    HAUTES DILUTIONS


       Et ce matin, cette odeur, elle la sentait encore sur son visage, sur sa bouche et ses mains. Elle hésitait à saisir les grappes mouillées de peur de perdre le goût de Tonio, son Angélito. 

       - Ma pauvre fille, tu n’es vraiment pas faite pour les travaux des champs. Tu te mets en retard, gronda sa mère. 

       - Tu sais bien que je déteste quand les vignes sont froides, humides et boueuses. 

       - Hé bien, tu n’avais qu’à rester au lit. Ca t’aurait fait de l’argent de poche en moins, voilà tout. 

       - Et le père aurait poussé sa gueulante… 

       - Tu ne lui dois plus rien. Tu es boursière. Tu as dix-huit ans. 

       Lucie s’était forcée à se lever malgré le temps. Elle savait que vers dix heures les vignes seraient déjà sèches, que le soleil brillerait nettoyé par la Tramontane. Et surtout elle savait qu’elle serait avec son bel Espagnol. Sur le coup, elle l’avait cru plus jeune, mais il avait déjà trente cinq ans. Ricardo à peine vingt et un. Ces détails, s’ils ne la touchaient guère, attirèrent cependant l’attention de la mère. 

       - Qui c’est ce nouveau ? Il a l’air de te faire des gentillesses, à t’aider à porter ton seau, à te regarder d’un drôle d’air. 

       - C’est un qui remplace Ricardo. Le père ne te l’a pas dit ? 

       - Tu sais bien qu’il n’est pas bavard, de plus en plus renfrogné. Avant de te mettre avec quelqu’un réfléchit bien et évite ces Espagnols. Ne fais pas mon erreur. Ah ça ! Il a su me séduire. Il me voulait. Pour m’envoyer des lettres de poète, bien tournées, avec des jolies phrases, caraï, il était bon ! Le problème, c’est qu’il savait à peine lire et écrire, et qu’il avait fait appel à un gars du camp pour me pondre ces mots d’amour. Ca, je l’ai découvert trop tard. Et puis, tu connais l’histoire de la lettre… 

       Lucie la laissait parler. Elle savait que cela lui faisait du bien. Elles avançaient courbées sur les souches tandis que les autres travaillaient en silence, échangeant de temps à autre quelques mots en espagnol. 

       - Ah, cette lettre ! Longue, détaillée. Tu sais, elle m’a ouvert les yeux. J’étais déjà enceinte de ton frère sinon je l’aurais quitté. Au début, j’ai eu du mal à croire les propos de cette fille, une jalouse qui cherchait à se venger, pour sûr... Puis j’ai vu la photo qu’elle avait jointe. Un petit de trois ans avec des yeux pareils à ceux de ton père. Du moins, il y avait une ressemblance certaine et de quoi douter… Elle disait qu’il s’appelait Angel Mirales, que ton père l’avait même reconnu ! Tu te rends compte ! Quel irresponsable ! Faire un gamin, le reconnaître puis l’abandonner ! 

    ***
    (A Suivre)

    µµµ

    "Les voir au Zoo, Cornélius?
    Les humains sont de dangereux prédateurs,
    tu sais... Et puis, malgré le politiquement
    correct en vigueur, je dois avouer qu' ils puent..."


    A Abidjan, 
    le zoo des animaux résignés
    CARELL BOHOUI

       (...) Dans les années 1980 et au début des années 1990, le zoo d'Abidjan invitait à l'évasion. Ours noirs, bongos (gigantesques antilopes), troupeaux d'éléphants, autruches, potamochères (porcs sauvages), antilopes, hippopotames, lions, panthères, lynx, hyènes, d'immenses tortues terrestres et marines, des rhinocéros, des chimpanzés et autres singes, bref toute une panoplie d'espèces animales, dont certaines en voie de disparition, faisait le bonheur des visiteurs. Touristes, curieux, familles, amoureux, tout le monde y trouvait son compte. Le zoo d'Abidjan était un parc digne de ce nom. L'affluence était grande. Mais tout ça, c'était il y a bien longtemps ! Désormais, les singes assurent le service minimum !

       Le zoo est complètement laissé à l'abandon par les autorités. Il a payé un très lourd tribut à la crise postélectorale, pendant laquelle il fut transformé en champs de bataille par les différents belligérants. Plusieurs enclos sont désespérément vides. Si vides que certains employés du zoo les ont transformés en coin de repos. Quand ils n'y ont pas tout simplement élu domicile. Dans l'abri au sein d'un des enclos occupé autrefois par des biches, le visiteur peut apercevoir une serviette, une éponge et du linge à sécher. 

       Aujourd'hui, le zoo d'Abidjan n'abrite plus qu'un hippopotame solitaire, deux alligators, un chacal, deux hyènes, trois petits pythons, deux jeunes buffles, quelques tortues, des mangoustes, un vautour et quelques oiseaux. Comble de misère, un jeune éléphant triste et solitaire manipule de temps en temps un pneu usagé mis à sa disposition pour tuer l'ennui. Il est difficile d'imaginer qu'il n'y ait qu'un seul éléphant dans le principal zoo d'un pays dont cet animal est l'emblème national ! 

       La solitude semble être la chose la mieux partagée entre les animaux. Dans le regard de la plupart se lisent stress, tristesse et résignation. Beaucoup semblent attendre la mort et se demandent certainement à quelle sauce ils seront mangés... Cette situation est aggravée par l’empiétement de constructions privées sur le domaine du zoo et la dégradation de plusieurs infrastructures. D'une superficie de 20 hectares, le zoo s'est rétréci comme peau de chagrin pour ne plus s'étendre que sur 4 hectares. Enfin, pour le moment ! Certaines bâtisses privées déjà achevées et d'autres en construction semblent faire corps avec ce parc zoologique car seule une clôture perdue dans une infime bande de broussailles sépare les habitations de l'enclos aux éléphants. 

       Ces différents problèmes n'offrent aucun gage de sécurité, aucune commodité et aucun autre attrait particulier ni aux animaux, ni aux visiteurs, ni même aux travailleurs du zoo. En semaine, les visiteurs se comptent sur les doigts d'une seule main. Les week-ends, jours fériés ou jours de fête, sur ceux des deux mains. Dans ce climat de désolation, il reste un point positif : la passion des employés du parc. Le zoo d'Abidjan, enfin ce qu'il en reste, est assez bien entretenu. Les enclos sont régulièrement nettoyés et l'enceinte du zoo dégage une certaine propreté. Le dynamisme et la passion du personnel exerçant dans de pareilles conditions sont les signes d'une grande volonté. 

       Hélas ! La crise politique qui a progressivement entraîné le pays dans une vague de violence depuis le départ du premier président de la Côte d'Ivoire [Félix Houphouët-Boigny] pour l'au-delà a laissé bien des traces au plan économique. Et il est aussi vrai qu'en Afrique il y a un adage qui dit qu'on ne demande pas à un homme qui a faim si son chien a mangé. Mais la crise économique que vit la Côte d'Ivoire depuis plus d'une décennie ne saurait justifier à elle seule le manque de volonté politique et le peu d'intérêt accordé à ce patrimoine par les différents pouvoirs qui se sont succédé. (...)




    µµµ

    "Tantor! Cheetah!"
    - Ils se sont cachés...
    - Tu crois qu'ils ont compris qu'on voulait
    les vendre à un zoo pour avoir la wifi 
    dans notre cabane?"

    Le trésor-de-tarzan-1941

    µµµ

    "Chette Roche pour Falérie?
    Non, pour la Franche!
    La Franche des grands badrons
    et tu nugléaire..."

    politichiens.com


    Plouf !
    S.
    Groupe Lochu, Vannes

       (...) Il nous était annoncé que, début mai, l’État français comptait montrer ses muscles par un nouveau tir expérimental de missile nucléaire, le M51, depuis un sous-marin, au large de Penmarc’h (29).

       La France fait en effet partie des neuf États détenteurs de la bombe atomique, aux côtés des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la Russie, de la Chine, de l’Inde, du Pakistan, d’Israël et de la Corée du Nord, et il est de bon ton d’assurer sa place dans la cour des grands.

       Aussi, dans la droite ligne de ses prédécesseurs, le chef actuel de l’État français confirme le développement de cette prétendue arme de dissuasion. Or le perfectionnement de tels engins de guerre ne fait qu’entretenir la course mondiale aux armements, prive les populations de milliards d’euros qui pourraient être bien plus utiles et entretient un climat mondial d’insécurité avec cette menace de destruction massive. Le programme global M51 est estimé à 31 milliards d’euros, soit l’équivalent de 18 000 postes d’infirmiers durant vingt ans.

       De son côté, la Fédération antinucléaire de Bretagne dénonce dans son communiqué : «Avec le missile M51, plus précis et donc permettant l’utilisation de bombes nucléaires de puissance réduite, le gouvernement français poursuit un objectif de banalisation des armes nucléaires et radioactives, et de leur usage. […] Toute arme nucléaire ou radioactive est dévastatrice, et entraîne de graves conséquences sanitaires à moyen et long terme. L’usage d’armes à l’uranium appauvri employées en Irak, et probablement encore très récemment au Mali, le démontre. »

       Cette nouvelle violation du Traité de non-prolifération (TNP) vient malheureusement confirmer le mépris du gouvernement français pour le droit international. En contradiction totale avec les dispositions du TNP, François Hollande a une nouvelle fois tenté le 15 février de vendre des réacteurs nucléaires à l’Inde, un des trois seuls pays au monde non signataires du traité. Le Sénat a même été saisi d’un projet de loi « relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire ». 

       La France contribue ainsi à saboter purement et simplement le TNP, dans le seul but de vendre à l’étranger les réacteurs nucléaires d’Areva. La Fédération anti-nucléaire de Bretagne rappelle « les liens indissociables entre nucléaire civil et nucléaire militaire, la technologie du nucléaire civile étant une passerelle directe vers la fabrication d’armes nucléaires ».

       Dimanche 5 mai, le SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d’engins) Le Vigilant a lancé ce missile (12 mètres de haut, 56 tonnes, portée de 9 000 km, d’un coût de 120 millions d’euros… et d’une puissance de 60 fois Hiroshima !), qui devait traverser l’Atlantique. Et voilà qu’il explose en vol au bout d’une minute ! Heureusement qu’il n’était pas porteur d’une ogive nucléaire : la Bretagne n’existerait plus et nous ne serions pas là pour nous gausser !

       Cinquante-six tonnes de débris (métaux, matériaux composites divers, etc.) sont donc à chercher au large de la côte finistérienne sur une surface de 900 km2 jusqu’à une profondeur de 100 mètres. Le carburant de cette « fusée » s’est éparpillé sur l’eau. Plusieurs navires de la Marine nationale sont déjà sur les lieux. Hop encore un paquet d’euros jetés par-dessus bord et un surplus de pollution ! Les pêcheurs locaux dénoncent la « mer poubelle ».

       La Fédération antinucléaire de Bretagne (dont le groupe libertaire Lochu est membre) exprime son indignation devant le développement de telles armes : 

       « Oublié ! que le nucléaire civil et militaire, lors de ses essais dans le Sahara ou en Polynésie ou par ses rejets gazeux et solides dans l’atmosphère, la mer ou sur terre, a accumulé les mutations dans le patrimoine génétique de l’humanité;

       » Oublié ! que la France a recouru à l’énergie nucléaire civile pour obtenir la bombe : retraitement à Marcoule et enrichissement à Pierrelatte et ceci en dehors de tout contrôle démocratique ;

       » Oublié ! que l’industrie nucléaire militaire pose les mêmes problèmes de sécurité dans les transports de ses éléments, le démantèlement de ses installations ou la gestion de ses déchets (véritable cauchemar du nucléaire). »

       Les gouvernements changent, la politique reste la même. EELV n’a toujours pas quitté la Majorité. Début 2012, le candidat à la présidentielle Mélenchon répondait à un militant antinucléaire : « Vous me demandez de m’engager à suspendre la mise en service de nouveaux armements nucléaires tels que le quatrième SNLE-NG, le missile M51, le missile ASMP-A. […] Je ne peux m’engager à ne jamais utiliser d’arme nucléaire contre quelque peuple que ce soit, cet engagement serait de mon point de vue contre-productif pour la cause de la paix que je défends. » Ce fou assume d’avance de déclencher le feu nucléaire ! Au nom de la paix, bien entendu…

       L’État est bien « le plus froid des monstres froids ». Mais des individus et des groupes se fédèrent pour dire non à cette folie. La Fédération antinucléaire de Bretagne est une de ses composantes. (...)


    µµµ
    Luc Desle


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  • $$$
    Pensées pour nous-mêmes:

    (ÔTE UNE FOIS POUR TOUTES

    TES FARDS)

    $$$
    Long Texte au long cours (2/7). 

    Blanche Baptiste


       Peu à peu, Lucie remonte son passé et revient sur cet été où elle a rencontré Tonio et où sa vie a basculé... 



    HAUTES DILUTIONS

    couple-kissing-vintage-

    3

       Josefa, ce matin-là, était venue aider à la vigne des Bassettes.

       Ils avaient pris du retard la veille quand un orage les avaient surpris juste après le déjeuner. Qu’est-ce qu’ils avaient ri ! Ils étaient allés se réfugier près du cabanon, sous les cyprès où, profitant de la débandade, Tonio et Lucie s’étaient arrangés pour se retrouver seuls.

       - Je suis bien content d’être un peu avec toi, lui avait dit Tonio. Tu pars si vite dès qu’on arrive à la ferme. Tu dois encore du travail au régisseur ?

       - Non, pas du tout. Je vais étudier. J’ai un examen d’entrée en octobre.

       - Je préfère ça. Moi aussi, j’ai beaucoup étudié.

       - Et qu’est-ce que tu fais là comme simple vendangeur ?

       - Ce serait une longue histoire. Disons que j’avais envie de venir un peu en France. En fait, je suis en vacances.

       - Tu es ethnologue ?.. professeur de faculté ?..

       - Presque ça. Je suis bibliothécaire-archiviste.

       Lucie avait du mal à imaginer qu’un garçon pourvu d’un bon métier, intellectuel qui plus est, puisse venir se perdre dans ce coin du Roussillon.

       - Tu fais une étude sur la région, peut-être ?

       - Voilà, c’est un peu ça.

       La pluie redoublait et il fallait se recroqueviller sous les branches. Lucie avait envie que ce garçon la prenne dans ses bras et qu’il l’embrasse, et qu’ils restent là, sans personne, pour se faire ce fameux amour qu’elle n’avait appréhendé qu’en songe, très fortement ces derniers mois. Son corps était prêt, ouvert à ce Tonio, qui après s’être retenu un instant, s’était mis à l’embrasser. Elle avait laissé faire. Il était inutile de jouer les mijaurées alors qu’elle ne désirait que cela.

       Soudain, une voix tonitruante avait franchi la barrière de l’averse.

       - Camillo, Luis, Tonio, il vous faut vider les seaux. On perd du degré. Tonio !

       - Tonio, c’est toi qu’on appelle, avait murmuré Lucie effrayée en entendant la voix paternelle se rapprocher.

       - Désormais, pour toi, je ne serai plus Tonio mais Angelito.

       Et il s’était levé en riant, la laissant tremblante et perplexe. Angel… Angélito? Il plaisantait bien sûr. Ce n’était qu’un mot tendre. Il était son petit ange, voilà tout. Elle se mordit les lèvres pour mieux goûter à son odeur.

    ***
    (A Suivre)

    $$$
    (Financier apprenant à marcher 
    plutôt qu'à courir après le profit)


    Le financier : 
    de l’achat de maison 
    à la corruption des âmes.
    Auran Derien

       (...) Lorsqu’on a obtenu le monopole de la création monétaire, de telles ressources sans limites et sans fin permettent d’acheter l’univers. Un si gigantesque flot de dollars coulant à ciel ouvert permet aux financiers de s’approprier par exemple les constructions existantes sur le territoire des Etats-Unis. Au-delà, il s’agit surtout de corrompre des âmes.

       Fannie Mae et Freddie Mac: Ce sont deux organismes privés américains, fonctionnant sous tutelle du ministère du logement. En échange des quelques contraintes qu’acceptent ces établissements de crédit, ils bénéficient d’un régime fiscal favorable et de la garantie du gouvernement.
    (cf: le livre de Pascal Salin : Revenir au capitalisme, O.Jacob, 2010, chapitre 1.)

       Ces deux institutions achètent aux banques leurs créances immobilières. Elles les compactent en nouveaux titres, garantis par les hypothèques, puis vendus à toutes sortes d’agents auxquels elles promettent le paiement du principal et des intérêts lorsqu’un créancier initial cesse de rembourser son prêt immobilier. 

       Au moment où démarra la crise des subprimes en 2007, les deux organismes garantissaient à peu près 5.400 milliards de dollars, soit plus de 40% des prêts immobiliers américains et 80% du total du marché hypothécaire. On ne rappellera pas ici la corruption sordide, habituelle, à laquelle se livraient ces institutions, pour simplement insister sur le fait que ces compagnies sont exemptées de l’impôt sur le revenu national et local, n’ont pas à informer la SEC (Securities and Exchange Commission) au sujet de leurs activités et leurs titres sont assimilés à des titres d’Etat. D’ailleurs, en 2008, le gouvernement américain prit en main ces deux compagnies pour éviter leur faillite.(...) 

       Depuis la fin 2012, la Réserve Fédérale a accepté d’acheter les titres de ces officines pour créer de la monnaie. Ils font partie du “quantitative easing”. Il en résulte un gonflement du portefeuille de titres adossés aux hypothèques en possession de la banque fédérale, qui devient peu à peu propriétaire réel des actifs immobiliers. En même temps, les compagnies Fannie et Freddie se portent bien, génèrent des profits qui ne servent pas à éponger les pertes de valeurs de leurs actifs composés de crédits sur des clients insolvables. On comprend bien que ce procédé, l’une des sources du fleuve dollar, excite les valets médiatiques qui peuvent proclamer que le marché immobilier s’améliore….alors qu’une nouvelle bulle s’amorce, simplement. (...)

       (...) L’achat des titres de Fannie et Freddie permet au gouvernement américain d’obtenir de l’argent, 40 billions de dollars par mois, avec quoi il inonde le monde pour acheter toutes les âmes, de Londres à Berlin, en passant par Paris, Genève et Bruxelles, l’Asie et l’Amérique du sud. On comprend le pourquoi de ces réunions perpétuelles de Bilderberg ou Davos, du G20 et G8, avec leur processus ininterrompu de révolutions stimulées, de servitudes entretenues, de conversions aux saintetés américaines. Il y a tant à évangéliser ! Cela ne peut se faire sans la force naturelle des choses, le poids de l’argent, l’universel aplatissement devant cet idole dont peu acceptent de voir qu’il s’agit de simples trucs de montreurs de foire. Avec un peu de volonté, chaque autorité légitime peut en faire autant, sans courber l’échine. 

       La méthode du grand fleuve d’argent (ou d’or) maintenu systématiquement au niveau de ses hautes berges est aussi ancienne que le pouvoir financier anglo-saxon. Récemment, on vient aussi d’apprendre qu’il est la source de l’attitude espagnole durant la seconde guerre mondiale (El soborno británico a España que cambió la historia mundial, rafael moreno izquierdo / madrid Día 27/05/2013). L’Angleterre a déclassifié un document qui explique tout. L’entourage de Franco avait été acheté par les financiers londoniens. Pour 20 millions de dollars de l’époque, Nicolás Franco, les généraux Varela et Aranda, ainsi que Gallarza et Kindelán, de même que Queipo de Llano, Orgaz et Asensio se mirent au service de la Grande Bretagne. (...)

       (...) La sainte colère de tous ces maniaques de l’idée fixe, l’argent, lorsqu’on évoque le retour à la création monétaire faite par l’Etat, ou la faillite de leurs établissements gérés comme des guinguettes, au service de ratés de toutes sortes, s’employant à détruire tout ce qu’ils ne comprennent pas, tout ce qui est trop délicat pour leur fanatisme triste et borné, résulte surtout de cette religiosité implacable, le culte du veau d’or, qui les oblige à acheter l’humanité pour en assurer la rédemption. Ces banquiers, jetant des sorts aux êtres qui se mettent en travers de leur route, ont une place aménagée, prête à les accueillir, l’asile pour névrosés et psychopathes. Car cette corruption méticuleuse de tout et de tous, cette boue en laquelle se transforme leurs billets et leurs programmes monétaires, sont une atteinte permanente et systématique à la dignité humaine. (...) 

    (Le moral des pauvres était au beau fixe)
    $$$
     (Multinationale s'immisçant subrepticement
    dans la vie de tout un chacun)
    2-©-J.-J.-Sempé-Multiples-Intentions-Éditions-Denoël
    Total dépense des millions
    pour entrer dans les écoles de vos enfants 
    Sophie Caillat

       (...) Le fils de Julien, élève de CM2 à Pau (Pyrénées-Atlantiques), a reçu l’an dernier « Les Lettres de mon moulin », d’Alphonse Daudet. Avec le logo de Total en quatrième de couverture. Une opération de mécénat de la compagnie pétrolière menée pendant deux ans dans le cadre de la lutte contre l’illettrisme.

       En bas de la couverture, Julien voit marqué « Planète énergies ». En tapant ces deux mots sur Internet, le père de famille découvre qu’il s’agit d’un site pédagogique, « initiative » de Total.Cette année, le petit garçon est revenu avec une bande dessinée« Alerte sur Ooxia », une histoire d’aventures dont les héros sont en quête de « l’énergie miracle ».

       Il apprend ensuite que son fils a aussi eu droit à une conférence (dite« intervention pédagogique » [PDF]) sur le thème des énergies, proposée par la même structure, gratuitement. Julien s’en est plaint au directeur de l’école, d’autant qu’il n’avait pas été prévenu, et qu’à Pau, où est installé un important centre de recherche, c’est un peu « Total city » : le maillot de rugby de son fils porte déjà le logo de la compagnie, qui sponsorise le club. Mais l’école, c’est sacré :

       « Total n’a rien à faire à l’école primaire. C’est de l’entrisme. Moi je leur demande juste de me vendre de l’essence. A quand Servier expliquant le corps humain et Monsanto l’agriculture ? » (...) 

       Si 800 000 écoliers se sont vu offrir « Les Lettres de mon moulin » en 2012 et les Contes de Perrault en 2011 par Total dans le cadre du « livre de l’été », la BD est un « accident » spécifique à cette école. En effet, Ooxia, publiée en 2006, était un cadeau offert sur les aires d’autoroutes, et pas dans les écoles.

       Prévenue, la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) du département explique que « quelqu’un a dû en retrouver un carton dans un grenier et l’a distribué aux enfants », alors que le livre était destiné aux adolescents.

       Quant aux conférences, le président de l’association locale de parents d’élèves, Dominique Rousselet n’est « pas au courant ». Planète Energies a pourtant réalisé 250 interventions dans les écoles sur l’année scolaire 2011-2012, du CM1 à la terminale. Contactée, l’équipe du site nous explique son positionnement :

       « Nous ne sommes pas du tout dans la promotion du groupe. Par exemple, Total ne fait pas d’éolien, mais on en parle quand même. Nos kits pédagogiques sur le solaire sont réalisés par des éditeurs. Si nous n’étions pas affranchis de la promotion, la confiance des profs serait rompue. » (...)


    $$$
    Luc Desle

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  • ***
    Pensées pour nous-mêmes:

    (CE COEUR QUI BAT DANS TA POITRINE
    C'EST LE COEUR DU MONDE)

    ***
    Long Texte au long cours (2/6). 
    Blanche Baptiste

       La vie de Lucie est obérée par sa fille sourde, aveugle et muette de naissance . Malgré son amour maternel, la jeune mère envisage parfois recourir à des extrémités peu morales...

    HAUTES DILUTIONS


       Aurore est couchée maintenant. Elle gémit dans son sommeil artificiel. 

       Lucie écoute des sonatines de Chopin et laisse vagabonder son regard. Sur le mur face à elle, des aquarelles égayent, par leurs coloris, la tapisserie crème. Le thème principal en est les vendanges, avec des personnages stylisés, baignant dans une atmosphère lumineuse, piquetée de tâches bordeaux, lie-de-vin. La technique en est particulière, consistant à utiliser des feuilles de vigne comme pochoirs. Le résultat est très frais, très coloré, mais tout ce camaïeu de couleurs chaudes ne parvient pas à effacer la tristesse des visages, dignes dans leurs travaux, droits, souriant d’un sourire désabusé. 

       Les femmes ont des allures de déesses africaines, des profils égyptiens. Que font-elles, altières, au milieu de ces vignes qui se veulent atemporelles, universelles mais où on reconnaît les objets traditionnels de la vendange du Sud avec ses comportes en bois, le fouloir, la charrette ? 

       Sur un des tableaux, un des premiers qu’avait peints Lucie, un homme tout vêtu de bleu, portant sur son épaule un seau débordant de grappes mauve. Lui aussi a un sourire amer. Et pourtant… Lucie sait combien il avait pu être gai le sourire de Tonio au début de son séjour. Du moins chaque fois qu’il s’était adressé à elle, avant d’apprendre qu’elle était la fille de Mirales. 

       La présence de Tonio l’avait immédiatement consolée de l’absence de Ricardo. Dès la première poignée de main, elle avait perçu entre eux une connivence, une entente qui semblait aller de soi. Avec lui, elle savait intuitivement qu’elle n’aurait à faire aucun effort de séduction, elle l’avait senti conquis, d’emblée, autant qu’elle avait pu l’être de son côté. 

       De prime abord, on aurait pu penser que Tonio faisait partie intégrante du groupe mais, à bien y regarder, on voyait vite qu’il se mettait volontiers à l’écart pendant les moments de repos. Et cela n’échappa pas à Lucie qui l’observait sans rien dire depuis deux jours. Lui aussi ne manquait pas de la regarder à la dérobée. 

       Il semblait également porter un grand intérêt envers Pedro Mirales dont il suivait les gestes avec attention, discrètement cependant, mais pas assez pour ne pas être remarqué par le regard scrutateur de son admiratrice. 

       Mirales, lui, était fort intrigué par ce beau gars. Lorsque Tonio était venu dans son bureau pour signer le contrat, Pedro s’était soudain senti mal à l’aise. Il lui avait demandé ses papiers, les avaient longuement regardés. 

       - Tu t’appelles bien Delafuente ? 

       - C’est écrit. 

       Mirales n’avait pas osé poursuivre son interrogatoire. Ce garçon le gênait avec son regard trop franc. 

       - Bien, tout est en règle maintenant. 

       Comment aurait-il pu savoir que Tonio ne s’appelait pas Tonio et qu’il avait pris, pour la circonstance, les papiers de son demi-frère? 

    ***
    (A Suivre)

    ***
    "Moi, ch'suis pas prêt de clamser...
    - Vous êtes qui, d'abord?"



    L’ex-directeur de la centrale de Fukushima 
    meurt d’un cancer

       (...) L’ancien directeur de la centrale Fukushima Daiichi, Masao Yoshida, qui avait dirigé la gestion du site saccagé lors de la catastrophe de mars 2011, vient de mourir d’un cancer de l’œsophage à 58 ans. "M. Yoshida avait démissionné fin novembre 2011 pour raison de santé, mais sa maladie était restée confidentielle et sa dose de contamination n’a jamais été divulguée par Tepco [Tokyo Electric Power Company, l’opérateur de la centrale]", raconte le Nihon Keizai Shimbun. Les médecins n’ont pas établi de lien entre sa maladie et les rayonnements pour le moment (et à jamais?)

        En poste depuis 2010 à Daiichi, Masao Yoshida était très respecté par son équipe et avait confié au Mainichi Shimbun qu’il s’était préparé à mourir sur le site en réalisant à quel point la situation était critique. "M. Yoshida avait donné l’ordre de poursuivre le refroidissement des réacteurs par l’eau de mer, alors que le siège de Tepco avait ordonné l’interruption de cette opération depuis Tokyo", rappelle le Yomiuri Shimbun. (...)




    ***
    "Oh, regarde, un missile de l'UMP!
    - C'est un avion en papier, non?
    - Attends que j'enlève mes lunettes..."


    Nancy Berg et un modèle, 
    photo de Nina Leen, Juillet 1952


    ***
    "Je peux en goûter un bout?
    - Evidemment, tout est à vendre..."


    Entrée payante dans les magasins
     Tcuentofr

       (...) Le succès de l’e-commerce a conduit à une tendance qui nuit aux magasins physiques, le fameux et déjà banal showrooming, une pratique dans laquelle les consommateurs se rendent dans les magasins, testent les produits mais les achète dans les boutiques Internet où ces produits sont moins chers.

       Cela fait mal aux retailers traditionnels. Par conséquent, de nombreux retailers cherchent des solutions. Il y en a qui optent pour faire payer l’entrée dans le magasin, d’autres pour essayer certains articles et il y en a qui préfèrent la stratégie visant à attirer la personne par des discounts ou des cadeaux.

       Les clubs de ventes privées ont favorisé le phénomène du showrooming. Les consommateurs ne peuvent pas essayer les vêtements avant de les acheter donc ils décident d’aller trouver ces produits dans les magasins traditionnelles afin de se décider pour leur achat sur les ventes privées d’Internet. Les consommateurs qui préfèrent acheter via internet le font surtout pour le prix et la commodité de faire ses emplettes à la maison.

       En Australie, un magasin d’alimentation situé à Brisbane, fait payer 5 $ à l’entrée à cause du volume élevé de personnes qui utilisent la boutique comme une référence et puis vont acheter les produits ailleurs. Aux États-Unis la situation se répète. Une chaîne de chaussures a introduit la mesure de facturer 20 $ à l’entrée et si la personne décide finalement d’acheter dans le magasin, les 20 $ sont déduits du prix de chaussures. Cette tendance va-t-elle arriver en Europe ?

       D’autre part, la lutte n’en finit pas puisqu’il existe aussi la situation inverse appelée le webrooming. Ce phénomène consiste à comparer les produits en ligne puis de les trouver dans les magasins physiques. De cette façon, le consommateur peut regarder sans pression ce qu’il veut acheter et à n’importe quel moment de la journée. Ces deux tendances vivent une lutte acharnée pour prendre des clients. (...)

    En savoir plus sur 

    ***
    Benoît Barvin

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  • @@@
    Pensées pour nous-mêmes:

    (LES SECONDES SONT DES HEURES
    POUR LE SAGE)

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    Long Texte au long cours (2/5). 
    Blanche Baptiste

       La jeune Lucie dissimule un secret: le fait d'avoir eu une fille sourde et aveugle à la naissance. En dépit du lourd handicap d'Aurore, sa mère a décidé de la garder...

    HAUTES DILUTIONS


    Les mains de la mort : L'enfant malade de Jan Steen

       Mais ce soir, la gamine est vraiment très excitée. Elle s’est griffé la paupière et la joue droites jusqu’au sang. Lucie lui enfile ses moufles et lui parle doucement pour la calmer. 

       - Eh bien, Aurore, qu’est-ce que tu veux me dire ? Tu n’es pas contente parce que maman t’a laissée avec tante Pépita ? Tu sais bien qu’elle a du mal à te parler. Elle n’accepte pas ton malheur, ça lui fait peur. Tellement peur qu’elle a trouvé le moyen d’appeler sa fille, ta cousine d’un an de moins que toi, Eugénie! Ça en dit long ! 

       Lucie avait remarqué cette coïncidence troublante en faisant un stage de psycho-généalogie. Elle avait alors compris à son corps défendant que même sa sœur rejetait Aurore. Tous autour d’elle étaient prêts, en quelque sorte, à pratiquer sans grands remords, une forme particulière d’eugénisme, tout en ayant la bonne conscience de ceux qui croient soulager d’un poids insupportable, non seulement la victime mais aussi la société toute entière. 

       La petite s’agite un peu plus et se met à rire compulsivement en faisant siffler ses bronches. 

       - Tu comprends, j’ai besoin de penser un peu à moi. J’ai besoin de retrouver ce qui dans ma jeunesse pourrait avoir déterminé mon présent. C’était du temps que j’étais libre et ne le savais pas… 

       Aurore change soudain de registre. Du rire, elle passe sans transition aux sanglots profonds, ponctués de hoquets, qui ramènent à ses lèvres des restes de goûter mêlés à de la bave. 

       Lucie ne veut pas se l’avouer mais elle est à bout. Elle tient bon depuis plusieurs années déjà, par un effort nerveux perpétuel, et quand sa fille est en crise, et elle l’est presque quotidiennement, elle sent sa volonté flancher. Elle en est quelquefois venue à vouloir la tuer sur place, un coussin sur le visage, une chute dans l’escalier, un surdosage de tranquillisants. 

       Alors, la mère en elle se fige. Comment peut-elle seulement en concevoir l’idée ? Tuer sa propre fille ? A-t-elle à ce point l’âme assassine ? Puis, pour s’apaiser, elle se dit qu’elle lui a donné la vie et qu’elle seule, est habilitée à la lui ôter. Que personne ne se mêle de lui donner des conseils ou de vouloir œuvrer à sa place. Si un jour il fallait soulager Aurore, ce serait elle qui le ferait. Pour l’instant, elle se doit de la faire vivre. Et, à grands renforts d’autosuggestion elle remise sa révolte. 

       Il est temps qu’elle achève son analyse, qu’elle découvre la clef de son angoisse. 

       Aurore commence à se mordre les lèvres tout en se donnant des coups de moufles désordonnés sur le visage. 

       N’en pouvant plus, Lucie prend un verre et y met une double dose d’Haldol. 

       - Tu vas dormir un peu. Ca te fera du bien et à moi aussi. J’ai besoin de calme.

    ***
    (A Suivre)

    @@@

    "Des étoiles? Des rêves? 
    Des extraits de poèmes?
    Pouah! 
    A quoi tout cela peut-il servir?
    Est-ce qu'on peut gagner
    de l'argent avec, au moins?"


    ASTROGONY [aka ASTROGENY]

    @@@

    "Je vous le redis: une fois dans son bocal, ce... ahem...
    GROS poisson adaptera sa taille de lui-même...
    - Vous me l'assurez?"


    DEMERSAL

    @@@

    (L'annonce des futures augmentations de l'électricité
    eut raison de la santé mentale du fils 
    du monstre de Frankenstein)


    ELECTROCONVULSIVE

    @@@

    (Le mécanisme complexe produisant du mensonge
    chez tout homme politique était enfin dévoilé)


    SEMBLANCE

    @@@
    Blanche Baptiste

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  • ***
    Pensées pour nous-mêmes:

    (L'ACTION N'A PAS DE SENTIMENT)


    ***
    Long Texte au long cours (2/4). 
    Blanche Baptiste


       La jeune Lucie, lors de joyeuses vendanges, aime tomber amoureuse de certains travailleurs espagnols. Mais "son" Ricardo, lors de cette saison, est absent, hélas... 

    HAUTES DILUTIONS



    2

       En passant sur le pont de la Têt, Lucie regarde le lit du fleuve presque à sec. Des relents nauséabonds montent jusqu’à elle. Comme on dit dans son quartier sous forme de boutade : « On se prend trop la Têt ces temps-ci ! » De fait, avec ses souvenirs qui remontent en elle, elle ressent un arrière goût désagréable dans la bouche et une lourdeur dans les tempes.

       Enjamber le parapet, elle y a souvent pensé, mais elle est attendue chez elle.
     
       Un petit pavillon, à l’écart, au fond d’une impasse d’où s’échappent les plaintes d’un animal aux abois. Elle commence à les entendre pas plutôt passé l’angle de la rue, et bien qu’elle y soit habituée, cela lui fait toujours l’effet d’un coup de poignard. Et la question lancinante revient, quoi qu’elle fasse, pourquoi tout cela ?

       - Tu en as mis du temps ! lui reproche sa sœur Pepita. Il t’a gardée plus longtemps que d’habitude…

       Non, son RDV avec le psy n’a duré que trois quart d’heure. Après elle a flâné. Elle a réfléchi à son passé.

       - Vaï, tu as raison. Il y a peut-être de quoi se poser des questions. Té ! avec tous ses cris, j’ai la tête comme une pastèque. Bon, je te laisse. Tu n’as besoin de rien d’autre ?

       - Non, ça va, je te remercie. Je te mettrai encore à contribution vendredi. Ce sera la dernière séance.

       Sa sœur doit se demander à quoi lui ont servi toutes ces consultations, ces stages de numérologie, de tarots, de généalogie et autre fadaises. Elle est bien avancée maintenant ! Pour sa famille, elle réfléchit trop. Il n’y avait qu’une seule solution, deux, en fait. Et Lucie en a choisi une troisième qui n’est pas la bonne aux yeux de ses proches. Envers et contre tous, elle s’obstine à garder sa fille de dix-huit ans chez elle.

    ***

       Quand Aurore était née, elle avait tout de ces nourrissons que l’on voit dans les contes de fée, entourés de bonnes marraines dans des berceaux drapés de vaporeux voilages. Tout allait donc pour le mieux et du jour au lendemain tout alla pour le pire. Occlusion intestinale. Affolement général. Précipitation. Intervention et anesthésie trop lourde. Au sortir de l’opération, le bébé ne tarda pas à présenter des convulsions, des crises d’épilepsie à répétition dont les médecins ne mesurèrent pas les conséquences. Deux mois plus tard, le diagnostic d’un spécialiste fut formel. Le cerveau avait été gravement lésé. 

       On se rendit compte, les mois passant, que la petite Aurore était aveugle et quasiment sourde, les membres en partie inefficaces et l’entendement dans un si profond brouillard que personne, pas même Lucie, n’arrivait à le dissiper. Cette dernière se retrouva alors seule pour élever cette enfant dont plus personne ne voulait, pas même son père qui, dépassé par la situation, avait immédiatement déclaré forfait en quittant le domicile, préférant verser une pension plutôt que d’avoir sous les yeux cette blessure constante.

       Lucie refusa de placer Aurore en centre spécialisé. Elle voulait assumer le problème, s’occuper au mieux de sa fille. Elle opta donc pour un mi-temps au laboratoire et prit une aide à domicile pour garder la petite en son absence.

       - Tu t’empoisonnes trop la vie, avait fini par lui dire sa mère quand elle avait compris que tout progrès ou retour à la normale était bel et bien impossible. Tu devrais la mettre dans un institut.

       Mais Lucie s’obstinait. Elle savait que la petite la reconnaissait, qu’il existait un dialogue entre elles deux, quelque chose de basique et subtil à la fois, auquel les autres ne pouvaient avoir accès.. Elle seule sentait cet échange. Et qui pouvait lui affirmer qu’ailleurs, on allait la traiter aussi bien ? Depuis un an, elle la laissait déjà une fois par mois dans un centre d’accueil. Le GIHP venait la prendre le vendredi soir et la lui ramenait le mardi matin. Aurore était alors dans un état d’énervement extrême. Les éducateurs avaient fini par lui avouer qu’elle ne dormait pratiquement pas et qu’elle passait son temps à hurler ! Qu’est-ce que cela donnerait à plein temps ? N’allait-on pas la surmédicamenter, commettre une seconde erreur médicale qui la tuerait cette fois ?

       - Pour elle ce serait la mort assurée et vous le savez tous fort bien !

       - Ecoute, Lucie, ouvre les yeux une bonne fois, lui avait répondu sa mère excédée. Après tout, ce serait la meilleure solution, et pour elle, et pour toi. Vous vous empoisonnez mutuellement, alors que, toi, tu dois te sauver.

       Lucie avait préféré faire semblant de ne pas avoir compris. Combien de fois, lui avait-on suggéré d’en finir avec ce petit animal handicapé ?

       Dernièrement, une de ses collègues, une nouvelle laborantine, était venue prendre le thé chez elle. Aurore était sur le divan, en tailleur, se balançant de gauche à droite, en secouant convulsivement la tête d’avant en arrière, en hululant des sons aigus.

       - C’est ta fille ?… Oh, que je te plains !… Et tu me dis qu’elle a dix-sept ans… On dirait encore une fillette… Tu en as de la patience.

       - Elle aussi, avait répondu Lucie. J’aurais dû te prévenir.

       L’autre avait immédiatement ajouté qu’à sa place… au laboratoire c’était facile de se procurer des produits, des seringues… Personne ne viendrait faire d’enquête…

       Lucie avait blêmi et avait dit à la fille dont elle avait cru un moment pouvoir se faire une amie qu’il valait mieux en rester là, et à une simple relation de travail.

       En règle générale, elle avait toujours évité de faire venir des gens chez elle, en présence de la petite. Leurs regards étaient trop lourds, leurs réflexions trop blessantes. Même les voisins bien intentionnés ne pouvaient pas s’en empêcher, par maladresse, bêtise ou méchanceté, au choix. L’un d’eux lui avait même dit sur un ton qui se voulait conciliant :

       - Pour le bruit, on s’y fait, vous savez. Le chien des Plantu hurle, lui aussi, toute la journée et bien plus fort !

       Elle en avait pleuré, bien que son seuil de tolérance en la matière soit assez élevé.
    ***
    (A Suivre)
    ***

    "Alors, mon petit, on fait de beaux rêves?
    - AAAHHH!!!"

    Détail du tableau "La Nuit", de Ferdinand Hodler (1890)

    Lire les rêves des gens
     Adalanews

       (...) C’est par le biais du webjournal anglais BBC News que nous apprenons que des chercheurs japonais ont réussi à pénétrer les rêves ! En effet, les chercheurs du ATR Computational Neuroscience Laboratories de Kyoto, dirigé par le professeur Yukiyasu Kamitani, ont réussi à lire 60% des images que les gens ont vu durant leur sommeil léger.

       Objectif de l’étude :
       - Conserver et retranscrire les rêves pour les étudier (interprétations…)
       - Analyser les rêves pour étudier l’impact psychologique sur l’individu

       Étapes du Sommeil (schéma simplifié) :
         - Endormissement: Le cerveau ralentit, le calme s’installe, la respiration devient régulière. Cette phase peut durer quelques secondes à 10 minutes.
       - Sommeil lent léger: L’activité cérébrale ralentit. Cette période marque la perte de conscience.
       - Sommeil lent profond: Les muscles et le cœur sont au repos.
       - Sommeil paradoxal: Les yeux et le visage sont en mouvement. L’activité cérébrale est intense et s’agite (rêves les plus élaborés, fantastiques, riches en émotions et en images, détaillés et précis)

       Les Professeur Yukiyasu Kamitani & le Dr Mark Stokes (Neuroscientifique cognitif de l’université de Oxford) ont toujours cru qu’il était possible de « décoder les rêves ». Cependant, il faudra attendre encore plusieurs années avant d’avoir une machine qui lisent les rêves.

       Etudes : 3 volontaires ont été étudiés et scannés par IRM pendant leur sommeil & leur éveil

       1.) Quand les volontaires commencent à s’endormir (sommeil lent léger), les chercheurs les réveillent et leur demande de décrire ce dont ils étaient en train de rêver.

       2.) Cette procédure a été répétée 200 fois pour chaque volontaire et leurs réponses regroupées en catégorie et mis dans une base de donnée sophistiquée.

       3.) Les volontaires sont une nouvelle fois scannés pendant leur réveil et regardent des images liées à la base de donnée.

       4.) Les chercheurs ont alors pu détecter des modèles spécifiques à leurs activités cérébrales qui correspondaient à certaines images.

       5.) Dans une expérience suivante, les scientifiques ont été capables de prédire 60% de ce qu’on rêvé les volontaires par l’étude de leurs scanners du cerveau en les comparant à la base de donnée.

       Maintenant les scientifiques vont essayer d’explorer ce qui se passe dans un sommeil paradoxal afin de prédire en plus des images de leur rêve, ce qu’il ressentent au cours de ces rêves. Le Dr Mark Stokes prévient qu’il ne sera pas possible de construire un classificateur général qui pourrait lire les rêves de tout le monde.

       Les pensées et rêves de chaque personne sont uniques et spécifiques à l’individu. Donc, pour lire les rêves de quelqu’un, il faudra lui construire une base de donnée qui lui est personnelle.
    En savoir plus sur 

    ***

    "J'aime bien l'ambiance de cette taverne...
    Un peu  moins son laisser-aller..."


    Gary Cooper, 1932 (by pictosh)

    ***

    (Un de ces jeunes gens va bientôt s'emparer d'une part
    qui ne lui est pas destinée. Sauras-tu le désigner?"


    Hotel Gavarni | Hotel independant
     Ecolabel, Paris » Commerce équitable

    Equitable
    Thegreenwasher

       (...) Equitable adj. Un terme qui caractérise ce qui est conforme à l’équité, qui garantit un traitement selon le droit et le mérite. L’idée d’équité n’est pas une idée neuve en Europe et dans le monde entier, pourtant une question revient avec toujours plus d’insistance, pour des rapports économiques et sociaux justes non seulement entre pays du Nord et du Sud, mais aussi entre acteurs locaux, nationaux, européens.

       Un terme utilisé dans bien des contextes, vulgarisé dans le domaine de la consommation de biens par Max Havelaar, aux produits issus de contrées lointaines type café, sucre ou chocolat qui entrent dans le cadre d’un cahier des charges strict, assurant juste rémunération et conditions de travail décentes

       On voit fleurir pléthore d’expressions synonymes telles que respect des hommes et de l’environnement, ou soutien aux communautés locales (cf. note précédente). Mais aussi, plus près de nous, des concepts tels que Made in France, économie circulaire, circuits courts. Alter Eco propose d’ailleurs des produits français avec le label équitable.

       Un exemple. La collection Conscious d’H&M, en magasins aujourd’hui, met à l’honneur le coton bio et une mode durable. Le plan com’ est impeccable, l’égérie glamour mais proche des clientes d’H&M, des vêtements pile dans la tendance, une problématique (Mais pourquoi gaspiller la mode ?) digne des marques pionnières bio et/ou équitables. Un message à l’opposé de ceux communiqués dans les autres campagnes, où une collection chasse l’autre, où le prix est l’unique variable d’ajustement ; un message peu compatible avec les méthodes de distribution et de vente du géant du textile. 

       Une opération de ce style, d’une enseigne à forte notoriété est-elle équitable face à celle d’une pme engagée dans le bio qui communique à un public restreint ? Quat’rues a tranché, Youphil aussi.

       Autre exemple. Ekitinfo propose tout au long du mois d’avril et de mai (2013) de voter pour des idées innovantes permettant de faire avancer le recours aux produits issus du commerce équitable au travail. En réfléchissant à cette initiative, j’ai fait le lien – suivez-moi jusqu’au bout, lecteurs – avec l’architecte et designer India Mahdavi, dont les créations d’espaces de travail (restaurants, hôtels…) et son sens du mélange des couleurs/matières/influences me passionnent. L’illustration parfaite des réalisations possibles dans une société sans frontières. Sans forcément arriver à son niveau de sophistication, je m’interroge sur l’origine des matériaux qu’elle utilise. 

       Je voudrais connaître le prix social et humain de ces intérieurs, savoir s’il y a des éléments chinés ou des matériaux recyclés. Je trouverais équitable de lire sur une étiquette le nom de l’artisan qui façonne ce meuble. C’est d’ailleurs la question que je me pose pour une grande partie de mes achats – où est l’artisan, celui qui a le savoir-faire, la connaissance du processus de fabrication de A à Z… équitable, cette foule d’associations d’idées ?

    En savoir plus sur

    ***
    Luc Desle

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (N'AIME NI NE DÉTESTE
    MAIS AIDE)
    µµµ

    Long Texte au long cours (2/3). 
    Blanche Baptiste


       La jeune Lucie se souvient de son enfance et de ces travailleurs espagnols qui venaient, chaque année, pour les vendanges... 


    HAUTES DILUTIONS



       Marcel finissait de décharger la camionnette. Et le gros de la troupe était là en train de rassembler ses affaires. Matilda, la doyenne, toujours alerte malgré ses soixante deux ans. Puis venaient José, son fils et sa femme Cristina , Santiago, un de ses frères, et d’autres adultes dont les noms échappaient à Lucie. Enfin, sortant du fourgon, les jeunes Camillo, Luis, José… Mais elle avait beau chercher Ricardo du regard, elle ne le voyait pas. Elle avait failli sortir avec lui l’année précédante et ensuite, pendant onze mois, il avait occupé ses rêveries. Du coup, elle n’était pas une seule fois allée en discothèque. 

       Penser à Ricardo lui avait suffi et lui avait donné assez d’énergie pour bûcher son bac comme une dingue. D’ailleurs, elle avait toujours fonctionné comme cela depuis qu’elle avait mis les pieds au lycée. La présence lointaine de fiancés potentiels et la certitude de leur venue tous les ans lui procuraient une joie et un allant que beaucoup de ses copines lui enviaient sans pour autant tomber dans ce genre de dévotions imaginaires, leur préférant les sorties répétées et les flirts plus tangibles.

       Lucie, elle, portait dans sa tête un imaginaire très fort dont l’archétype majeur se devait d’être Espagnol, brun, doux comme l’étaient certainement les anges, mystérieux, spirituel, tout puissant, amoureux et fraternel. Bien évidemment, une relation prolongée avec cette personne idéale aurait certainement fait descendre rapidement cette dernière de son piédestal. Mais les jeunes hidalgos repartaient si vite au pays de Don Quichotte, que Lucie avait tout le loisir de les magnifier et de jouer les princesses éprises d’amour courtois mais cependant sensibles aux songes torrides qui, parfois, fulgurants, faisaient des incursions nocturnes du côté des vignobles des Guirandes.

    ***

       Lucie sentait son cœur battre. La déception s’infiltrait en elle, piquante. Il fallait qu’elle sache.

       - Holà, vous voilà enfin !

       Quelques mots de bienvenue à chacun en espagnol. Puis sur un ton anodin, cette question qui lui barrait la gorge.

       - Je ne vois pas Ricardo.

       - Il vient de se mettre militaire. Un de ses amis le remplace. Pas vrai Tonio ?

       Elle sentit comme une pointe au creux de l’estomac mais déjà, un solide gaillard lui tendait la main. Une poignée de main ferme, sèche et douce au toucher, avec un bon sourire en prime, des yeux sombres qui lui semblèrent familiers.

       - Enchantée, je suis Lucie. Je vendangerai avec vous.

       Elle n’aimait pas dire d’emblée qu’elle était la fille du régisseur.

       Tonio la regardait avec simplicité. Il aimait ce genre de fille fraîche et spontanée. 

       Un homme aux cheveux grisonnants s’avançait vers le groupe. Il arborait une grosse moustache qui faisait ressortir ses yeux perçants. Celui-là voyait tout, remarquait tout d’un seul regard. 

       - Hé bien, il y a deux nouveaux à ce que je vois et on ne m’a pas averti. 

       Matilda, la chef d’équipe, la mousseigne comme on dit en Roussillon, expliqua les défections de dernière minute. D’abord, son mari Juan, une jambe dans le plâtre, puis Ricardo, juste engagé. 

       - Vous verrez, señor Mirales, vous ne serez pas déçu. Alfredo c’est un de mes gendres et Tonio, c’est Ricardo qui nous l’a recommandé et… 

       - Bon, ça ira, abrégea Mirales. Vous leur montrerez les logements et vous les mettrez au courant de nos habitudes… Je vous attends d’ici une demi-heure dans mon bureau pour signer les papiers. 

       Puis, il se tourna vers Lucie. 

       - Et toi, tu as peut-être autre chose à faire qu’à traîner là. Tu ne vois pas qu’ils ont fait un long voyage et qu’ils ont envie de s’installer. 

       - Justement, je venais les aider ! 

       Son père lui lança un regard noir. Cette attirance maladive qu’elle montrait pour ces bougres d’Espagnol commençait à lui porter sur le système. Et si elle avait la tête dure, lui aussi. Elle n’aurait pas le dernier mot !

    ***
    (A Suivre)
    µµµ

    "Comment ça, je dois dormir dans un clapier surpeuplé?
    - C'est comme ça et pas autrement,
    Monsieur mon futur repas...
    - Futur quoi?"


    Le scandale de l'élevage 
    en batterie des lapins
    Bioaddict

       (...) Ce mardi 2 juillet, une délégation de L214 a remis à la Commission européenne 40 000 signatures de citoyens français demandant l'interdiction de l'élevage en cage des lapins.

       La requête de l'association de protection des animaux fait suite à quatre ans d'enquêtes au sein de la filière cunicole française, documentant les problèmes de bien-être causés aux animaux par cette forme d'élevage.

       En mars dernier, L214 révélait en effet les conditions d'élevage exécrables des lapins sur 8 sites de production industrielle français : de nombreux lapins morts ou malades au sein des élevages et des poubelles remplies de cadavres et de flacons d'antibiotiques.

       Reçue par Andrea Gavinelli, chef d'unité Bien-être des animaux de la Direction générale de la santé et des consommateurs, L214 a exposé le résultat de plusieurs années de recherches sur la production française de lapins de chair :

       / une haute morbidité : d'origine bactérienne (pasteurellose, colibacillose, entérotoxémie, staphylococcie, klebsiellose, salmonellose...) , virale (maladie hémorragique virale) ou parasitaire (coccidiose) ;
       / une consommation d'antibiotiques plus élevée que dans toute autre filière animale (proportionnellement 6 fois plus importante qu'en élevage porcin) ;
    une haute mortalité : 20% des lapins de chair n'atteignent pas l'âge d'abattage de 73 jours.
    une liberté de mouvement entravée par des densités d'élevage très élevées (jusqu'à 19 lapins/m2) et des cages exiguës ;
       / un environnement dénué de tout aménagement et un sol grillagé source de blessures aux pattes et d'écrasement de lapereaux. La Directive 98/58 CE concernant la protection des animaux dans les élevages exige une liberté de mouvement conforme aux besoins éthologiques et biologiques des animaux. Cette condition n'étant jamais respectée en élevage en cages de lapins, L214 a demandé au représentant de la Commission européenne de mettre les pratiques de l'élevage cunicole en conformité avec droit européen en interdisant l'élevage des lapins en cages de batterie.(...)

       (...) Le mercredi 27 mars 2013, L214 a rendu public un film d'enquête réalisé dans 8 élevages français de lapins de chair, commercialisant notamment la viande dans les grandes surfaces. Les images ont été filmées entre novembre 2012 et janvier 2013 en Bretagne et Poitou-Charente.

       L'enquête réalisée dans la plus grande zone productrice de France montre les conditions d'élevage exécrables des lapins élevés pour leur viande et l'état de santé très dégradé de nombreux animauxLes images montrent de nombreux lapins malades (syndrome vestibulaire), blessés (infections aux yeux, oreilles, nécroses...) ou morts au fond des cages dans des élevages comptant en moyenne plus de 6000 animaux. Huit à neuf lapins s'entassent dans chaque cage de batterie nue. Chaque animal dispose d'une surface équivalente à une feuille A4.

       Les statistiques professionnelles indiquent que 20 lapins sur 100 meurent dans les élevages avant d'avoir atteint l'âge de deux mois et demi.

       La vidéo d'enquête montre également des poubelles remplies de flacons antibiotiques et d'hormones. Selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), les lapins sont les animaux d'élevage les plus exposés aux antibiotiques. En 2011, 71.09 tonnes d'antibiotiques ont été vendus à destination des élevages cunicoles. Pour une production de viande équivalente, il faut au moins 6 fois plus d'antibiotiques pour l'élevage de lapins que pour l'élevage porcin.

       La viande de lapin présente également le taux de résidus d'antibiotiques non conforme à la réglementation le plus élevé (0,62% en 2010). En 2010, un échantillon prélevé en France présentait un résidu de Chloramphénicol, un antibiotique interdit du fait d'une grave toxicité potentielle. (...)


    µµµ

    "Oh, un joli papillon... Je fais un voeu."
    (Le chat):
    "Oh, un joli papillon,
    je fais un bond... 
    et, hop!"

    (outerlimboから)

    µµµ

    (Voiture allemande non polluante)


    Limitation en trompe l'oeil 
    pour les émissions de CO2 
    des voitures européennes
    Claire Stam à Francfort 
    © 2013 Novethic - Tous droits réservés

       (...) Selon l’accord conclu entre les représentants du Parlement européen et la présidence irlandaise le 24 juin 2013, les constructeurs devront limiter les émissions de CO2 de leurs flottes automobiles à une moyenne de 130g/km de CO2 d’ici 2015, et 95g/km d’ici 2020. Pour être validé, l’accord doit être voté par les Etats membres et le Parlement.

       Ce seuil-limite fixé par Bruxelles aura un impact certain sur l’industrie automobile allemande. Selon l’organisation International Council on Clean Transportation (ICCT), la flotte automobile des constructeurs allemands émet en moyenne 147g de CO2/km, contre une moyenne européenne de... 132g de CO2/km (en 2011). «Les constructeurs allemands se sont concentrés sur la production de grosses cylindrées, explique Gerd Lottsiepen, de l’Organisation pour une mobilité écologique. Ils ont produit des modèles toujours plus lourds, toujours plus puissants et fortement émetteurs. Limiter les seuils d’émissions revient à revoir la conception de leur modèle économique et de leurs stratégies». (...) 

       (...) Un argument repris par l’industrie automobile allemande : revoir les modèles signifie devoir disposer de temps et de moyens pour développer de nouvelles technologies répondant aux normes européennes. Or, dans cette course contre la montre, elle s’estime "lésée" par rapport à ses concurrentes française et italienne, qui, avec leurs modèles de moyenne gamme, électriques et hybrides, peuvent remplir plus facilement et plus rapidement les objectifs européens. Des arguments entendus par Bruxelles, qui a mis en place un système de bonification prévoyant l’attribution de crédits d’émissions de CO2 aux fabricants de modèles faiblement émetteurs. 

       «Les constructeurs allemands tentent avec ces crédits de contourner les seuils fixés par Bruxelles pour pouvoir continuer à vendre leurs gros modèles», critique Wolfgang Lohbeck, expert du secteur automobile chez Greenpeace. De quoi s’agit-il? Appelés «super crédits», ces allocations doivent favoriser le développement des technologies électriques et hybrides. Pour les organisations environnementales, il ne s’agit ni plus ni moins que de « permis à polluer ».

       Les «super crédits» sont calculés sur la base d’un facteur multiplicateur, ou coefficient. Ainsi, si on applique un coefficient 2, la vente d’une voiture électrique à zéro émission sera comptabilisée deux fois et permettra la vente de deux voitures émettant 190g de CO2/km. Cette astuce comptable permet au constructeur de pouvoir remplir l’objectif des 95g de CO2/km - tout du moins sur le papier. Plus le coefficient sera élevé, plus le dispositif sera avantageux aux constructeurs de véhicules fortement émetteurs. 

       C’est donc sans surprise que les constructeurs allemands revendiquaient pendant les négociations l’application d’un coefficient de... 3,5 pour 2016, 1,5 pour 2020. Les négociateurs européens ont finalement retenu le coefficient 2, applicable en 2020 et pour 3 ans. Les constructeurs allemands souhaitaient une entre en vigueur à plus court terme, demande rejetée, de même que celle visant à transférer les crédits inutilisés d’une année sur l’autre.

       «En fait, l’application des super crédits contribuera à reporter de facto les objectifs des 95g de 2020 à 2023. L’objectif sera atteint, oui, mais avec trois ans de retard», relève Gerd Lottsiepen. Pour autant l’accord n’est pas entièrement mauvais selon les ONG. Comme le résume Wolfgang Lohbeck, «nous aurions préféré avoir un accord avec les 95g de CO2/km sans les super crédits, mais nous aurions également pu voir bien pire». (...)


    µµµ
    Luc Desle

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LEVE-TOI LE MATIN
    AVEC DES AILES)

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    Long Texte au long cours (2/2). 
    Blanche Baptiste

       La jeune Lucie commence à enquêter sur ses aïeux comme l'y pousse la discipline qu'elle a étudiée... 
    HAUTES DILUTIONS



       - Si je considère cet arbre avec attention, je vois de toute évidence que le sept septembre est pour vous une date clef, et je ne peux que vous conseiller de chercher de ce côté-là. 

       Lucie est ressortie ébranlée de la séance avec son psychothérapeute. Pourtant, il ne lui a rien appris de nouveau. Elle le savait que ce jour-là, il s’était passé quelque chose de crucial pour elle et pour sa proche famille. Elle n’a aucun mal à retrouver ses souvenirs. 

       Elle avait alors tout juste dix-huit ans et venait de réussir son bac. En octobre, elle allait rentrer à l’école de laborantine de Perpignan. Elle entretenait avec la chimie un rapport étrange fait d’attirance et de répulsion, l’attraction étant cependant la plus forte. 

       Depuis toute petite, elle avait la manie des expériences et des mélanges. Sa sœur Pépita en avait un jour fait les frais et avait bien failli mourir après absorption d’un breuvage comme en concoctent souvent les petites filles en guise de dînette. Depuis ce jour, on l’appelait la espécialista et quand son père devait préparer les dosages pour les vignes, il faisait toujours appel à elle qui maniait la règle de trois avec une aisance qui peu à peu lui faisait défaut à lui qui allait vers ses cinquante-six ans. 

       C’était un fait, le régisseur Pedro Mirales, employé depuis plus de vingt cinq ans sur le domaine des Guirandes, n’était plus vraiment à la hauteur. Certains, secrètement, convoitaient sa place et se réjouissaient de ses moindres erreurs de gestion, de ses nombreux oublis et de son incompétence face à la modernité qui arrivait au galop et le dépassait, lui qui marchait encore au pas du cheval. Le tracteur, la camionnette, c’était Marcel qui les conduisait le plus souvent et bientôt, ce serait aussi la propriété qu’il conduirait si Mirales n’y prenait pas garde. 

       Le vieux Pedro se foutait bien pas mal des manigances de son second. Il savait qu’il avait encore neuf ans à tirer et que personne ne pourrait le déloger. Il avait la confiance de son patron, le propriétaire, monsieur Delmas, ambassadeur en Espagne qui ne venait en France que pour les vacances et qui appréciait les services non seulement de Mirales mais aussi de sa femme Josefa, excellente ménagère qui entretenait à merveille le manoir jouxtant la ferme. 

       Josefa n’avait alors que cinquante ans et montrait une force et une volonté à l’ouvrage peu communes. D’origine andalouse, encore fraîche et pulpeuse, elle savait mener son monde, mine de rien, tout en ayant l’air de laisser à son mari le choix des décisions. Les mensonges étouffés, la soumission feinte, les compromissions auxquelles elle avait consenties depuis son mariage avec Mirales, avaient fait d’elle, au fil des ans, une femme de tête qui exerçait sur ce dernier un ascendant sournois. 

       Depuis quelques jours, elle se démenait pour rendre un peu plus salubres les logements dévolus aux vendangeurs espagnols qui venaient chaque année de Murcia. Mais elle avait beau faire, tout cela se dégradait et elle avait honte de ces taudis mis à disposition par monsieur Delmas. Il n’y avait ni eau, ni toilettes, ni chauffage. Pourtant, un poêle aurait été bien utile, surtout à la fin septembre quand les jours se font plus venteux et qu'il vient du Canigou des senteurs de neige et de glace. Au lieu de cela, elle voyait depuis sa fenêtre ces braves gens, ces habitués de longue date, aller se laver au bassin dans la cour et courir sous la pluie jusqu’au WC de fortune. 

       Et cette année encore, ils allaient arriver avec leur chargement de vêtements et surtout de victuailles. Des kilos de chorizo, de riz, de poisson séché, de pois chiches, et tout cela serait mis en commun par ces trois familles élargies et ils mangeraient tous autour de la grande marmite. Et sa fille Lucie voudrait comme à chaque vendange se joindre à eux. Alors, le père Mirales se mettrait en colère. Il ne supportait pas que la gamine veuille se mêler à ces espagnols. C’était depuis toujours sujet à dispute violente. 

       - Tu n’as pas à traîner avec eux ! 

       - Et quand je viens vous aider à vendanger, je suis bien avec eux aussi et vous ne dites rien. 

       - Ne discute pas ! Rien ne t’autorise à partager leurs soupers ni leurs soirées. Surtout à ton âge ! Avec ces jeunes, et moins jeunes, qui n’attendent que ça ! 

       Alors la mère intervenait avec des sous-entendus et un ton perfide. 

       - Oh toi, bien sûr, vieux dégoûtant, tu sais de quoi tu parles ! 

       Le père levait la main dans un geste avorté en injuriant Josefa. Il ne restait plus à Lucie qu’à sortir de la pièce, à les laisser ressasser leur passé, à parler de cet Angel, cet enfant que son père aurait fait à une jeune femme réfugiée comme lui en France dans un camp près d’ici. Que ce n’était que des racontards. Que cette fille avait tout inventé. Bref, des histoires sordides qui dégoûtaient Lucie et Pépita parce qu’elles sentaient qu’il y avait là-dessous une part de vérité et beaucoup de souffrances laissées dans l’ombre, quelque part, des êtres qui pouvaient en vouloir à leur famille, des ennemis capables de resurgir un jour et d’apporter la honte sur les Mirales. 

       Il avait été si difficile de se faire une place. Cela avait demandé un travail acharné, beaucoup d’orgueil rentré. Et peu à peu, ils s’étaient fondus dans la masse des gens du coin, mêlant leur accent à l’accent roussillonnais, parlant un français teinté d’hispano-catalan. Et Mirales avait su se faire apprécier, véritable bête de somme, il était devenu régisseur, sa fierté. Et son fils aîné, Pierre, employé des Postes à Paris. 

       Pépita, coiffeuse, bien installée au village. Et Lucie, la dernière, bientôt laborantine, presque docteur en somme. Oui, ils avaient bien réussi. Pour les filles, leur jeunesse n’avait été qu’une succession de brimades, de restrictions et de privations, mais le résultat était là. Il ne s’agissait pas de tout foutre en l’air au dernier moment avec des gamineries ! 

    ***
    (A Suivre)


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    (Adulte jetant son rêve d'un monde meilleur aux orties)


    Vaclav Brozik (Czech painter)

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    (Démocratie en deuil... depuis trop longtemps)


    Enigme, Alfred Agache


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    (Cet homme était si timide qu'il payait
    pour rester seul avec des cadavres féminins
    afin de leur réciter ses poèmes d'amour)


    The Autopsy ~ Enrique Simonet 1890


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    "Oh toi, ch't'aime, tu sais... Mmmm...
    Kiss, kiss...
    - Mais... Enfin! Madâme! On nous regarde!!!"


    Kiss of the Sphinx (1895), Franz von Stuck

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    Blanche Baptiste

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (A ENVIER CE QUI N'EST PAS TOI,
    TU TE PERDRAS)

    §§§

    Long Texte au long cours (2/1).
    Blanche Baptiste

       Nouveau texte qui, cette fois, s'intéresse aux secrets de famille et à la psychogénéalogie...

    HAUTES DILUTIONS



    PROLOGUE

       Elle referma le livre et se retrouva soudain amputée d’une part d’elle-même. A nouveau elle n’était plus rien, sans but, sans chemin.

       La lecture de ce roman, une fois de plus, lui avait donné l’illusion d’avoir trouvé sa légende personnelle tant elle avait fait sienne celle de cet apprenti alchimiste. Maintenant, l’enthousiasme lui manquait. Que se passait-il encore ?

       Sans cesse, elle croyait trouver sa voie et se lançait dans des tas de recherches sans jamais parvenir à être heureuse dans ce qu’elle entreprenait, si bien qu’elle lâchait ses lubies au bout de deux ou trois séances. Il n’y a qu’une seule chose à laquelle elle était fidèle : c’était la peinture. A bien y réfléchir, seule cette activité était capable de la mettre dans un état de jubilation, tout en lui procurant la frustration de n’avoir rien à exprimer d’extraordinaire. Seulement des faits, somme toute, anodins.

       Il y avait plus d’un an, elle avait participé à un stage sur le toucher. Quelle drôle d’idée d’aller passer une semaine à apprendre l’art du massage… D’autant plus qu’elle avait dû mettre sa mère et sa sœur à contribution pour pouvoir s’échapper cinq jours d’affilé.

       Professionnellement, elle n’avait pas besoin de ce genre de formation, mais il est vrai que dans sa vie privée elle s’était toujours sentie infirme de tendresse, de câlineries et autres contacts de peaux. Comme amputée à la base de ses neurones sensoriels par un manque d’état fusionnel.

       Alors ce stage avait été le bienvenu, bien sûr, et elle s’était sentie, balayés les premiers moments de fausse pudeur, tout à fait dans son élément. Comment avait-elle pu passer à côté de ces échanges tactiles ? Elle aurait pu s’abstenir de poser ce genre de questions et se contenter de vivre ces instants avec délectation, mais l’esprit est ainsi fait qu’il cherche toujours le pourquoi du comment. Et ce désarroi-là, cet excès de questionnements pousse les êtres à se poser des questions sur eux-mêmes « ad vitam aeternam ».

       Cette semaine, donc, passée à se faire malaxer, caresser, effleurer, à palper de la chair et encore de la chair, la remua profondément, plus que les autres stagiaires, c’est certain. Tant et si bien qu’elle sortit de là totalement disjonctée. On lui conseilla une psychanalyse. Elle préféra lire des livres où elle n’en finissait plus de se chercher et de se perdre.

       Enfin elle opta pour une pratique à la mode, en ces temps de grandes tempêtes dévastatrices qui vous déracinent et saccagent des arbres millénaires en une nuit.

       Il s’agissait d’une nouvelle discipline, la névro-psycho-généalogie, enseignée alors avec foi par un nouvel initié en la matière dans le sud de la France. L’idée était bel et bien dans l’air. Tout semblait perdre ses fondements, on manquait de racines au sens propre et au sens figuré. On faisait son arbre généalogique comme on partait le week-end reboiser les zones dévastées. On allait creuser dans son passé pour mieux comprendre son présent. Le symbole de l’arbre s’imposait à tous. On pensait ataviquement qu’un arbre vigoureux aux branches équilibrées, bien planté dans le sol ne pouvait porter que des fruits épanouis. On voulait être cet arbre. Et malgré les récentes tempêtes qui n’avaient épargné ni les mieux enracinés, ni les plus solides, la croyance persistait. Si bien que la plupart des gens auxquels pouvait manquer telle ou telle ramification familiale voulaient à tout prix, et parfois fort cher, retrouver leurs origines pour comprendre leurs manques, leurs errances, leurs erreurs.

       Il y eut ainsi beaucoup d’adeptes parmi les humains du tertiaire, heureux d’aller fouiller l’humus de leur existence, sans avoir à se salir les mains, si ce n’est tout au plus, sur les feuilles poussiéreuses des registres paroissiaux.

       Lucie fit donc partie du lot, ne sachant pas au juste ce qu’elle cherchait, ce qu’elle espérait trouver, ni quel chaînon manquant allait bien pouvoir la passionner, la distraire de sa vie souvent ressentie comme absurde. Elle avait à la fois besoin d’une diversion et de se recentrer, ce qui pouvait rendre l’entreprise périlleuse pour sa santé mentale.

       Le fait de se focaliser sur un objectif précis eut en tout cas l’effet de la faire se raccrocher à une chose qu’elle prenait au sérieux, une chose capable de lui donner accès à une réalité révolue qu’elle allait pouvoir appréhender avec le recul des années écoulées. Une sorte de journal du passé. Elle était sûre que les événements vécus par ses ancêtres ne la toucheraient pas comme la touchait l’actualité trop réelle de ce présent qui ne cessait de l’angoisser, tout comme il devait angoisser ses congénères. Car, vues de loin, que lui importaient au fond les misères endurées par ses aïeux. N’en ressortissaient-ils pas grandis ? Ne devenaient-ils pas des héros personnels capables de la distraire, de lui donner envie d’entreprendre.

       Elle ne les imaginait pas sous la forme d’illustres personnages, elle ne s’attendait pas à rencontrer dans sa généalogie des ancêtres royaux. Les fonctions sociales n’intéressaient pas Lucie. A quoi bon ? Ce que Lucie souhaitait trouver, c’était une réponse à son mal être et surtout comprendre enfin pourquoi le destin était si dur à son égard.

       Bref, elle cherchait un signe pour éclairer sa vie, quelque personnage qui, par-delà les ans, aurait été en relation avec elle et serait capable, en renaissant lors de ses investigations, de lui insuffler l’énergie manquante.

    ***
    (A Suivre)

    §§§

    (Sirènes punissant les méchants pêcheurs européens)


    Pourquoi la lutte contre la pêche illégale 
    est-elle un échec ?

    Propos recueillis par Magali Reinert 
    © 2013 Novethic - Tous droits réservés


       (...) Margot Stiles, directrice de campagne d'Oceana et auteur de l'étude Stolen Seafood, revient sur les raisons de l'échec de la lutte contre la pêche illégale et appelle à une meilleure traçabilité des produits de la mer.


       / Novethic : Quel nouvel éclairage apporte votre étude sur l’évolution mondiale de la pêche illégale ?

       - Margot Stiles : Le marché des produits de la pêche est de plus en plus globalisé et complexe, et entraîne de plus en plus de dégâts. Il y a toujours eu une pêche qui ciblait les espèces menacées et violait les règles de protection. Mais aujourd’hui, l’appât du gain est encore plus fort, avec des exportations qui permettent de générer des profits énormes. Les braconniers ciblent en effet les espèces chères. On estime par exemple que quatre requins sur cinq seraient pêchés illégalement, ou encore la moitié des saumons. La persistance de la pêche pirate n’est pas surprenante compte-tenu des bénéfices qu’elle rapporte, notamment des produits de la mer hauts de gamme, et ce tout en échappant aux taxes et en s’acquittant d’amendes minimes.

       / Comment s'opère la pêche illégale?

       - Notre étude insiste sur les liens entre la pêche illégale et l’approvisionnement en produits de la mer. Un cinquième des poissons pêchés illégalement est vendu aux consommateurs européens ou américains. Dans une précédente étude, nous avons montré grâce à des tests ADN qu’un tiers des poissons vendus aux États-Unis était mal étiqueté et distribué sous d’autres noms d’origine ou d’espèces.
       La pêche illégale repose sur des tours de passe-passe. Les poissons pêchés frauduleusement sont collectés dans les cargos réfrigérés et mélangés aux stocks légaux. L’aquaculture fournit aussi un moyen de blanchir les poissons volés, en particulier les élevages de thon qui rachètent aux cargos de pêche les poissons en dessous des tailles réglementaires.

       / Pourquoi la lutte contre la pêche illégale obtient-elle si peu de résultats ? 

       - Les efforts pour combattre la pêche illégale ont surtout cherché à prendre les criminels len flagrant délit. Or, c’est très difficile parce que les exactions se produisent à des kilomètres des côtes et la nuit. D’autant plus que de nombreux pays ne consacrent pas assez de ressource pour combattre les infractions. L’efficacité des organisations régionales de gestion de la pêche est également limitée, à l’image de leur volonté politique et de leur moyen. Même les navires qui sont inscrits sur les listes noires des organisations internationales ne sont interceptés qu’une fois sur quatre dans les ports.
       On sait maintenant que ce qui est nécessaire est la traçabilité des produits de la mer, pour que chaque poisson puisse être suivi du bateau à l’assiette. Contrôler l’origine du poisson compliquera l’entrée du poisson illégal dans la chaîne d’approvisionnement. L’Union européenne a légiféré pour mieux contrôler la filière (1) et nous demandons aux États-Unis de faire de même.

       / Est-ce que le Code de conduite pour une pêche responsable, mis en place par la FAO en 2001, a permis d’améliorer les choses ?

       - Malheureusement, non. Ce code de conduite est volontaire, et les études récentes ont montré que le respect de ces recommandations est extrêmement bas. Cela dit, ce texte fournit des lignes directrices pertinentes pour les pays qui cherchent à améliorer la durabilité de leur pêche.

    (1)- Le règlement européen concernant la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), prévoit d’assurer la traçabilité du poisson.

    §§§

    (Douce Etats-Unienne offrant des fleurs aux z'Européens
    pour se faire pardonner de l'inconséquence de ses services secrets)



    §§§

    (Nouvelle technique pour faire passer, en fraude,
    le transfuge Snowden. L'espace aérien est ainsi respecté)


    EVO MORALES: 
    LA FRANCE AVAIT-ELLE LE DROIT DE REFUSER
    SON ESPACE AÉRIEN À UN CHEF D'ETAT?
    Grégoire Fleurot

       (...) Dans la nuit du mardi 2 au mercredi 3 juillet, la Bolivie a accusé plusieurs pays européens, dont la France, d’avoir refusé d’autoriser l’avion du président bolivien Evo Morales, qui revenait de Moscou, à survoler leurs territoires, obligeant l’appareil à atterrir à Vienne en Autriche.

       La Paz affirme que la France, l’Italie, le Portugal et l’Espagne ont refusé que l’avion traverse leurs espaces aériens parce qu’ils craignaient qu’Edward Snowden, l’ancien agent du renseignement à l’origine des révélations autour des programmes de surveillance et d’espionnage américains, se trouve à bord, le tout sur fond de pressions de Washington.

       Si la France a exprimé ses regrets pour les retards dans la confirmation de l'autorisation de survol de son territoire, plusieurs diplomates et responsables politiques sud-américains ont vivement critiqué l’incident et le comportement supposé des pays impliqués, estimant qu’il s’agissait d’une violation du droit international, et plus particulièrement des immunités qui protègent les chefs d’Etat.

       Un pays a-t-il le droit de refuser à un chef d’Etat de survoler son territoire? En théorie non, mais il ne peut pas lui arriver grand-chose s’il le fait. (...)

       La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, signée en 1961, détaille les principes de l’immunité dont jouissent les chefs de mission diplomatique, la plupart du temps les ambassadeurs, et les membres d’une mission diplomatique.

       Ce texte, ratifié par 189 pays, précise notamment qu’un Etat qui accueille un diplomate étranger doit, sauf en cas de menace pour la sécurité nationale, lui assurer la liberté de déplacement et de circulation sur son territoire. Si cette obligation ne concerne que les chefs et membres de missions diplomatiques, il est généralement accepté que l’immunité qui leur est garantie en tant que représentants de leur Etat s’applique aussi aux chefs d’Etat, qui sont de facto à la tête de la diplomatie de leur pays.

       Il existe toutefois des exceptions qui permettent à un pays de déclarer un chef d’Etat étranger persona non grata. La Suisse avait ainsi interdit dès octobre 2002 l’entrée sur son territoire au président irakien Saddam Hussein.

       Le pays doit dans ce cas informer le chef d’Etat en question de son nouveau statut d’indésirable afin d’éviter qu’il ne s’y rende. De même, un Etat qui ne reconnaît pas un autre Etat n’a pas en théorie à accorder à son chef une quelconque immunité.(...)

       (..) Evo Morales ne rentre évidemment pas dans ces deux exceptions: aucun des pays accusés de ne pas l’avoir accueilli dans son espace aérien ne l’a déclaré persona non grata et la Bolivie est reconnue par l’Union européenne.

       Malgré les annonces de Sacha Llorenti, l’ambassadeur de la Bolivie aux Nations unies, qui a affirmé qu’il allait évoquer le sujet avec le secrétaire général Ban Ki-moon, un pays qui ne respecte pas la Convention de Vienne ne s’expose cependant à aucune sanction de la part de l’ONU, et risque simplement les représailles éventuelles du pays qui s’estime lésé. L’ambassade de France en Bolivie a d’ailleurs été la cible de jets de pierre et des drapeaux français ont été brûlés à La Paz ce mercredi.

       Les violations de la Convention de Vienne, comme lors de la crise des otages américains en Iran en 1979, restent au final très rares, notamment parce que les pays ne veulent pas mettre leurs propres diplomates dans des situations délicates.

    L'explication remercie Sylvain Métille, auteur d'un mémoire sur l'immunité des chefs d'Etat au XXIe siècle.


    §§§
    Benoît Barvin

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