“Les Français n’ont-ils pas d’hommes politiques plus importants à célébrer que Charles de Gaulle ? Il faut croire que non”, s’étonne leFinancial Times. Le quotidien londonien constate que, près d’un demi-siècle après son départ de la scène politique hexagonale, “il semble que tout le monde veuille revendiquer une part de son héritage”. Car, dans cette campagne des plus incertaines, “les candidats, qu’ils soient de droite ou de gauche, font appel à la figure paternelle et rassurante du général pour attirer les électeurs indécis”, analyse le Financial Times.

   Même Marine Le Pen, la dirigeante d’un parti formé principalement en réponse à l’indépendance de l’Algérie négociée par de Gaulle, “prétend désormais être sa véritable héritière”, remarque le journal britannique après les propos de la candidate remettant en cause la responsabilité de l’État français dans la rafle du Vél d’Hiv, “ignorant toutes les recherches académiques menées depuis”. Même chose pour Emmanuel Macron, diffusant une vidéo dans laquelle le général déclare que la France n’est “ni de droite, ni de gauche”, comme un certain candidat. Ou encore “François Fillon évoquant la morale irréprochable de de Gaulle pour remporter la primaire des Républicains”, avant d’être lui-même mis en examen. (...)

   Les Républicains est justement le parti issu de la lignée de l’Union pour la nouvelle République, parti créé par de Gaulle, note Foreign Policy. “Et ce parti, tout comme la Ve République elle-même, semble être en train de s’effondrer”, souligne la revue américaine, qui l’explique principalement par les affaires judiciaires ayant essaimé la campagne du candidat François Fillon, mais aussi par son programme : L’indifférence de Fillon envers certains principes politiques l’éloigne du gaullisme, de même que sa moralité à géométrie variable, et cette indifférence éloigne les Républicains encore davantage de leur père fondateur. Si Fillon s’engage à rendre sa grandeur à la France, c’est sur le dos des fonctionnaires et des salariés du secteur privé.

   Il a également promis de réduire les impôts pour les riches et de libérer les entreprises des réglementations de l’État, tout en sabrant l’État providence, autant de mesures qui vont à l’encontre du “gaullisme social” prôné par Séguin. De Gaulle avait beau être un catholique pratiquant, il n’a jamais présenté le catholicisme comme un trait distinctif de ses concitoyens ou fait de sa foi un thème de campagne ; bien qu’étant patriote, de Gaulle insistait sur le fait que si le patriotisme est l’amour de son propre pays, le nationalisme, tel que Fillon l’a encouragé, est la haine des autres.”

   Les divisions nées de cette campagne chez les Républicains laisseront des traces, quel que soit le résultat de l’élection, raconte Foreign Policy : “Le destin du parti et sa relation avec le fondateur de la France moderne resteront des sujets sans réponse.” Finalement, résume le magazine américain, il manque aux Républicains et à la campagne présidentielle un homme politique “qui projette un dévouement clair et puissant dans l’intérêt général de la République”. Quelqu’un comme Charles de Gaulle, en somme.