Vous fîtes bien de me demander si cela ne me dérangeait pas. Certes, votre prière avait déjà été faite et, devant l'assemblée de fidèles, je trouvais cela un rien indélicat. Cependant, n'étions-nous pas dans une soirée sado-masochiste où chacun et chacune se doit d'obéir aux désirs - et aux exigences - les plus secrets?
J'avais déjà été flagellée gentiment, avec deux fouets à brins longs, munis de minuscules boules d'acier qui, sur ma chair pourtant habituée aux hommages de cette sorte, avaient produit de légères ecchymoses vaguement rosâtres. Bien sûr, la Maîtresse de Cérémonie - Madame D - m'a gentiment enduit les lésions de son onguent intime, fait à base de lait d’ânesse et de menstrues de vierges helléniques. Comme à chacune de ses interventions, ses caresses forcèrent le respect et elle eut droit, une fois encore, à une salve d'applaudissements pleine de componction.
J'acceptai plus tard, après que la coupe de champagne millésimé eut humecté mon gosier, l'assaut - assez rude, je le confesse - de deux Apollons du Belvédère, couleur anthracite, dont chaque engin me fit craindre pour ma santé. Mais Madame D - décidément notre Ultime Bienfaitrice - s'occupa de moi, une fois de plus et c'est sous un unanime murmure d'extase que je fus la proie de ces rudes gaillards. Vous nous regardiez, Monsieur Mon ex-Amant, assis dans un large fauteuil, les mains occupées par des rondeurs de pimprenelles dont je ne doutais pas que vous les goûtassiez à leur juste valeur.
A peine les deux éphèbes eurent-ils procédé ainsi qu'il le fallait - et je vous avoue qu'à un moment, j'ai réellement perdu la notion du temps -, c'est de nouveau Madame D qui est intervenue pour étancher une soif "inextinguible", ainsi qu'elle l'affirma au public présent, via une langue que j'ai toujours trouvée très rose et diablement mutine.
Bref, la soirée - que dis-je? - la nuit se déroulait suivant le plan habituel, ainsi qu'il sied à ce genre de pratique hors normes - mais oh combien jouissives, lorsque vous vous levâtes, Mon Cher et, devant l'auditoire esbaudi, vous formulâtes votre demande.
Il se fit alors un silence contraint, presque pesant. Chacune et Chacun allait de vous à moi, ne sachant que penser d'une telle obstination, car vous insistiez une seconde fois, en dépit des sourcils froncés de Madame D. Je coupai court au malaise qui menaçait la chaude ambiance de cette fête et, la voix sévère, je répondis: "Jamais, Monsieur le Jean-Foutre! Jamais je ne me teindrai les cheveux en roux, la couleur de Satan lui-même. Reprenez un peu de champagne, Monsieur mon ex-Amant, avant que de nous fausser compagnie car, je n'en doute pas, des gourgandines vous attendent dans un ignoble estaminet afin d'assouvir vos désirs plébéiens!
Madame D n'eut pas à ouvrir la bouche. L'assemblée vous fusilla des yeux, vous, l'odieux personnage qui, reprenant ses effets, tête basse, disparûtes de la salle, à notre grand soulagement. Et nous pûmes, alors, reprendre la soirée là où nous l'avions laissée avant vous eussiez osé émettre ce voeu ignominieux.
Sachez, Monsieur Mon ex-Amant, que désormais je vous voue aux gémonies les plus abjectes.
Duchesse de Brabante et Corréos