« Sans renier, bien au contraire, l'exceptionnel travail de mémoire et de reconstruction de l'Hermione, explique Pierre Thébaud, Gouverneur de l'Ordre La Fayette, remettons à sa juste place la vérité historique et le rôle de Bordeaux et du bateau "La Victoire" dans l'aventure américaine de La Fayette. C'est à Bordeaux Bacalan que ce navire marchand a été construit. C'est à Bordeaux qu'il a été acheté, non pas par La Fayette qui n'était pas majeur à l'époque, mais par l'intermédiaire du Comte de Broglie, ancien chef des services secrets sous Louis XV. C'est de Bordeaux que La Fayette est parti pour rejoindre « La Victoire » à Pauillac et a embarqué de nuit le 25 Mars 1777, pour Pasajes à côté de Saint - Sébastien. Puis après de multiples péripéties qui l'ont fait revenir à cheval à Bordeaux, ce fut pour La Fayette et « La Victoire » le vrai départ de Pasajes pour l'Amérique, le 26 Avril 1777. Bordeaux et les Bordelais peuvent être fiers de cette aventure qui a commencé trois ans avant l'embarquement de La Fayette sur «L'Hermione»."
En effet, la ville de Bordeaux peut s'enorgueillir d'avoir été à l'origine de l'aide française aux insurgés américains avides d'indépendance et surtout le début d'une formidable amitié franco-américaine qui perdure toujours.(...)
(...) L'aventure du jeune (il a 19 ans) et riche Gilbert Motier, Marquis de La Fayette débute en août 1775 à Metz, lors d'un repas organisé par le Comte de Broglie, ami de son père, où il découvre la révolte des insurgés américains menés par George Washington contre la présence anglaise. Il n'en faut pas plus pour Gilbert de se voir combattre dans ce lointain outre-Atlantique l'ennemi juré des Français.
Il faudra toute l'influence du Comte de Broglie, farouche opposant de l'Angleterre, ses réseaux et sa longue expérience des opérations secrètes pour que La Fayette parvienne à ses fins.
En décembre 1776, Sileas Deane, envoyé spécial de Washington en France en mission de recrutement, le nomme Major général de l'armée américaine.
Reste à trouver un bateau pour traversée l'Atlantique. Riche, Gilbert l'est. Seul hic, il ne peut se servir de son pécule comme il l'entend car il n'est pas majeur (à l'époque 25 ans) et c'est François Augustin Dubois Martin, frère du secrétaire particulier de Broglie, qui se rend alors à Bordeaux afin d'acheter le navire. Le choix se porte sur « La Clary » construite aux chantiers Bichon à Bacalan. Cet achat sera financé pour 1/3 par La Fayette, 1/3 par Dubois Martin sous couverture de Broglie et 1/3 par le baron de Kalb.
Pour ne pas attirer l'attention du Roi et des espions britanniques sur place dans la capitale girondine, « La Victoire » est déclarée auprès des autorités du port à destination de Saint Domingue, chargée de biens à vendre sur place.(...)
(...) Afin de brouiller les pistes, la Fayette part le 17 février 1777 pour Londres. Un mois plus tard, il prend la route de Bordeaux où il apprend que son épopée a été éventée à Versailles et que l'ordre de l'arrêter est en chemin.(...)
Le 23 mars « La Victoire » appareille enfin de Bordeaux. La Fayette fait mine d'obéir aux ordres royaux et ne monte pas à bord. Et c'est en chaloupe qu'il se rend à quelques kilomètres de Bordeaux à Pauillac pour prendre place sur le navire avec ses compagnons. Et c'est le 25 mars 1777 que « la Victoire » prend les voiles en direction du port espagnol de Los Pasajes, à coté de Saint Sébastien. Alors pourquoi cet arrêt ? Tout simplement parce que le Pays Basque est renommé pour ses fabriques d'armes et il pourra compléter ainsi son chargement : 5000 fusils et munitions seront ainsi embarqués.
A peine arrivé en Espagne, la Fayette revient à Bordeaux à cheval déguisé en postier. Il est hébergé par le gouverneur de la ville, le Maréchal de Mouchy au château Trompette. Il fait une étape à Ruffec où Broglie l'exhorte à ne rien modifier du plan d'origine et qu'il va tout arranger avec sa belle famille qui était contre son départ.(...)
(...) Soulagé, il retourne à Los Pasajes et entame le 26 avril avec ses 65 compagnons la traversée si attendue.
Celle-ci durera 54 jours où la Fayette qui n'a pas le pied marin, lutte tant bien que mal contre le mal de mer en apprenant l'anglais et en écrivant à sa femme enceinte restée en France qu'il abandonne sans un au-revoir.
Son périple s'achève le 12 juin à South Inlet prés de Georgetown en Caroline du Sud.
L'histoire américaine de La Fayette débute ici et d'une certaine façon, le rêve du Comte de Broglie se réalise par l'intermédiaire du futur héros de la guerre d'indépendance américaine.
( A lire, « Rêver la gloire » de Patrick Villiers chez Monelle Hayot, avril 2013. Et la biographie « La Fayette » d'Etienne Taillemite chez Fayard, 1989)
http://www.sudouest.fr/2014/10/09/la-vraie-histoire-de-la-fayette-et-bordeaux-1698780-2780.php