Alors que la période gaullienne de la Ve République est marquée par un recours "décomplexé" à cette technique de démocratie (semi-)directe, la pratique référendaire est aujourd'hui marginalisée et tombe dans une forme de désuétude. Le dernier référendum en date remonte à près d'une décennie et s'est soldé par le rejet de la "Constitution européenne".
Formellement, il est désormais possible d'organiser une consultation populaire sur une proposition de loi "à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement" soutenue par un dixième des électeurs". Non seulement il ne s'agit pas d'une "initiative populaire" proprement dite (comme cela existe en Suisse, en Italie, en Autriche ou dans l'Etat de Californie), mais l'"initiative partagée" consacre le primat de la volonté des parlementaires. Le déclenchement du référendum appartient en effet aux élus et non aux citoyens; ces derniers n'interviennent que dans un second temps, en soutien.
Or, pour constituer un véritable procédé de partage du (contre-)pouvoir, l'initiative de cette procédure ne devrait pas dépendre de la volonté d'un organe gouvernant ou des partis politiques. Pis, l'intervention a posteriori des citoyens laisse à penser que la "consultation du suffrage universel sembl(e) être une chose sérieuse pour la confier...aux citoyens" (Fatin-Rouge Stefanini).(...)
(...) Le mécanisme présente une telle rigidité, il est entouré de telles précautions, que sa mise en œuvre relève de la fiction. Les seuils ou quorum sont significatifs: l'accord cumulé et combiné de 185 parlementaires et d'environ 4,5 millions de citoyens (inscrits sur les listes électorales) est nécessaire. Quand bien même la procédure serait déclenchée grâce à un double soutien démocratique (populaire et parlementaire), l'organisation du référendum n'est pas acquise. Celle-ci dépendra de l'attitude des deux assemblées: si la proposition est examinée dans le délai d'un an, le mécanisme est neutralisé.
De surcroît, il suffit que la proposition de loi soit examinée par les deux assemblées et qu'elles rejettent le texte pour que le référendum ne soit pas organisé. En somme, le peuple n'a pas le dernier mot, puisque le recours au référendum n'est pas obligatoire. Si le texte est examiné et rejeté à la majorité des voix par le Parlement, cela risque de renforcer la défiance des citoyens envers leurs représentants, même si les parlementaires auront du mal à refuser de donner suite à une proposition appuyée par au moins 10% du corps électoral.
À l'inverse, si le Parlement adopte la proposition, il risque de donner l'impression d'avoir cédé à la pression d'une minorité voire de groupes d'intérêt minoritaires. Du reste, l'initiative minoritaire ne saurait constituer un instrument d'action immédiate contre la majorité parlementaire, puisque les lois promulguées depuis moins d'une année ne peuvent faire l'objet de cette procédure. Cette ultime précaution vise à préserver la politique menée par le gouvernement en laissant le temps aux lois adoptées de produire leur effet et faire montre de leur intérêt.
Complexe, restrictif, ce dispositif législatif de mise en œuvre du référendum d'initiative partagée semble voué au chapitre plus "théorique" que pratique de notre vie démocratique. La décision attendue du Conseil constitutionnel à son sujet (suite à sa saisine par le premier ministre) ne risque pas de changer son destin. (...)