Des cadeaux de luxe, un bon paquet de billets, des armes et du sexe : voilà quelques largesses dispensées pendant plusieurs années par les cartels colombiens à des agents fédéraux américains de diverses administrations, et tout particulièrement du bureau antidrogue, la DEA. Une enquête menée par l’inspection des services du ministère de la Justice a révélé des conduites déviantes d’agents fédéraux en service en Colombie, rapporte le site américain Politico. L'enquête fait suite à une plainte anonyme lancée en 2010, dont l’origine n’a pas été précisée.

   Les faits délictueux concernent aussi bien le FBI, le Bureau de lutte contre le trafic d’alcool, de tabac et d’armes – une agence de police fédérale du ministère de la Justice (USMS) – que la DEA, la puissante agence de lutte contre le trafic de drogue. (...)

   (...) Le rapport énumère plus d’une soixantaine de cas portant sur la période 2009-2012, mais des “parties fines” organisées par les cartels colombiens ont aussi été relevées entre 2005 et 2008. Des prostituées sont venues égayer les soirées des agents de manière régulière, à Carthagène des Indes, le joyau caribéen de la Colombie où sont cantonnées la plupart des forces de la DEA américaine, ainsi qu’à Bogota (la capitale). En 2012, un scandale avait éclaté à Carthagène des Indes lorsqu’il a été établi que des gardes du corps du président Obama en visite dans le cadre d’un sommet s’étaient offert des prostituées.

   Les révélations de ces derniers jours ont été largement diffusées par la presse américaine, qui donne peu de détails concrets sur les faits. Le site du Christian Science Monitor estime que ce scandale, “bien qu’embarrassant, ne devrait pas avoir d'impact sur la coopération bilatérale entre les autorités colombiennes et les Etats-Unis dans la lutte contre le trafic de drogue”. Mais en Colombie, l’hebdomadaire Semana estime qu’“il ne s'agit pas d’une petite affaire”, et publie une enquête sous le titre : “Les bacchanales de la DEA”.

   L’hebdomadaire a pu recueillir les confidences de plusieurs témoins : des agents de la DEA en exercice et à la retraite, des fonctionnaires colombiens qui travaillent avec ces derniers, des avocats de narcotrafiquants et des prostituées qui ont participé aux “fêtes”.(...)

   (...) “Ce qui s'est passé dans notre pays est bien plus scandaleux que ce que laisse entendre le rapport”, s’énerve Semana. A Bogota, raconte ainsi l’hebdomadaire, deux agents de la DEA rencontraient régulièrement l’avocat américain de certains chefs de cartels colombiens dans un restaurant des beaux quartiers. La soirée se préparait au cours d'un copieux dîner au cours duquel l’avocat offrait des montres de luxe aux agents. La fête avec des “amies voluptueuses” se prolongeait ensuite jusqu’au petit matin.

   Il arrivait aussi couramment que des agents se servent directement, ont affirmé à l’hebdomadaire trois anciens membres d'une unité spéciale bipartite d’intervention dénommée SIU (Special Intelligence Unit). L’un d’eux explique : “Lorsqu’il y avait une opération antidrogue et qu’on chopait un narco ou un chargement, les agents de la DEA prenaient de l’argent saisi dans l’opération pour organiser les fêtes. Elles se déroulaient en général avec 10 à 15 prostituées qu’on appelait par téléphone. C'est comme ça qu’on célébrait l’arrestation d’un narco.”