“La France voit toujours la vie en jaune”annonçait le quotidien allemand Tagesspiegel le samedi 15 décembre, jour de “l’acte V” du mouvement des “gilets jaunes”. Malgré les annonces d’Emmanuel Macron cinq jours plus tôt, “un bloc dur de manifestants veut poursuivre jusqu’à l’année prochaine”, expliquait le journal. Les manifestations ont toutefois marqué le pas dans les grandes villes et à Paris, avec 66 000 personnes dans la rue contre 125 000 le week-end précédent, et moins d’affrontements avec les forces de l’ordre.

   Selon le Sunday Times“les concessions [du président français] semblent avoir réussi à scinder le mouvement en deux, avec d’un côté les modérés qui estiment que le gouvernement a partiellement répondu à leurs demandes de pouvoir d’achat, et de l’autre, un groupe d’irréductibles déterminé à rester dans la rue pour exiger notamment la démission du président et un recours plus important au référendum”.

   Il serait néanmoins très inopportun pour Emmanuel Macron de “crier victoire et encore moins de conclure à une quelconque défaite des ‘gilets jaunes’ qui ont obtenu bien plus que les syndicats ou partis d’opposition avant eux”prévient le quotidien suisse Le Temps, convaincu que le mouvement a réussi à faire changer “la manière d’exercer le pouvoir” du président français.

   C’est bien l’avis, en Espagne, d’El País. Le quotidien de Madrid voit dans ce mouvement “un effet de la mondialisation” qui s’étend à toutes les sociétés occidentales, portant une demande forte de démocratie face aux classes dirigeantes :   Quel que soit le résultat de ce mouvement, les ‘gilets jaunes’ ont gagné la bataille des représentations, ce qui est fondamental (…). Le mouvement a montré la volonté du peuple de construire la société.”

   En attendant que les lignes bougent sur le chapitre d’une démocratie plus participative, l’heure des comptes a sonné pour la France, constatent les journaux étrangers. Cette crise politique “a conduit à une chute abrupte de l’économie. Le mouvement a plongé le pays dans sa première récession depuis deux ans et demi”, observe le Sunday Times.

   Les dix milliards d’euros que coûteront, selon les estimations du gouvernement, les mesures annoncées par le président français le 10 décembre, pourraient conduire à accroître le déficit public français au-delà des 3% autorisés par l’Union européenne. Alors qu’il était censé descendre à 2,8% l’an prochain, ce déficit pourrait en réalité atteindre 3,4%.

   Une probabilité qui inquiète l’Europe. Le rêve d’Emmanuel Macron pour la zone euro est mort cette semaine”, titre ainsi le site économique Bloomberg. Les priorités ont changé, poursuit le site, et “ce président qui voulait renforcer la zone euro se voit contraint de renoncer à son rêve” . Et ce n’est pas sans une certaine amertume que les Européens regardent cette mauvaise nouvelle, pointe Die Zeit à Hambourg :

 “M. Macron a toujours insisté sur le fait que la France, pour la première fois depuis dix ans, tiendrait la limite des 3% de déficit public. A ses yeux, c’était un signe de sa crédibilité et de la confiance que [les membres de l’UE] pouvaient lui accorder.”  Un pari en passe d’être perdu.