• "Les Anonymes Anonymes étaient un Association très très secrète". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (CHACUNE DE TES PENSÉES
    EST UN ACTE)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/40)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste


       Chez Maître Pavèse, Angélus confectionne des baumes destinés à calmer sa chair martyrisée..

    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE



    L-apothicaire-reproduction-en-couleur-d-une-gravure-sur-bois-
    de-la-serie-des-metiers-imagerie-Pellerin-milieu-20e-siecle


       Alors commença pour Angélus une période de fiévreuses recherches, agrémentée du fait que Giorgio n’était autre que le jeune homme rencontré à Rodez. Ce dernier ne le reconnut pas. Par contre Angélus avait gardé de lui une impression très vive et il sut, en le revoyant, pourquoi : Giorgio avait une carnation d’ange, une peau à faire pâlir d’envie toutes les jeunes filles de Florence. 

       Le jeune italien était par contre très maladroit. Il se coupait sans cesse en maniant les lamelles et les instruments en verre. Angélus remarqua bien vite qu’il cicatrisait avec une rapidité extraordinaire. Là où d’autres auraient eu une profonde cicatrice, il avait le derme intact, aussi lisse qu’avant. C’était là chose incroyable, tout autant diabolique que ce qui arrivait aux brûlures d’Angélus. 

       Cette semaine-là, Giorgio se fit une entaille au pouce gauche en coupant menu des feuilles d’eucalyptus. Angélus, qui se trouvait à ses côtés, se proposa pour le soigner. Ce qu’il fit avec adresse car il savait non seulement arrêter les hémorragies, mais encore la douleur qui en l’occurrence était très vive. 

       En mettant de l’ordre sur la paillasse et en prenant le scalpel pour le nettoyer, Angélus avisa un morceau de chair collé sur la lame. Il sut aussitôt ce qu’il devait faire. Il isola ce spécimen dans un tube à essai, et lui concocta une mixture de trempage capable de conserver en vie les cellules qui le composaient. A l’heure du repas, il resta seul dans le laboratoire et se livra à un ballet dont lui seul connaissait la chorégraphie. Il parvint à décoller chaque fine couche de cellules, à les différencier et à leur fournir le moyen de se reproduire au plus vite et aux mieux. Il calcula de façon exponentielle qu’en exactement vingt-huit jours, il aurait assez de matière pour greffer sur sa peau abîmée une pellicule de tissus naturels. 

       Angélus passa, malgré cette sensation d’étouffement que ressentaient tous ses membres, une nuit de paix morale totale. Le lendemain, voyant que ses cultures se développaient comme prévu, il demanda à Maître Pavèse d’interrompre son congé pour le remettre à plus tard, quand il aurait pu récolter le fruit de son expérience, qui serait à n’en pas douter une réussite. 

       Exalté par sa prochaine victoire, il inventa coup sur coup trois baumes aux huiles essentielles dont il testa les effets sur l’avant-bras de ses collègues. L’un d’entre eux se retrouva, à cet endroit-là, bronzé comme au plus fort de l’été ; le second avec la peau comme décolorée et Giorgio, le troisième, à jamais imberbe. 

       Maître Pavèse, alerté, pensa immédiatement que ces produits allaient révolutionner la cosmétologie, mais qu’ils risquaient d’attirer plus de plaintes que de compliments, si leurs effets demeuraient permanents. Car il savait combien les clients sont versatiles et les modes changeantes. Angélus promit qu’il allait étudier plus avant la question. 

       Cependant, Giorgio le supplia de lui préparer un pot de cette crème dépilatoire, car il rêvait depuis longtemps de se débarrasser du fin duvet qui recouvrait ses bras et ses jambes. Angélus, qui savait tout ce qu’il lui devrait bientôt, ne se fit pas prier, et le corps de Giorgio n’en fut que plus lisse et délicat, chose à laquelle le commis semblait tenir plus que tout. 

       A la vue du résultat, Angélus, dont la soif du beau et du diaphane n’était pas prête d’être assouvie, trouva sa création digne du plus grand intérêt et les craintes de Maître Pavèse peu justifiées quant à l’accueil qu’en ferait la clientèle florentine. Mais, comme il était son hôte et qu’il l’estimait, il n’insista pas, ayant pour l’instant en tête des pensées plus narcissiques. 

       L’attente fut longue, mais quelle joie après les premiers essais, de constater que les greffons parvenaient à redonner à son épiderme toute sa fraîcheur ! Il demeurait malgré tout sur sa main gauche, désespérément insensible, des plaques plus brillantes que les autres, et sur le visage, une certaine fixité des traits. La partie était cependant presque gagnée. 

       Au bout de quelques mois, il s’en revint à Nice. L’été resplendissait sur la ville. Monsieur Fumel fut enchanté de le revoir et très étonné de la métamorphose : Angélus rayonnait maintenant d’une beauté farouche, les pommettes hautes, les yeux profondément intenses, l’allure distinguée et désinvolte à la fois. Bref, à peine fut-il de retour, que le magasin ne désemplit pas. Toutes les clientes voulaient avoir un conseil de ce jeune homme si brillant qui les subjuguait d’un regard. 

       Le mois d’août fut hélas un calvaire. A plus d’un titre. 

       Tout d’abord, il fut repris par des démangeaisons pour lesquelles ni le soleil ni les bains de mer ne furent efficaces. Au contraire, tous ces traitements aggravèrent le processus et des lambeaux de peaux commencèrent à se flétrir, entraînant une desquamation générale des tissus greffés. 

       Angélus garda la chambre une semaine, n’osant se montrer. Madame Fumel, qui depuis son retour l’entourait de mille prévenances, s’inquiéta devant son refus de voir quiconque. Angélus espérait bien une rémission. Il se recouvrait de lotions, d’emplâtres de toutes sortes mais, cette fois, rien n’y faisait. 

       Sur ce, de fidèles clientes vinrent se plaindre à la boutique : les produits dont elles se servaient régulièrement ne semblaient plus se comporter de la même façon sur leur épiderme où des rougeurs apparaissaient à la moindre application. 

       On crut qu’il s’agissait d’un lot défectueux, mais des courriers de Paris et des quatre coins de France firent écho à ces plaintes : des centaines d’habituées remarquaient avec plus ou moins de véhémence que ce qu’on leur avait vendu leur créait des brûlures, des picotements, voire un début de vieillissement cellulaire. 

       Monsieur Fumel pensa alors que les fortes chaleurs qui sévissaient sur le pays avaient dû faire tourner les produits, et il voulut s’en confier à Angélus. Ce dernier émit quelques réticences à rencontrer son hôte, mais il s’exécuta, non sans avoir fardé son visage et dissimulé toutes les parties visibles de sa peau. 

       - Je vous prie de m’excuser d’interrompre votre repos, d’autant plus que vous me semblez bien mal en point, mais de graves préoccupations m’amènent, commença Monsieur Fumel. 

       Et il lui conta toute l’affaire. Angélus comprit aussitôt qu’il se jouait là quelque chose qui les dépassait tous, quelque chose qui avait à voir avec ce qui lui était arrivé l’année précédente à Fontseranne. Il demanda à analyser des échantillons des crèmes vendues dernièrement, et il y découvrit des molécules parasites fort étranges qu’il isola immédiatement, mais dont il ne put dire comment elles étaient parvenues à se développer, ni d’où elles provenaient. 

       Pour l’instant, il se savait impuissant à lutter contre un tel phénomène. Trop de choses le préoccupaient. Il voyait ses efforts annihilés d’un coup. Un mauvais sort s’acharnait contre lui. Il ne pouvait demeurer à Nice plus longtemps. 



       Le lendemain il embarqua pour l’Amérique, où il pensait trouver des antidotes à ces virus. Monsieur Fumel ne devait plus jamais le revoir, ni commercialiser ses produits car, même en suivant scrupuleusement les formules qu’il lui avait laissées, elles donnaient toutes, désormais, des résultats impropres à l’utilisation. 

    ***
    (A Suivre)

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    (Faucheurs fauchant volontiers
    la tête chenue du Capitalisme mondialisé)

    heinrich-Kley-other-cats-


    AlterSummit : l’autre Europe
     Benoît Borrits

       (...) Station de métro Eirini : ancien stade des Jeux Olympiques d’Athènes de 2004. Le lieu paraît abandonné, l’herbe pousse désormais entre les dalles, souvent cassées. Une grande nef de métal blanc longue de plusieurs centaines de mètres nous conduit au vélodrome, là où se tiennent les différentes réunions de l’AlterSummit.

       L’AlterSummit européen est une initiative d’un nouveau format destiné à présenter une alternative globale aux politiques d’austérité menées en Europe et qui, toutes, mènent à la récession. Alors que les Forums sociaux ne prennent pas de décisions collectives, l’AlterSummit rassemble autour d’un manifeste co-élaboré par diverses organisations syndicales et mouvement sociaux. Et c’est ici que se situe le changement.

       Alors que les syndicats ont plus ou moins déserté le mouvement altermondialiste, de nombreux poids lourds ont signé ce manifeste. La totalité des syndicats britanniques (Trade Union Congress), le syndicat espagnol CCOO, la puissante fédération allemande de la métallurgie IG Metall, la CGIL italienne, la CGTP portugaise et les deux centrales grecques des travailleurs du public (Adedy) et du privé (GSEE). Côté français, la CGT, la FSU ainsi que l’Union syndicale Solidaires côtoyaient les classiques du mouvement altermondialiste tels qu’Attac, l’AITEC ou encore la Marche mondiale des femmes. 

       Cette présence de nombreux syndicats européens dans ce sommet ne serait-elle pas une conséquence de la décision de la Confédération Européenne des Syndicats de rejeter, le 25 janvier 2012 et pour la première fois de son histoire, un traité européen, celui « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’union économique et monétaire » ?

       Le manifeste ? Centré sur la nécessité de mettre fin à l’austérité avant que celle-ci ne détruise la démocratie. Organisé en quatre volets, « En finir avec l’esclavage de la dette », « Pour une Europe écologique et sociale : stop à l’austérité ! », « Des droits pour toutes et tous : non à la précarité et à la pauvreté ! »,« Pour la démocratie économique : les banques au service de l’intérêt général », il aboutit à un catalogue de 17 propositions. Mettre fin aux mémorandums et aux plans d’austérité est la base de départ qui se conjugue avec une fiscalité plus redistributive et la possibilité pour la Banque centrale de prêter aux Etats. 

       La nécessité d’engager une transition écologique et sociale est affirmée conjointement avec l’instauration de salaires minimums dans tous les pays, la reprise des négociations collectives, le droit au logement, l’égalité homme-femme et la protection des migrants. Le contrôle social du secteur bancaire constitue en quelque sorte la clé qui permettra que tout ceci se réalise. Ce manifeste est à la fois un compromis entre les différents signataires, ce qui explique le flou dans certaines propositions, et une avancée réelle en terme d’articulation entre les syndicats et les mouvements sociaux.

       La séance plénière de ce sommet s’est tenue dans la soirée du 7 juin. Outre les diverses prises de parole des syndicats et des comités d’organisation nationaux de l’AlterSummit, celle-ci a permis de faire connaître aux participants internationaux les combats menés en Chalcidique contre les ventes à prix bradé des terres aurifaires et la reprise en autogestion de l’entreprise Vio.Me. de Thessalonique. 

       Une minute de silence a été observée à la mémoire de Clément Méric. Invité par l’AlterSummit à titre personnel – les partis politiques n’ayant pas droit de cité – Alexis Tsipras, président du Synaspismos a clôturé cette séance en expliquant l’importance de forger un mouvement social européen dans l’hypothèse d’une arrivée d’un gouvernement de rupture dans un pays de la taille de la Grèce.

       Au-delà des plénières, trois séries de cinq assemblées thématiques simultanées se sont tenues. A noter une forte présence des dispensaires sociaux de santé auto-organisés et des différentes initiatives grecques pour faire face à l’austérité rassemblées dans un village alternatif. Une manifestation en direction de la Place Syntagma a clôturé cet événement.

       Nous sommes ici très loin du bouillonnement des Forums sociaux où chaque mouvement a la possibilité d’organiser seul ou avec des partenaires son atelier. Est-ce ce qui explique une fréquentation de quelques milliers de personnes, bien moindre que celle des anciens Forums sociaux européens ? L’AlterSummit a eu, quoiqu’il en soit, le mérite de coaliser toute une série de mouvements syndicaux et sociaux pour construire de la politique, démarche novatrice qu’il convient de saluer. (...)



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    (Pauvresse cherchant désespérément le soleil 
    dans son gourbi de 5m2 payé une fortune)


    (blackteeeから)


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    "Depuis que les pauvres ont été chassés de la plage,
    on se sent mieux entre-nous...
    - Ça, vous pouvez le dire, ma grosse dame.
    - Grosse?"


    Illustration by Heinrich Kley, from the series The Family at the Sea Shore


    Services publics : 
    « Fermez tout, ils sont nuls ! »

    Le Yéti

       (...) La fermeture brutale d’ERT, le service public grec de radio et de télévision, a entraîné de drôles de réactions sur les forums. En gros, bon débarras, ils étaient nuls, les Grecs vont enfin pouvoir se nettoyer la tête et réfléchir dans leurs coins. Luigi, un commentateur fidèle de mon blog, abonde dans ce sens. A sa façon...

       « B’soir à tutti,

       Bon, finalement la propagande fonctionne très bien, non ? Les Grecs avec leur moussaka et leurs feuilles de vigne n’ont que ce qu’ils méritent. Et na ! P’feu, que leur gouvernement ferme toutes les télés et radios publiques, c’est normal.

       D’ailleurs chez nous, les socialistes de droite devraient s’en inspirer. Je partage l’avis quasi-général. La télé et la radio, ce n’est plus ce que c’était, alors à quoi bon en avoir encore, c’est sûr. » (...)

       « A ce sujet, il faudrait même pousser l’avantage, supprimer tout ce qui est public, hein, parce que ça ne marche pas terrible : les hôpitaux, EDF, GDF, les écoles, les théâtres... Tiens le Parlement aussi et puis les mairies, les Conseils régionaux, la Poste... Tout, quoi, en un seul paquet.

       On ferait des économies et avec ça on rembourserait la dette en une seule fois. Le FMI, la BCE, la Commission européenne, les agences de notation et les banques nous adresseraient des louanges. On serait les meilleurs du monde, que dis-je, les champions du monde. “We are the champions, we are the champions !”

       Oh excusez-moi, on frappe à ma porte. Non, on défonce ma porte ! Oh merde, on me frappe, on m’empoigne et on m’emmène manu militari. Hé, les gars, j’suis avec vous, déconnez pas ! J’ai tout fait comme vous avez demandé. Je suis d’accord avec vous à 180%, faites pas les cons, bon dieu ! C’est pas bien de relire Brecht. Il était pas un peu grec, ce type-là ? » (...)


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    Benoît Barvin
    « "La Bête trompa la Belle avec la Femme à Barbe". Jacques Damboise in "Pensées inconvénientes"."Cette femme mystérieuse n'avait de mystérieux que l'importance de son compte en banque". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet". »

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