Mardi 28 novembre, vers 21 heures, des membres de Como Senza Frontiere (“Côme sans frontières”), un réseau d’associations d’aide aux migrants, étaient réunis pour une réunion quand une quinzaine de jeunes hommes au crâne rasé et au blouson noir ont interrompu leur discussion. “Une irruption dans le pur style squadriste”, écrit La Repubblica, évoquant les groupes paramilitaires qui ont accompagné la montée du fascisme dans les années 1920.

   Située à la frontière suisse, Côme est particulièrement concernée par la question des routes migratoires, rappelle le journal. Quant aux “squadristes” qui ont fait irruption, il s’agissait de membres de l’organisation d’extrême droite Veneto Fronte Skinhead, un mouvement né en 1986 et qui a été “l’un des premiers à importer en Italie la sous-culture skinhead”. Ils se sont déployés autour de l’équipe et un porte-parole a entrepris de lire un texte réclamant la “fin de l’invasion” des migrants et de ceux qui leur viennent en aide, et dénonçant le “remplacement” du peuple européen. “Vous pouvez maintenant reprendre vos discussions sur la manière de détruire notre patrie et notre ville”, a-t-il conclu, avant de tourner les talons avec sa bande. D’après la police, indique encore La Repubblica, ils seront poursuivis, et certains d’entre eux ont déjà pu être identifiés grâce aux images, enregistrées par une association et largement diffusées. (...)

   (...) Avec leur action, ces skinheads “effraient, mais ne font pas peur”, commente Massimo Gramellini dans le Corriere della Sera. “Ils aimeraient bien, mais ils n’y parviennent pas.” L’éditorialiste trouve “pathétiques” ces “gamins” qui ont l’air de “figurants dans un film de série B”, et dont le porte-parole “lit un texte qui semble écrit par un autre, en butant sur des mots trop grands pour lui”Pour le codirecteur de La Repubblica, en revanche, il ne faut pas s’arrêter à l’amateurisme de ces skinheads, ni au calme apparent de l’assistance : “Ils n’ont pas pour objectif de frapper physiquement, mais d’effrayer les esprits. D’interrompre la vie démocratique du pays en surgissant de nulle part.” Ce qui est en train de se passer rappelle les années 1920, quand on répétait encore qu’il n’y avait aucun danger. Que tout était normal. Qu’il ne s’agissait que de groupes isolés.”

   L’épisode de Côme, estime Tommaso Cerno, est encore plus préoccupant que la situation d’Ostie, où le mouvement néofasciste CasaPound a prospéré sur les décombres d’une politique corrompue et s’acoquine avec des clans mafieux. “Ce qui est inquiétant dans ces images, insiste-t-il, c’est précisément leur normalité. Le conformisme de ce groupe de néonazis qui se sentent pleinement en droit d’agir au grand jour. […] Cette scène est surréaliste, et elle est destinée à se reproduire.”

   “Regardez bien les visages de ces 15 jeunes hommes”, abonde La Stampa. “Il faut bien les regarder, parce qu’ils sont l’avant-garde d’un mouvement qui est en train de s’étendre rapidement, qui se meut et s’articule là où la politique traditionnelle est restée muette.” Pour l’éditorialiste, cette montée de la xénophobie est la même que celle qu’on observe en Hongrie, en Pologne, et ailleurs en Europe, et elle doit nous alerter. Il avertit, à nouveau, en conclusion : “Regardez-les bien”.