“Le nouveau roi Salmane, arrivé sur le trône en janvier dernier, a fait fi de la prudence habituelle des dirigeants saoudiens”, écrit Brian Whitaker, spécialiste du monde arabe, dans le quotidien britannique The Guardian. Le journaliste ajoute que le roi a dépensé sans compter les réserves du royaume, en plus de lancer le pays dans une guerre “impossible à gagner” au Yémen.  

   Par ailleurs, “il a chamboulé l’ordre de succession” [en propulsant notamment son fils Mohammed ben Salmane au poste de vice-prince héritier, malgré son jeune âge et son peu d’expérience”. Ajoutez à cela la bousculade mortelle de La Mecque – dans laquelle plus de 800 personnes sont mortes, le bilan initial de 717 morts ne cesse d’être revu à la hausse – et vous aurez “l’explication des remous qui agitent l’intérieur même de la famille régnante”.

   Un texte a récemment circulé, écrit par quelqu’un qui se présente comme un prince et petit-fils du roi Abdelaziz, fondateur du royaume. Le document suggère au roi Salmane d’abdiquer, “et il semble que [cet] appel ait reçu des soutiens parmi ses pairs. Il dit tout haut ce que des Saoudiens ordinaires ne peuvent que penser tout bas s’ils ne veulent pas finir en prison et se faire flageller”, poursuitThe Guardian.

   Et l’article de pointer l’absence presque totale d’instances de médiation politique et de société civile : “Même une association caritative aura besoin d’attendre des années pour être enregistrée. Il aura fallu dix-sept ans à une association qui s’occupe du diabète pour se faire enregistrer. Il suffit que des médecins ou des comptables souhaitent se réunir pour que le régime devienne nerveux.”

   Pour Brian Whitaker, l’aspect autocratique du régime constitue un problème fondamental. Nul besoin d’en référer à quiconque pour prendre une décision, et il peut arriver au roi Salmane de faire des choix inconsidérés, “ce qui risque d’avoir de lourdes conséquences pour l’avenir du pays”.

   Et de souligner que, pour les Saoudiens, dépenser sans compter est devenu la solution à tous les problèmes. “En 2011, inquiets des soulèvements populaires en Tunisie, en Egypte et en Libye, ils ont distribué 133 milliards de dollars [en embauches dans les forces de l’ordre, augmentations de salaires et construction de logements] pour étouffer l’opposition.” Idem en janvier, quand le nouveau roi a distribué deux mois de salaire aux fonctionnaires pour accompagner son arrivée sur le trône.   

   “Même si les Saoudiens ont les poches encore bien remplies, cela ne pourra pas durer éternellement. En plus, cela leur a désappris à explorer d’autres solutions. Le drame de La Mecque a été un révélateur : des sommes considérables ont été dépensées pour des constructions de prestige, et pour rendre le pèlerinage, en théorie, plus sûr. Mais ce qui a manqué, c’est l’amélioration des méthodes de gestion des foules. Le pays ne peut pas durablement continuer ainsi. Et les Saoudiens le savent de plus en plus”, conclut le Guardian.