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LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/6)
pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste
Dans ses carnets secrets, Soeur Camille de l'Incarnation évoque le pouvoir d'Angélus, son petit frère, pouvoir qui lui vaudra, hélas, le mépris puis la haine de ses congénères...
ANGÉLUS
ou
LES SECRETS DE L’IMPALPABLE
Delacroix
CHAPITRE 2
Le départ de ma soeur au Carmel avait été une grande déchirure que j’avais comblée en m’isolant dans un monde peuplé de délices, de rêveries et de découvertes.
Bien que le curé se soit méfié de moi, (il lui arrivait souvent de se signer lorsqu’il me voyait), j’avais voulu aider au service de la messe et j’y avais mis tant d’onctuosité qu’on finit par m’accepter et que je fis bientôt partie du décor. Cela ne plaisait évidemment pas aux femmes du bourg qui voyaient en moi, onzième enfant et surtout septième garçon de la fratrie, un avatar du Diable. Elles pensaient d’ailleurs que j’avais été cause de la mort de ma mère. Mais elles taisaient leur fiel, se contentant, à mon égard, d’un mutisme méprisant que j’avais fini, en regard, par ne plus remarquer.
Je servais donc la messe tous les dimanches, non pas par un quelconque sentiment religieux mais plutôt pour avoir accès à un monde de douceur et de raffinement où, pendant quelques heures, j’avais le droit de revêtir des vêtements immaculés, pleins de senteurs de myrrhe et d’encens. Là, j’étais dans mon élément. Je pouvais parfaire mon ressenti, expérimenter de nouvelles sensations, comparer les textures faites de la main de l’homme et de celles de la nature environnante.
Je devais alors avoir l’air si angélique, si rayonnant de pureté sous mon aube de dentelle, que le père Grangeais, presque malgré lui, m’avait pris peu à peu en affection. Les apparences trompent toujours les hommes. Il est vrai que mon attitude n’était somme toute guère répréhensible. J’étais délicat et j’aimais les choses raffinées. Je n’étais pas tombé là où il le fallait, voilà tout. Pourtant, grâce à Camille et à ma curiosité galopante, je trouvai toujours de quoi satisfaire mon toucher.
Au début, j’appréciais tous les contrastes existant dans la nature, le brut renforçant le doux, décuplant même sa finesse. Ensuite, je me mis à fuir le contact de ce qui piquait, égratignait, heurtait les sens, aussi bien chez les plantes, les minéraux ou les éléments. Cela m’arriva imperceptiblement.
Une telle aversion pour le rugueux, l’excoriant n’était pourtant pas dans mon caractère. Toute sensation était alors pour moi la bienvenue. Je sais que la dualité me vint avec la haine que tous ces êtres monstrueux avaient pour moi. Très vite, j’ai associé leur laideur, leur peau horrible, squameuse, suintante, à la méchanceté gratuite, à l’absence d’intelligence, à l’insensibilité. Ils étaient le contraire de mon âme.
Bien entendu, à partir du moment où je n’ai plus vu en eux que des monstres, ma condition m’a pesé. Oui, ces êtres trop rustres m’étouffaient, et comme ne manquait pas de le reconnaître l’instituteur, il aurait été préférable que je fréquente un pensionnat afin d’être un peu séparé de la famille Galin et du bourg…
***
Par bonheur, cette idée lancée par le maître d’Angélus, fit son chemin dans la tête du Père Grangeais et un jour, après avoir consulté l’évêché, il se rendit chez les religieuses et demanda à voir Soeur Camille.
- Que diriez-vous si votre plus jeune frère poursuivait ses études chez les Frères d’Aubenac ? Je le sais fragile pour tous les travaux de nos campagnes et votre famille aura bien du mal à le placer comme apprenti ; aussi il sera une charge pour vous tous… à moins qu’il ne fasse des études afin d’accéder à un métier plus adapté à sa personne. Alors il gagnera bien sa vie et pourra aider les siens. Qu’en dites-vous ?
Camille mesura soudain combien elle aurait aimé offrir tout cela à son frère. Sa condition ne le lui permettait pas, aussi en conçut-elle de l’amertume. Elle répondit au curé que ce serait pour Angélus une grande bénédiction mais, qu’hélas, sa famille ne pourrait pas payer le prix de l’internat. Ne voyait-il pas, ce bon Père Grangeais, qu’ils étaient dans la misère ; que les études coûtaient cher ; que Michel, l’aîné, était revenu diminué de la guerre et qu’il ne ramenait que des payes dérisoires, quand il ne dilapidait pas le tout en beuveries à la taverne ; qu’il ne fallait plus compter sur le père, pas plus que sur Joseph marié et déjà nanti de deux enfants ? Il ne restait plus que Pierre et Germaine, mais ce n’était pas ces quelques sous qui allaient permettre de telles dépenses…
Alors le Père Grangeais expliqua à Camille que ses études lui seraient offertes par le diocèse et par le docteur Gagey. La jeune novice fut tellement surprise et touchée qu’elle se jeta aux pieds du prêtre, les larmes aux yeux et le coeur plein de reconnaissance. Camille, après cet élan incontrôlé, s’était bien sûr excusée de ce débordement. Le Père Grangeais, ému et troublé, chercha le ton juste.
- Mon enfant, relevez-vous. Je vous ai connue toute petite ; je sais combien vous êtes intelligente, dévouée et pieuse.
Il lui rappela qu’il la considérait depuis longtemps comme sa fille spirituelle et qu’il avait même appuyé son entrée au couvent, car il la trouvait très méritante. Ce qu’il omit de lui dire, c’est qu’en deux ans, bien malgré lui et dans le secret de son âme, torturée et palpitante, il était devenu sensible au charme troublant de sa protégée.
Soeur Camille accepta cette offre miraculeuse avec joie, d’autant plus que la misère chez les Galin était, comme elle l’avait avoué au prêtre, à son comble. Le père continuait à boire, suivi par le frère aîné. Thérèse, elle, avait trouvé à se marier et de leur union venait de naître une fille dont la laideur promettait de rivaliser avec celle de ses parents.
Angélus, depuis que sa soeur était rentrée au couvent, et bien qu’elle vienne passer tous les dimanches avec eux, avait bien du mal à supporter l’ambiance lourde et sale de la maisonnée.
Aussi, c’est avec soulagement qu’il apprit la nouvelle et qu’il accepta d’entrer, en octobre, comme pensionnaire chez les Frères de Saint François, ce qui ne manqua pas de rendre furieux ses anciens camarades d’infortune qui, eux, n’auraient pas le privilège d’aller paresser sur les bancs de l’école plus longtemps.
Le collège des Frères, depuis quelques années, passait pour un des meilleurs de la région, non seulement pour l’enseignement qui y était dispensé, mais aussi pour la droiture et le sérieux de ses Pères qui, chose rare à l’époque, avaient décidé de faire fi des différences sociales, mettant sur un pied d’égalité tous leurs élèves. Les châtiments corporels n’étaient employés qu’en cas de force majeure et envers les plus récalcitrants.
Cette éducation où la justice semblait avoir sa place, faisait des adeptes parmi ceux pour qui le savoir seul importait, sans distinction de classe apparente. Bien sûr, il arrivait souvent que des parents nantis aient à se plaindre que leurs enfants ne bénéficient pas de régime de faveur, comme c’était le cas dans tous les autres collèges. Ils menaçaient alors les Frères de ne plus verser d’aides à l’institution mais, fort heureusement, la congrégation était riche et pouvait se passer de leurs deniers.
Quant à l’évêque, il avait le Père supérieur en très grande estime et ne souhaitait pas intervenir dans cette lutte entre les bien et les mal-chaussés, trouvant, en son âme et conscience, que ces derniers valaient souvent mieux que les premiers.
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(A suivre)
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"Ils causent tous la même langue de p... tes potes!
- T'exagère, y'en a qui parlent, quand même..."
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"Moi, j'voudrais bien travailler...Mais j'peux plus!Ben merdre alors..."
liberation.fr
Les belles légendes du capitalisme :
Pour être compétitifs, travailler plus,
gagner et se reposer moins
(...) Ce qu'il y a de formidable dans le capitalisme auto régulé, c'est que lorsqu'il provoque des crises économiques monumentales, il peut compter sur un certain nombre de ses séides pour trouver des solutions qui permettront au système de gagner encore quelques années avant ... la prochaine crise.
Néanmoins, diriez-vous il serait fort de café que des banques ou leurs représentants, dont tout le monde connaît la responsabilité dans la crise née en 2008, viennent nous expliquer ce qui est bon pour relancer la machine économique.
Hé bien vous auriez tort, puisque c'est l'un d'eux, en l'occurrence Michel Pébereau, qui s'y colle dans le Magazine Les Enjeux Les Echos du mois de mai 2013 où il nous parle de compétitivité.
Mais diront certains, qui est Michel Pébereau ? Son parcours professionnel est retracé sur le site de EADS. Outre le fait qu'il est administrateur d'un bon nombre de grandes entreprises telles que : Compagnie de Saint-Gobain - Total - EADS - AXA. Il faut ajouter, entre autres : Membre du Comité exécutif de l’Institut de l’entreprise et membre du Conseil exécutif du MEDEF.
Sinon Monsieur Pébereau est essentiellement connu pour son passage remarqué dans le monde bancaire, puisqu'il fut : Président du Conseil d'administration de BNP Paribas entre 2003 et 2011. Ce qui lui vaut aujourd'hui, entre autres, d'être : Président honoraire de BNP Paribas - Président de la fondation BNP Paribas - Membre du Conseil d’administration de BNP Paribas S.A. Suisse et membre du Conseil de surveillance de la Banque marocaine (!) pour le commerce et l’industrie.
Il va s'en dire que Monsieur Pébereau ne peut ignorer que BNP Paribas possédait, en juillet dernier, 360 filiales dans les paradis fiscaux . Ce qui en fait sans nul doute un champion de la compétitivité et de ... l'optimisation fiscale.
Mais ce n'est pas de cela que le Président honoraire de BNP Paribas a souhaité parler dans sa tribune. Extrait de la page 36 : « (...) Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi doit en effet réduire de 20 milliards d'€ le coût du travail. Mais dans les activités où celui-ci resterait encore trop élevé par rapport à nos voisins, ne pourrait-on pas travailler plus longtemps au même salaire, afin de préserver l'emploi et l'investissement ? Par exemple en réduisant le nombre de jours de congés ou en augmentant celui des heures travaillées (...) »
En voilà une idée qu'elle est bonne ! Surtout lorsqu'on sait que cette logique est sans fin. En effet, au jeu de la compétitivité entre pays européens, il se trouvera toujours des endroits où on baissera les salaires, ce qui aura pour effet de faire baisser la compétitivité des autres qui du coup appliqueront le remède du docteur Pébereau.
La seule limite dans l'immédiat étant fixée par une directive européenne qui définit un temps de travail hebdomadaire ne pouvant pas dépasser 48 heures (en moyenne, heures supplémentaires incluses). Néanmoins, sachez que, nous dit Eurogersinformation : « (...)les travailleurs peuvent, par un accord individuel avec leur employeur, renoncer à la limite des 48 heures (...) dans ce cas, la durée maximale d'heures de travail ne peut dépasser 65 heures (...) (jusqu'à la prochaine loi...)»
Si la majorité d'entre nous trouvera particulièrement choquantes les propositions de M. Pébereau, sachez que celui-ci a pourtant de forts arguments à faire valoir : « (...) Il n'en coûterait rien aux finances publiques et celà n'affecterait pas le pouvoir d'achat des intéressés (...)»
D'autant aurait pu ajouter M.Pébereau que la profusion de produits low cost fabriqués dans des pays où les salaires sont encore plus bas pourront satisfaire l'appétit de consommation des salariés qui travailleront plus ... pour le même prix. (...)
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