“Je suis dans l’étrange position de savoir que je suis sur la ‘kill list’, commence le témoignage de Malik Jalal dans The Independent. A quatre reprises, des missiles m’ont pris pour cible. Je suis incroyablement chanceux d’être en vie”.

   Malik Jalal vient du Waziristan, une zone grise du nord-ouest du Pakistan située à la frontière de l’Afghanistan. Il est l’un des chefs du Comité pour la paix dans le Waziristan du Nord. Le but du comité est de préserver la paix en “prévenant toute violence entre les Talibans locaux et les autorités”.  (...)

   (...) Selon ses dires, son nom figure depuis 2011 sur la liste noire de l’armée américaine, la “kill list”. “Je suis conscient que les Américains et leurs alliés pensent que notre comité représente une cellule dangereuse et que nous ne faisons que créer un espace protégeant les Talibans pakistanais. A cela, je réponds : vous avez tort. Vous n’êtes jamais venus au Waziristan, donc comment pourriez-vous le savoir ?” écrit M. Jalal.  (...)

   (...) La situation au Waziristan s’est tendue le 27 mars 2011, le jour d’une attaque de drones meurtrière, comme le rapportait alors The Express Tribune. Dans leur colère, les chefs du comité ont proclamé faire le djihad contre les Etats-Unis. Voici comment le raconte M. Jalal :   Le 27 mars 2011, un missile américain a pris pour cible Jirga, où des chefs locaux – tous des collègues à moi – étaient en train d’essayer de résoudre une dispute locale et rétablir la paix. Quelque 40 civils sont morts ce jour-là, tous innocents […]. Comme d’autres ce jour-là, j’ai dit des choses que je regrette. J’étais en colère et j’ai juré que nous prendrions notre revanche. Mais en réalité, comment pourrions-nous ? Notre véritable frustration est que nous, les anciens de nos villages, sommes impuissants et ne pouvons protéger notre peuple.

   Malik Jalal est allé au Royaume-Uni. Il dit vouloir protéger sa famille, qui est autant que lui en proie aux drones par le simple fait d’être en sa présence. “J’ai décidé que si les Occidentaux voulaient me tuer sans même prendre la peine de venir me parler d’abord, peut-être devrais-je venir moi-même leur parler.” Le 11 avril, il était surBBC Radio 4 pour raconter son histoire. “Je suis venu en Angleterre parce que je pense qu’elle est comme le petit frère des Etats-Unis. Je dis donc à l’Angleterre que les Etats-Unis ne nous écoutent pas, donc dites-leur d’arrêter de tuer les Waziristanais.”  (...)

   (...) Mais face à cette initiative, les réactions sont mitigées. Le Daily Mail, par exemple, se montre sceptique à propos de l’histoire de M. Jilal, mettant en doute le fait “qu’il clame être un homme recherché” et qu’il puisse pourtant “prendre l’avion pour venir au Royaume-Uni […] sans se faire arrêter”. Mais comme le précise The Independent,M. Jalal est représenté par Reprieve, une ONG spécialisée dans la protection légale et le soutien de personnes dans des cas de persécution.  

   Le Daily Mail écrit plus bas que M. Jalal “a été invité au Royaume-Uni par Lord Macdonald, l’ancien directeur des Poursuites criminelles, et M. Jalal a aussi écrit une lettre à la secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Theresa May, et au secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Philip Hammond”.

   L’intéressé, lui, termine son témoignage dans The Independent par l’appel suivant : Posez-moi les questions que vous souhaitez, mais jugez-moi de manière juste – et arrêtez s’il vous plaît de terroriser ma femme et mes enfants. Et retirez-moi de cette ‘kill list’.”