• "Il était gai comme un fonctionnaire qui entend la sonnerie de la sortie des bureaux". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (FAIS EN SORTE QUE TES POCHES TROUÉES
    CONTIENNENT BEAUCOUP DE PIÈCES)

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    (Femme indigène à double plateau
    pour mendier deux fois plus)



    cgi.ebay.fr

    Impérialisme : 
    Le combattre ou en être complice ?
    Jean-Pierre Dubois

       (...) Le combat anticolonialiste n’a jamais fait recette en France. Cela tient sans aucun doute au conditionnement idéologique (...) que la bourgeoisie a su mettre en oeuvre pour convaincre l’opinion du bien-fondé de la constitution et de la conservation d’un empire colonial.

       Cela tient aussi au fait, moins reconnu, que les forces impérialistes - toutes à leurs conquêtes territoriales et désireuses de s’assurer la paix sociale à domicile - ont fait en sorte qu’une fraction non négligeable de la population française bénéficie d’une partie de la rente coloniale. (principe qui prévaut pour tous les colonialismes, voir Rome notamment...)

       Dès la fin du XIXème siècle, Engels observait avec consternation comment la classe ouvrière anglaise s’était ralliée à la politique coloniale de son État. En 1858, il notait que celle-ci s’embourgeoisait de plus en plus et que cela lui semblait « logique » dans la mesure où leur nation exploitait « l’univers entier ». [1] Les ouvriers anglais jouissaient « en toute tranquillité […] du monopole colonial de l’Angleterre et de son monopole sur le marché mondial », ajoutera-t-il, plus tard.

       En 1902, c’est John Atkinson Hobson qui observe que les Etats qui possèdent des colonies peuvent à la fois enrichir leur classe gouvernante et corrompre leurs classes inférieures, « afin qu’elles se tiennent tranquilles ». [2]

       Sur ce point, Lénine est de l’avis d’Hobson qu’il cite dans sa célèbre brochure parue en 1916 [3]. Pour le révolutionnaire russe, l’idéologie de l’impérialisme et la défense de sa politique de domination pénètrent toutes les classes sociales, y compris la classe ouvrière.

       Il écrit : « Le capitalisme a assuré une situation privilégiée à une poignée […] d’Etats particulièrement riches et puissants, qui pillent le monde entier […]. On conçoit que ce gigantesque surprofit […] permette de corrompre les chefs ouvriers et la couche supérieure de l’aristocratie ouvrière. Et les capitalistes des pays avancés la corrompent effectivement : ils la corrompent par mille moyens, directs et indirects, ouverts et camouflés. » Pour parvenir à cette corruption, la bourgeoisie utilise « mille façons » parmi lesquelles les « milliers de sinécures aux dirigeants des coopératives, des syndicats, des chefs parlementaires », note Lénine.

       C’est cette corruption que Hannah Arendt qualifiera, plus tard, de distribution des « miettes du banquet impérialiste ». [4]

       En 1919, le Ier congrès de l’Internationale communiste dénonce la communauté d’intérêts dirigée contre les peuples coloniaux qui enchaîne l’ouvrier européen ou américain à la « patrie » impérialiste.

       En juillet 1920, Lénine revient sur le sujet : « Qu’est-ce qui explique la persistance de ces tendances réformistes en Europe et pourquoi cet opportunisme réformiste est-il plus fort en Europe occidentale que chez nous ? Mais parce que ces pays avancés ont pu bâtir et bâtissent toujours leur culture sur l’exploitation d’un milliard d’opprimés. » [5]

       Commentant les thèses de Lénine, le sociologue brésilien Emir Sader [6] remarque qu’elles permettent d’expliquer comment de larges secteurs de la classe ouvrière des pays capitalistes avancés en sont venus à privilégier les « intérêts nationaux » de leur propre Etat impérialiste au détriment des intérêts des peuples dominés. En quelque sorte, la solidarité nationale a primé sur la solidarité internationale.

       Pour Sader, « la question nationale a croisé le XXème siècle comme une des plus importantes et, en quelque sorte, des plus énigmatiques. Si dans la périphérie elle a assumé le caractère - plus ou moins prononcé - d’anti-impérialisme, de réaction et de résistance à la domination externe, au centre du capitalisme c’est le chauvinisme qui a prédominé ».

       Aujourd’hui, tout comme au temps de leur empire colonial, les Français acceptent très majoritairement les aventures guerrières de leur État en Libye, en Côte d’Ivoire, au Mali, etc. Dans le même temps, les partis de la gauche ont non seulement renoncé à s’y opposer mais le plus souvent font leur les « phrases philanthropiques-humanitaires » [7] censées les justifier.

       Le combat politique et les textes théoriques de Lénine et de ses compagnons n’auraient-ils plus rien à nous apprendre ? (...)

    [1] Engels écrivait à Marx : « […] le prolétariat anglais s’embourgeoise de plus en plus, et il semble bien que cette nation, bourgeoise entre toutes, veuille en arriver à avoir, à côté de sa bourgeoisie, une aristocratie bourgeoise et un prolétariat bourgeois. Evidemment, de la part d’une nation qui exploite l’univers entier c’est, jusqu’à un certain point, logique ».

    [2] John Atkinson Hobson, Impérialism, A Study, 1902.

    [3] Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme.

    [4] Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, L’impérialisme, Ed. Fayard.

    [5] IIème Congrès de l’Internationale communiste.

    [6] Emir Sader est diplômé de l’université de São Paulo (philosophie et science politique). Penseur d’orientation marxiste, il est membre du conseil éditorial du périodique anglais New Left Review. Il a présidé l’association latino-américaine de sociologie (ALAS, 1997-1999) et est un des organisateurs du Forum social mondial.

    [7] Expression utlisée dans une résolution du Ier congrès de l’Internationale communiste : « La question coloniale révéla clairement que la conférence de Berne était à la remorque de ces politiciens libéraux-bourgeois de la colonisation, qui justifient l’exploitation et l’asservissement des colonies par la bourgeoisie impérialiste et cherchent seulement à la masquer par des phrases philanthropiques-humanitaires ». La conférence de Berne en février 1919 était une tentative des partis sociaux-démocrates de faire renaître la Deuxième Internationale.


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    (Dieux parla à la femme
    et la supplia d'être moins nue)

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    "Vous voulez bien être nos ami(e)s?
    - Et nous apporter des bananes, surtout...
    - Tais-toi! Ils vont croire qu'on
    est intéressés..."


    Le bavardage, des primates à Facebook
    Fmariet

       (...) Robin Dunbar, Grooming, Gossip and the Evolution of Language, Cambridge, Harvard University Press, 1996, 230 p., Bibliogr., Index
       
       L'ouvrage de Robin Dunbar, publié dix ans avant le développement des réseaux sociaux, permet de mieux comprendre leur rôle et certaines de leur propriétés et limites

       (...) Le bavardage, terme péjoratif, traité avec condescendance serait en réalité essentiel. D'où le succès des réseaux sociaux numériques qui accordent au bavardage une place primordiale.

       Le langage est d'abord fait pour bavarder, pour se tenir au courant de la vie alentour, des proches, famille élargie, voisins, collègues, amis, etc. On bavarde dès la prime enfance. On bavarde en attendant, on bavarde au bistrot, dans les boutiques, on papotait à la veillée, on papote devant la télé, lors des cérémonies religieuses, au marché, dans la cour de récréation ; bavarder, c'est "rapporter" les toutes petites choses de la vie, parler pour ne rien dire sauf l'essentiel "tu es là, je suis là, voilà ce qui se passe". Le bavardage est tellement fondamental et urgent qu'il s'infiltre partout, même dans les réunions professionnelles, les conférences, les cours. Rien ne résiste à la tentation du bavardage. On "veut dire" ("You see what I mean"...), on répète...

       Racontars et commérages : le bavardage est formé d'énoncés échangés sur le monde qui "nous regarde", des autres qui nous intéressent (l'entre-nous : inter-esse) : qui fait quoi, avec qui ? Qu'est-ce qu'elle / il devient (gestion des stratégies amoureuses et matrimoniales) ? Qui dit du bien / du mal, elle le trompe, tu as vu comment il l'a regardée, tu crois qu'il est gay, etc. ? Que font ses enfants ? Et tout cela à propos des voisins, des collègues, des copains d'avant, des décès et des mariages, des récoltes.

       Pour Robin Dunbar, ce qui fait marcher le monde, le lubrifie en quelque sorte, est ce bavardage continu, sorte de grooming verbal : "it's the tittle-tattle of life that makes the world go round, not the pearls of wisdom that fall from the lips of the Aristotles and the Einsteins" (Ce sont ces petites saveurs de vie qui font le Monde, pas les perles de Sagesse sortant des lèvres d'Aristote ou d'Einstein) . "L'universel reportage" que dénonçait Mallarmé (et qu'illustraient selon lui les journaux) importe donc davantage que "l'absolu". Robin Dunbar réhabilite le bavardage.

       Le bavardage (gossip), interprété comme grooming, est déterminant pour l'entretien de la réputation, la gestion de l'influence (le rôle des invitations, des repas, etc.), de l'image.    Echanges, partages d'information, recommandations, complicité... 

       Les humains évoluent au sein de réseaux sociaux dont la taille maximum est de l'ordre de 150 personnes ("cognitive limit", "Dunbar's Number"). Au-delà, on ne sait plus de qui l'on parle, qui nous parle, ni à qui l'on parle. Que signifie, dans cette optique, 500 amis ou plus sur Facebook ? Tous les amis ne se valent pas (quantilage ?).

       - Le cercle restreint des personnes avec qui l'on a des relations étroites ("people with whom you can simultaneously have a deeply empathic relationship"), les "intimes", compte une quinzaine de personnes. C'est le nombre que l'on obtient si l'on demande à quelqu'un le nombre de personnes dont le décès le / la dévasteraient ; en moyenne, il / elle en cite en moyenne une douzaine (son nom : "the sympathy group").
       - La fréquence des inter-relations au sein d'un groupe varie avec sa taille. Couverture / répétition ?
        - La presse locale peut alimenter ce bavardage avec ses rubriques de faits divers locaux, son état-civil) ; la presse magazine peut aussi étendre le bavardage à des inconnus, des "people" ("intimate strangers"). 

       Si l'évolution du langage va dans le sens de l'optimisation du temps disponible pour les interactions (le grooming original prenant trop de temps), le réseau social avec son bavardage numérique représente-t-il le stade supême du grooming ? Les réseaux sociaux n'inventent pas le social, ils l'industrialisent, réseaux de sociétés qui n'ont plus le temps (cf. "It's complicated. C'est la faute à Facebook" !).

       Comment évoluera le bavardage ? Avec la communication numérisée (omniprésence, photographie et vidéo), le bavardage qui était jusqu'à présent un discours sans trace est désormais enregistré, écrit, réduit en data et metadata, stocké. Sa valeur pour le ciblage publicitaire est incomparable, d'autant que, pour l'instant, cette data est collectée gratuitement.
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    En savoir plus sur 

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    Luc Desle (avec le bref concours de Jacques Damboise)
    « "Il s'enfonça dans la moiteur de la nuit qui frissonna de plaisir". Jacques Damboise in "Pensées inconvénientes"."Ces auréoles sous les bras ne faisaient pas de lui un ange". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet". »

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