• "Il chinait toujours en Mandarin". Jacques Damboise in "Pensées pensées".

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LE VENTRE DE TA MÈRE

    LA TERRE EST LE VENTRE

    DU MONDE)

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    (Que faites-vous le 26 décembre?

    Signé: Le Père Noël)

    http://pencilofdoom.tumblr.com/post/135204198076

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    Généalogie de la terreur

    ou les conduites rationnelles

    de l'extrême

     

    Sociologue, chercheur au CNRS

       Apparus en masse au Liban au début des années 80, les attentats-suicides se sont multipliés jusqu'à devenir le principal phénomène de déstabilisation politique et de violence de masse dans le monde entier. L'objectif principal des ces actes est de terroriser les opinions publiques des populations, gouvernements et nations "ciblés"pour amener leurs dirigeants à réviser en profondeur leurs politiques nationales et internationales.

       Depuis plus de trente ans, chaque année semble marquer un nouveau record d'un phénomène qui apparaît pour l'instant à la fois largement incontrôlable et incompréhensible dans sa dynamique. Les gouvernements semblent en effet incapables d'en prendre la juste mesure ni de proposer décisions et dispositions adéquates pour le contrer efficacement, comme le souligne encore un rapport remarqué du Sénat sur la question *.

       Soulignons un paradoxe dramatique: les attentats-suicides relèvent d'un nouveau champ d'investigation, portant sur des conduites rationnelles, même si, les politiques et les gouvernements continuent encore de les définir comme insolites, incompréhensibles, souvent qualifiées de "barbares"ou de "perverses".

       Or, il faudrait justement prendre le contre-pied de cette manière de voir, afin de mettre l'accent sur les logiques des conduites "extrêmes"pour en proposer une analyse pertinente et basée sur des outils interprétatifs -y compris technologiques- nouveaux. (...)

       (...) La principale nouveauté est que ces acteurs de la terreur (de AL-QAÏDA, par AQMI et jusqu'à DAECH) et ces nouvelles cohortes "insurrectionnelles" ont adopté une vision du "sabotage"et de la destruction des structures de l'Etat qui a fait son aggiornamento à la fois théorique et technologique.

       Ils ont bien étudié les nouvelles formes de la révolte sociale, de l'Intifada au hacking technologique et ont parfaitement compris les avantages d'une communication efficace, appuyée par une structure légère, quasi invisible et en "réseau", comme celle inventée par Al-Qaïda dans les années '90, et depuis adoptée par l'ensemble des acteurs de la terreur et ses ramifications. Car, même s'il n'y a pas de connexion directe et évidente, il existe toutefois des filiations, des imitations, des modus operandi semblables et aussi des inspirations et coopérations informelles, mais néanmoins mutuelles, entre tous ces mouvements au niveau mondial.

       Il y a aussi et surtout le recours massif et très efficace à la notion de "contamination par l'exemple", qui se multiplie à l'infini grâce à Internet et à l'expansion infinie et incontrôlable des réseaux de communications planétaires.

       Il apparaît donc que la stratégie et les moyens attribués par les autorités publiques à la lutte contre cette nouvelle terreur se révèlent inadéquats, tant pour ce qui est des pistes d'investigation qu'au niveau de la communication politique des mesures de prévention et ensuite des résultats des enquêtes.

       Un autre vérité paradoxale: la police, la justice et les "services"utilisent en effet des argumentaires d'un "autre âge", qui n'ont plus rien à voir avec la stratégie politique et les formes organisationnelles des nouveaux groupes insurrectionnels. Ce faisant, les autorités se ridiculisent et se décrédibilisent face à l'opinion publique: il devient alors facile de les accuser de vouloir construire par tous les moyens "l'ennemi intérieur". Un seul exemple suffit: on ne trouve presque plus de caches d'armes ni d'explosifs, mais de plus en plus de livres ou des ordinateurs; plus de tracts sanguinaires, mais des traités très savant expliquant les modalités des nouvelles formes d'engagement et de mobilisation.

       C'est ainsi que les gouvernements se trouvent devant la difficulté suivante: comment justifier l'empilement "désordonné"de lois antiterroristes, qui souvent n'ont plus rien à voir avec l'Etat de droit, comme on leur en fait souvent le reproche dans l'opinion publique? L'ensemble des forces et moyens antiterroristes est aujourd'hui énorme, avec un outillage technique extrêmement élaboré, mais se révèle pourtant souvent inefficace dans la plupart des cas.

       Nous sommes donc confrontés à une nouvelle forme hyper-conflictuelle face à laquelle les pouvoirs publics sont largement peu préparés, trop occupés qu'ils sont à se focaliser sur les "banlieues", les lieux de cultes, les casseurs ou les divers sous-groupes stigmatisés. On assiste à l'émergence d'une nouvelle forme extrême de conflictualité qui fait la jonction entre les rejetons des quartiers et les "enragés"des "religions"ou des mouvements sociaux. C'est dans ce dangereux creuset, d'ambiguïté politique, d'analyses insuffisantes et de bourdes administratives récurrentes, que prend racine ce "terrorisme invisible"qui n'est le fruit ni du hasard, ni d'une contagion spontanée de hordes de "loups solitaires".

       Dans les de 1600 pages du manuel du parfait djihadiste intitulé "Appel à la résistance islamique mondiale", Abou Moussab al-Souri théorise les nouveaux modes d'intervention des terroristes: moins d'attaques d'institutions mais davantage de petits commandos très efficaces et très organisés visant à déstabiliser les sociétés contemporaines et leurs structures économiques et idéologiques.

       Ainsi, les pouvoirs publics semblent désemparés et manifestent une préoccupante absence de compréhension de la complexité sociologique du problème. En France, on ignore encore les principales méthodes d'analyse de ces questions, qui ont permis de circonscrire une grande partie des actes et conflits urbains violents en Europe ou ailleurs. Des stratégies ont été efficaces en Italie comme en Allemagne, aux Pays-Bas comme en Espagne, sous des gouvernements de droite comme de gauche.

       En bref, elles reposent sur trois types d'actions:

    • l'emploi d'outils de simulation et de prévention des conflits et comportements violents;
    • une intervention rapide, ciblée et efficace, pour "infiltrer"et isoler les groupes organisés et leurs "meneurs";
    • une action claire, combinant répression et dissuasion, visant à démanteler les groupes organisés ou quasi-paramilitaires.

       La gravité croissante de la situation devrait appeler pour des actions et des investigations à la fois internationales et pluridisciplinaires pour montrer que les sciences sociales, en particulier la sociologie, la psychologie sociale, l'analyse du discours et la modélisation et même la "simulation"des comportements peuvent contribuer grandement à faire comprendre la logique de ces nouvelles conduites rationnelles de l'extrême.

       Contrairement à une idée reçue, il n'y a pas de relation directe et unilatérale entre religion et les attentats-suicides, même si une partie importante des actes de terreur sont le fait de "believers". Ainsi, par exemple, les "suicide-bombers"du Sri Lanka n'étaient pas religieux, pas plus que les kamikazes japonais de la Seconde guerre mondiale, ou les membres des Brigate Rosse ou de la Rote Armee Fraktion.

       Ils n'étaient pas caractérisés par le "religieux"mais plutôt par la loyauté au groupe, le ressentiment et l'endoctrinement (qu'il soit nationaliste, sectaire ou idéologique). De même, il n'y a pas de relation directe et univoque entre la pauvreté, l'absence d'éducation, et les attentats-suicides. En effet, les membres des Brigate Rosse ou de la Rote Armee Fraktion, ou encore du Hamas et du Hezbollah sont moins pauvres et mieux éduqués que la moyenne, et c'est encore plus vrai des "suicide-bombers".

       C'est ainsi que dans le contexte actuel, on connaît une offre quasi-illimitée de candidats au martyr, comme l'explique de manière très directe Ayman al-Zawahiri, le leader d'Al-Qaïda.

       Il serait temps d'étudier sérieusement et avec, enfin, des moyens appropriés, les conduites rationnelles de la terreur.
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    * Rapport (n° 388) de Jean-Pierre Sueur et alii de la Commission d'enquête sur l'organisation et les de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, avril 2015.

    http://www.huffingtonpost.fr/marco-diani/genealogie-de-la-terreur-_b_8861022.html?utm_hp_ref=france

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    Luc Desle

    « "Ce polyglotte avait plusieurs glottes, ceci expliquant cela". Jacques Damboise in "Pensées peu respectables"."Elle était aussi verte et tueuse qu'une algue se nourrissant de déchets radioactifs". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet". »

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