• "Il avait les idées creuses et la langue chargée". Jacques Damboise in "Pensées à contradiction lente".

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (MILLE MENSONGES

    NE FONT PAS UNE VÉRITÉ)

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    « Le fond de l’affaire de Notre-Dame-des-Landes,

    c’est des gens qui veulent se faire du pognon »

    Entretien avec Françoise Verchère 

       Ce dimanche 26 juin doit se tenir, en Loire-Atlantique, la consultation sur le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Pourtant, ce processus, en apparence respectueux de la parole des citoyens, n’est mis en place que pour les manipuler, explique Françoise Verchère à Reporterre.
     
       Françoise Verchère a été maire de Bouguenais — une ville proche de Nantes — entre 1993 et 2007. Elle est porte-parole du Cédpa (Collectif des élus doutant de la pertinence du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes). Elle vient de publier Notre-Dame-des-Landes, la fabrication d’un mensonge d’État aux éditions Tim Buctu.

       / Reporterre — Es-tu désabusée par ces processus de débats publics et de commissions d’expertise, formellement démocratiques mais qui masquent des décisions déjà prises ?
     
       - Françoise Verchère — Désabusée, oui, sans doute. Quand j’étais maire de Bouguenais, j’ai pratiqué ces procédures. Naïvement, je pensais qu’on faisait quelque chose de bien. On avait une haute opinion de l’intérêt général. Mais je n’avais pas vu les éventuels travers. En revanche, je me souviens d’avoir fait machine arrière en revenant sur une décision publique, d’ailleurs sans pression populaire ni contestation. On avait acheté les terrains pour bétonner un espace et on a failli céder à la demande des grandes surfaces, Ikea, Leclerc... La déclaration d’utilité publique était faite, les expropriations aussi.

       / Tout change avec l’expérience de Notre-Dame-des-Landes : dans ton livre, tu écris « tromperie sur la marchandise »…
     
       - Oui. Là, j’ai pu décortiquer ces processus, d’abord la Commission du débat public en 2003 puis les commissions mises en place par Jean Marc Ayrault en 2013 [après l’échec des expulsions lors de l’opération César]. A ce moment, j’y croyais encore. La désillusion est arrivée en travaillant avec la commission présidée par Alain Richard [1], qui a produit un fort travail d’analyse dans le but de rénover les débats publics, pour finir par une ordonnance décidant de la consultation à Notre-Dame-des-Landes. La rénovation par ordonnance du débat public montre que c’est une démocratie de façade...

       / Est-ce spécifique à Notre-Dame-des-Landes ?
     
       - Il y a un autre exemple avec la déclaration d’utilité publique pour la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, qui a passé outre les avis négatifs de la commission d’enquête en mars 2015 et de la Cour des comptes en octobre 2014. Ce désaveu mène forcément à une impasse, avec des gens révoltés et une mobilisation de la population.Tout est fait pour aboutir au projet décidé à l’avance. Le débat ne porte que sur les modalités de réalisation du projet, surtout pas sur le fait d’en questionner l’utilité. L’illusion démocratique ne s’attache de fait qu’à des petites décisions marginales, l’emplacement d’un équipement modifié de 3 centimètres ou la couleur de la peinture.
     
       Sur la méthode des compensations des dégâts sur l’environnement proposée à Notre-Dame-des-Landes, l’avis défavorable de la commission scientifique nommée par le Premier ministre a abouti à quoi ? À rien. Cet avis, on s’en fout... J’ai déjà connu ça, avec un certain traité constitutionnel européen... Ou quand le Giec [Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat] dit quelque chose sur le climat, ce qui n’empêche pas de continuer comme avant, comme si de rien n’était...

       / Les discours des porteurs de projet et du pouvoir invoquent pourtant l’État de droit et le respect de la légalité. Le maître mot de leur communication, c’est : « Toutes les procédures ont été respectées. »
     
       - Pour que l’État de droit soit respecté, il faut qu’il soit respectable. Or, l’État a une lourde responsabilité dans l’hypocrisie en truquant la vérité des procédures. Il vaudrait mieux qu’on nous dise : « On va faire ça, on va réaliser cet équipement, ce projet, et il n’y a pas à discuter. » Cela aurait au moins le mérite de la clarté.

       / Quel piège ces procédures de débat tendent-elles ?
     
       - Il est très compliqué de dire d’emblée : « Je ne joue pas le jeu. » Une partie de l’opinion publique ne comprend pas qu’on ne veuille pas donner notre avis alors qu’on nous le demande. Si on n’obéit pas et qu’on ne participe pas, on sera taxé d’opposant systématique, ou accusé d’encourager le fait que chacun puisse faire ce qu’il veut, en ne suivant que des intérêts particuliers. Fille d’une institutrice et d’un ouvrier de la sidérurgie, j’ai été élevée dans le respect de l’ordre, de la règle et du travail.
     
       Culturellement, je suis plutôt une obéissante. Mais je fais un cheminement. À vingt ans, j’étais plutôt du côté de Créon, qui applique la loi presque aveuglément. À soixante, mon modèle c’est plutôt Antigone, qui refuse et s’oppose. Après avoir passé toute ma vie d’enseignante et d’élue à rechercher l’intérêt général, je suis aujourd’hui révoltée comme jamais je ne l’ai été.

       / Et pourtant, dans un premier temps, tu as cru à la capacité de te faire entendre…
     
       - Oui, j’ai fait partie des crédules, j’ai pensé que les règles du jeu étaient honnêtes, avant de me rendre compte que les dés sont totalement pipés. Mes amis zadistes me chambrent gentiment en me disant : « Françoise, t’es mignonne, mais qu’est-ce que t’as obtenu avec toutes tes lettres ? »

       / Et quand on joue le jeu, quel est le piège ?
     
       - Au départ, on croit que la procédure a des défauts et qu’il suffira de les signaler pour qu’ils soient corrigés, de bonne foi. Mais rien n’est corrigé parce que ce n’est pas fait pour çà. Quand on produit une contre-expertise, comme sur l’étude des coûts/bénéfices confiée au cabinet néerlandais CEDelft, on nous rétorque que nos experts ne sont pas les bons, ou n’ont pas été payés assez cher et donc que ces éléments n’ont aucune validité. Et l’État n’en tient aucun compte.
     
       Dernièrement, je suis allée rencontrer Christian Leyrit, le président de la Commission nationale du débat public, chargé d’établir une présentation synthétique du projet de Notre-Dame-des-Landes avant la consultation du 26 juin. Je lui ai dit qu’il n’allait pas donner crédit à la thèse comme quoi l’actuel aéroport souffre du survol des avions au-dessus des oiseaux de la réserve naturelle du lac de Grand-Lieu. Que tous les scientifiques sont d’accord pour dire que c’est le contraire, que les avions passent haut et ne gênent pas les oiseaux, et que l’urbanisation qui serait induite par le transfert de l’aéroport menacerait bien plus la réserve naturelle.
     
       Et qu’est-ce que ça a donné dans son rapport ? Il a repris cette prétendue menace avec en commentaire : « Selon certains naturalistes, le survol du lac ne pose pas de problème. » Ça me rend folle de voir utiliser des arguments qui n’en sont pas.

       / La manipulation ne serait donc pas une bavure, mais l’esprit même de ces consultations ?
     
       - La démocratie participative est un alibi. En réalité, le pouvoir ne se partage pas. C’est aussi simple que ça. Au-delà des batailles de chiffres, qui risquent de noyer le poisson, le fond de l’affaire, c’est quoi ? Rien à voir avec des notions d’intérêt général ou d’utilité publique qu’on met en avant. C’est juste l’histoire de gens qui veulent se faire du pognon. Mais l’adversaire se drape dans les mots en se réappropriant ceux de ses opposants. Il nous parle d’aéroport haute qualité environnementale, de transition énergétique ou de bien-être des habitants. Ce genre de retournement a le don de me rendre dingue.

       / Et cette consultation sortie du chapeau de Manuel Valls, c’est dans la même veine ?
     
       - C’est une réponse de Valls à Ségolène Royal, qui prônait une remise à plat du dossier en demandant deux études indépendantes, sur l’exposition au bruit des alentours et sur une comparaison des coûts entre le maintien et le réaménagement de l’actuel aéroport et la construction à Notre-Dame-des-Landes. Si ces études sont menées, elles vont dynamiter les données fournies par la Direction générale de l’aviation civile pour légitimer Notre-Dame-des-Landes. La consultation, c’est l’entourloupe qui arrive pile pour court-circuiter ces études.

       / Ta dénonciation de ces consultations factices ne porte-t-elle pas le risque d’être interprétée comme un refus des formes démocratiques ?
     
       - Au fond, je continue à penser que ça devrait fonctionner. Que les défauts constatés doivent conduire à une analyse rationnelle et qu’on doit trouver des solutions pour les éviter. Mais j’ai de sérieux doutes. J’ai été jacobine en croyant aux vertus de l’égalité, le même enseignement partout dans toute la France, les mêmes droits.
     
       J’ai cru au pouvoir régulateur de l’État. Mais je me rends compte qu’on a les deux défauts à la fois, celui du roi et celui des vassaux. Le technocratisme centralisé et la féodalité. Ce qui donne, dans cette région [Pays de la Loire], une féodalité des réseaux d’élus qui doivent tout à Jean-Marc Ayrault. En gros, il est temps de refaire la révolution...- Propos recueillis par Nicolas de La Casinière

    - Notre-Dame-des-Landes, la fabrication d’un mensonge d’État, par Françoise Verchère,éditions Tim Buctu, 130 p., 10 €.

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    Luc Desle

    « "A ce meeting de politicien à casseroles, on distribuait gratuitement des bouchons d'oreille". Jacques Damboise in "Pensées circonflexes"."Le Maire Michel n'avait rien à voir avec la célèbre et poissarde Mère Michel". Jacques Damboise in "Pensées circonflexes". »

  • Commentaires

    1
    Mardi 28 Juin 2016 à 11:39

    Excellent entretien avec une politicienne honnête. C'est si rare que ça mérite d'être célébré, alléluia.

    Et pis les deux illustrations♥♥♥

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    2
    Mardi 28 Juin 2016 à 11:59

    merci Castor!cool

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