• "Il aimait blaguer avec son cousin ou coussin péteur, je ne me souviens plus bien". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

    ¤¤¤

    Pensées pour nous-mêmes:

    (TU AS LE TEMPS 

    D’ÊTRE MÉCHANT)

    ¤¤¤

    (Quelque chose me disait que le chien de mon

    voisin n'était pas aussi enthousiaste de me voir

    que je le croyais)

    (Source: maddieonthings, via alisa0807)

    ¤¤¤

    deridet.com

    La puce Verichip :

    un progrès majeur pour la traçabilité

    du cheptel humain.

    Interview de Jean-Michel Truong à Libération - 2002

       / Libé : L'implantation de puces sous la peau n'est pas nouvelle. Seulement avec Verichip, on quitte le terrain des artistes pionniers-défricheurs pour celui du marché et de la commercialisation. Pour localiser un enfant, un prisonnier, un malade atteint d'Alzheimer, ou récupérer des données médicales ... Peut-on craindre que sous divers prétextes, on va tous se retrouver "pucés" assez vite (comme nos chiens) ?

       - J.-M. Truong : La puce Verichip constitue un progrès majeur pour la traçabilité du cheptel humain.

       / Cette exigence de traçabilité est ancienne. Elle correspond au besoin antique d’assurer l’intégrité des transactions génétiques et commerciales par l’identification rapide des géniteurs sains et des débiteurs fiables, ou de leurs contraires, les individus à risque. La société y pourvoyait par toutes sortes de marquages : à même la peau (au fer rouge, par tatouage ou scarification…), sur les vêtements  (blasons, insignes, décorations, étoiles jaunes…) ou au moyen d’accessoires (cartes d’identité, bracelets électroniques, etc.) 

       De nos jours, cette exigence ancienne de traçabilité est exacerbée par l’émergence de pressions sociales nouvelles : D’abord, l’idéologie du « zéro défaut » née dans l’industrie s’est étendue à toute la société qui cherche à repérer et écarter les individus défectueux – déviants, réfractaires, querelleurs, malades, tarés ou inaptes.  L’aspiration au « risque zéro » joue dans le même sens, de même que le communautarisme renaissant avec son idéal de « zéro écart à la norme », qui crée un besoin de méthodes fiables d’appariement du pareil au même. Enfin, la perte de confiance résultant de la multiplication des identités virtuelles sur les réseaux plaide en faveur de moyens d’identification sûrs. Le Verichip est un début de réponse à ces pressions nouvelles.

       On voit assez clairement comment son usage se répandra. Ça débute de manière classique, par le prétexte «humanitaire» : la puce, nous dit-on,  permettra aux médecins d’intervenir plus vite en cas de problème. C’est ainsi, notez-le, que commencent toujours toutes les dérives technologiques : voyez le clonage humain, qu’on autorise d’abord à des fins thérapeutiques, sachant très bien qu’on pave ainsi la voie pour d’autres applications, reproductives et pour finir industrielles. 

       Dans un second temps, autour du Verichip ainsi acclimaté, se construiront des systèmes toujours plus nombreux capables d’en tirer des partis toujours plus variés, qui eux-mêmes justifieront qu’on empucelle des couches toujours plus larges de la population. La puce, quant à elle, croîtra en capacité comme en fonctionnalités, notamment par couplage avec des bio-senseurs et bio-effecteurs et avec des systèmes de localisation du type GPS. La firme ADS, qui a développé le Verichip, commercialise déjà un tel gadget, Digital Angel, transmettant à qui veut les entendre vos paramètres biologiques (température, pouls, tension artérielle…) et vos coordonnées topographiques.

       Un jour viendra où l’on ne pourra plus vivre normalement sans Verichip – comme c’est déjà le cas sur Internet sans carte bancaire, ceux qui en sont privés se trouvant exclus de fait du commerce électronique. Ce jour-là, on envisagera sérieusement de l’implanter systématiquement à la naissance. L’empucelage sera alors l’équivalent fonctionnel de la vaccination et symbolique de la circoncision. N’être point puceau sera suspect et se dépuceler, criminel. 

       A quelle cadence se fera l’empucelage de la société ? Cela dépendra de la persistance et de l’accentuation des pressions dont j’ai parlé précédemment, et de l’intensité des résistances et des modes qui se feront jour. Selon qu’être empucelé sera ou non vécu comme fashionable, glamour, branché ou sexy, ça pourra prendre de quelques années à plusieurs décennies : il a suffi de dix ans pour doter de mobiles la quasi-totalité de la population adulte, mais trente ans après son invention, l’usage de la carte de paiement à puce n’est toujours pas généralisé. A cet égard, les médias et les cons joueront un rôle déterminant : rien qu’aux USA, le fabricant fait déjà état de 2000 gamins candidats.

       / Libé : Il y a un sentiment assez désagréable dans le fait de se savoir "taggé", un peu comme si un oeil veillait sur soi à tout moment. Ce serait pas l'avènement de Big Brother ce genre de choses, même si on se sait déjà cybersurveillés (ne serait-ce qu'au passage d'un péage quand on paie avec sa CB)?

       - J.-M. Truong : Il y a là un saut quantique dont on ne mesure pas encore la portée. Avec son Verichip incarné au plus intime de lui-même, l'homme n’est plus seulement porteur d’une carte de crédit, il est carte de crédit. Au moment où, son caddy plein à ras-bord, il franchit le seuil de l’hypermarché, son compte est débité. Plus de caisse, plus de présentation d’un moyen de paiement, plus de vérification d’identité. Il s’accrédite lui-même, il paie de sa personne : c’est l’idéal de la confiance enfin réalisé. Jusqu’ici, chacun de nous avait besoin qu’un tiers – sous les espèces d’un morceau de plastique délivré par une banque – se porte garant de lui, qu’un Dieu se dresse à ses côtés et proclame « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute ma confiance ». Avec le Verichip, je n’ai plus besoin qu’un autre réponde de moi, je n’ai même plus besoin de répondre de moi-même : le petit transpondeur tapi en mon sein répond pour moi et répond de moi.

       Mais en même temps, exactement comme jadis j’étais dénoncé par ma CB en payant au péage, ou par ma carte SIM en téléphonant, avec mon Verichip, je me dénonce moi-même. Je deviens mon propre délateur, en contradiction, notez bien, avec le principe général du droit qui veut que nul ne soit contraint de témoigner contre soi-même. Désormais, Big Brother saura à chaque instant où se trouve chacun de ses administrés. Il connaîtra avec une grande exactitude le nombre de participants à une manifestation, mais aussi leurs numéros de sécurité sociale, leurs casiers judiciaires, leurs comptes en banque. L’œil de Big Brother pèsera sur nous, certes, mais comme un œil intérieur, tel celui qui jusque dans la tombe ne cesse de fixer Caïn. Le Verichip sera devenu le siège électronique de la conscience. 

       / Libé : A quoi correspond cette envie/ ce besoin de perfectionner le corps avec au choix (ou les deux en même temps) la possibilité de le dés"organiser" ou de le rendre plus performant? d'y ajouter des composants qui permettent ce que le corps seul ne permet pas?

       - J.-M. Truong : Il convient de distinguer d’une part le besoin – discutable mais légitime – que je ressens d’améliorer mon propre corps, et d’autre part celui – indiscutablement illégitime – que d’autres éprouvent de le modifier, y compris à mon corps défendant. Avec le Verichip, on se trouve dans ce dernier cas de figure, qui répond, je l’ai dit, au besoin général de traçabilité du cheptel humain. 

       / Libé : Les applications délirantes dont parle Warwick sont-elles envisageables ? On se situe dans le prospectif ou dans l'imaginaire ?

       - J.-M. Truong : Techniquement parlant, ces applications sont tout ce qu’il y a de plus faisable. La technologie à la base du Verichip est parfaitement maîtrisée, je dirai même qu’elle est déjà obsolète. Les nanotechnologies permettront de franchir un pas supplémentaire dans cette direction.  Mais le futur de ce type d’applications réside indubitablement dans les biotechnologies. Après tout, nos cellules sont emplies d’une substance particulièrement apte à mémoriser et traiter des informations, l’ADN. La majeure partie de cette mémoire demeure inexploitée : je pense à l’ADN mitochondrial, notamment. Reste à développer un lecteur-graveur capable d’y inscrire des informations et de les retrouver. Une version CD-RW – réinscriptible – de l’ADN , si vous préférez. Ça ne devrait pas poser de problèmes insurmontables. On disposerait ainsi d’un équivalent non intrusif du Verichip qui, contrairement à celui-ci, pourrait être implanté « à l’insu de notre plein gré ». 

       / Libé : Est-ce que les puces implantées forment la première brique du "successeur" ?

       - J.-M. Truong : J’appelle « Successeur » une forme de vie nouvelle émergeant de ce tissu fait de mémoires et de processeurs massivement interconnectés qu’on appelle le Net, et susceptible de prendre la suite de l’Homme comme réceptacle de la conscience. Dans la mesure où le Verichip est adressable à distance, où il est en mesure de dialoguer avec d'autres machines ou avec d'autres Verichip implantés dans d'autres individus, il constitue bien une extension du réseau du Successeur. Chaque Verichip fait ainsi de son porteur un nœud de plus dans la toile du Successeur : l’instrument d’un instrument, la chose d’une chose inerte.

    Jean-Michel Truong, Totalement inhumaine, Les Empêcheurs de penser en rond, Paris, 2001.

    www.jean-michel-truong.com

    ¤¤¤

    Luc Desle

    « "Il inventa des couches bébés spéciales Belle-Mère". Jacques Damboise in "Pensées ichronoclastes"."Au quotidien, la vie de la Mort était assez répétitive". Jacques Damboise in "Pensées circonstanciées". »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :