Des adolescentes britanniques sont mariées de force et violées par des hommes, dont elles tombent couramment enceintes, pour qu’ils obtiennent des visas, révèle The Times dans une enquête. Devant les faits, le ministère de l’Intérieur “ferme les yeux” en délivrant les papiers, accuse le quotidien britannique. Ces jeunes filles sont souvent envoyées dans d’autres pays (Inde, Pakistan, Émirats arabes unis, Bangladesh…) et reviennent au Royaume-Uni après avoir accouché“parce qu’il est plus facile, pour le ‘père de l’enfant’, de se voir alors délivrer des papiers”. D’après des spécialistes, il y aurait des milliers de victimes en Grande-Bretagne, la grande majorité de ces femmes n’osant pas témoigner.

   Pour empêcher que leurs bourreaux obtiennent leur visa, les jeunes femmes peuvent signer officiellement une “demande de blocage” destinée aux autorités, mais celle-ci doit être rendue publique. Or leur crainte des représailles est si forte qu’elles sont nombreuses à garder le silence devant les faits.

   Et même lorsque ces jeunes victimes osent parler de leur situation, il n’y a aucune assurance qu’elles soient entendues, explique Karma Nirvana, militante pour la défense des victimes de mariages forcés. "C’est un phénomène national. Même quand des fonctionnaires voient qu’il s’agit d’un mariage forcé, ils savent qu’ils ont affaire à la tradition, à une culture ou à une religion. Alors ils ferment les yeux.

   Après six mois d’enquête, The Times révèle ainsi plusieurs défaillances telles que la délivrance d’un visa au cousin d’une adolescente, battue et violée par celui-ci. Ou encore l’aide d’un député travailliste pour l’obtention des papiers d’un homme qui a contraint une jeune fille à l’épouser.

   Pour les associations, les autorités agiraient sciemment de la sorte. En 2017, le ministère de l’Intérieur a traité 88 demandes de visas pour lesquelles il était potentiellement question de mariage forcé. Elles comportaient des éléments tels que des témoignages de femmes concernées ou de leurs proches, des lettres de professionnels émettant des doutes sur certains couples, etc. Près de la moitié des dossiers ont pourtant été approuvés, rapporte le journal.

   “Alors même qu’il a été incité à en faire davantage pour aider les victimes de mariages forcés, le ministère de l’Intérieur a choisi l’immobilisme et a mis les victimes en danger”, s’insurge dans les colonnes du Times Yvette Cooper, présidente du Comité restreint des affaires intérieures.

   Derrière cette cécité se cacherait la crainte, pour les pouvoirs publics, d’être accusés de xénophobie, comme le montre l’enquête du Sunday Times que nous publiions déjà en 2016.