• "Elle lui offrit son coeur trop tard, il était devenu végétarien". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

    µµµ
    Pensées pour nous-mêmes:

    (AIMES-TU VRAIMENT LE BONHEUR?)

    µµµ

    "Au secours!
    Je suis poursuivie par le Mangeur de Rêves!"



    µµµ

    (Le dialogue social vu par le MEDEF)



    Omerta chez Radiall,
    l’entreprise de Pierre Gattaz

    Camille Cruz et Apolline Henry

       (...) Quand on passe sur la Nationale 10, impossible de manquer l’entreprise Radiall. Avec ses grands bâtiments métallisés qui éblouissent au soleil, son logo géant et ses grillages bleu et blanc, la firme est l'une des plus importantes du parc industriel nord de Château-Renault. Ce leader mondial de la conception de connecteurs électroniques possède trois autres sites en France, emploie quelques 2 500 salariés à travers le monde, et est dirigé par un patron nationalement connu : Pierre Gattaz, le président du Medef. En décembre 2012, François Hollande, fraîchement élu, en avait fait un symbole de l’innovation made in France. 

       Autant de bonnes raisons de nous intéresser à l'entreprise. Au début du mois de février, un premier rendez-vous est donc fixé avec Bernard Garnier, le DRH du site de Château-Renault. Trois cent salariés, des commandes livrées à Airbus ou Bombardier, des ouvriers qui, en moyenne, restent jusqu'à quatorze ans au sein de Radiall, pas de licenciements depuis 2009... « Le climat social est sain », conclut fièrement le DRH.

       L'expression fait doucement rire Julien Foucreau et Nicolas Delclaud, deux représentants du personnel, rencontrés le même jour. A l'intérieur du petit local qui leur est réservé, ils racontent leurs difficultés à se faire entendre. « On est un peu vus comme des parias par la direction », commence l'un. « Le plus urgent pour nous, c'est de réussir à dialoguer », insiste l'autre. Les deux hommes regrettent de ne pas recevoir plus d'informations de la part de la direction, surtout lorsque les salariés sont les premiers concernés. Ce fut le cas lors de la mise en place du lean, une nouvelle organisation du travail, qui promet de réduire les coûts et d’améliorer la productivité de l'entreprise. Personne, du côté du personnel, ne se rappelle vraiment de son apparition. Il y a trois ans ? Cinq ? Dix ? « C'est arrivé sans qu'on s'en rende compte », lâche finalement Julien Foucreau, délégué syndical SUD à Château-Renault. Observation des salariés, chronométrage d’un atelier, puis cartographie d'un autre... Le lean s'est installé pas à pas.

      (...) En 2012, le conseil de surveillance de Radiall, réuni à Château-Renault, prévoit de présenter le lean à ses actionnaires. Autour de la table, la famille Gattaz, du père au fils en passant par les cousins, quelques hauts placés de la firme et quatre représentants du personnel. Alors que la réunion débute, Pierre Gattaz se lève pour inviter ces derniers à quitter la salle. « J’ai cru que c’était une blague », se rappelle Pascal Bonnardel, suppléant du représentant du site de Voreppe (Isère). Laurent Maunier, responsable de mission à Secafi, un cabinet de conseil aux comités d'entreprise, a son explication. « En général, le lean est mal perçu par les syndicats, analyse-t-il. Alors les directions évitent de discuter du sujet ouvertement. » Dans l'entreprise de Pierre Gattaz, qui s'est pourtant érigé en «fervent partisan du dialogue social » (Le Figaro, mai 2013), la présentation du lean s’est donc faite sans le personnel. 

       Et sur son fonctionnement, c’est l’omerta. Malgré 27 coups de téléphone et une dizaine de mails, José Fonseca, le directeur du site de Château-Renault, est resté injoignable. Après nous avoir reçu une première fois en février, le DRH, Bernard Garnier, s’est lui aussi volatilisé, éternellement en rendez-vous ou en pause déjeuner. « Si vous avez pu le rencontrer la première fois, c'est uniquement parce que le directeur était en vacances à ce moment-là », rient amèrement les délégués du personnel. (...)

       (...)  La direction refusant désormais notre venue dans l'entreprise, c'est dans un bistrot que Nicolas Delclaud et Julien Foucreau racontent son application dans les ateliers de Radiall. A Château-Renault, les stocks ont d’abord été bannis de l'entreprise. « Il faut répondre à la commande tout de suite », témoignent les deux représentants du personnel. Autre changement :« Maintenant, chacun est caché derrière sa machine. Et les discussions, c'est seulement professionnel, déplore Julien Foucreau. Le but, c'est d'éviter à l'ouvrier tous les temps morts. » Normal, puisque le terme lean, venu du Japon et des usines Toyota dans les années 1980, signifie « dégraissage ». A Radiall, les ouvriers travaillent désormais avec des lampes colorées au-dessus de leur machine. En vert, tout va bien. Mais lorsqu'un retard se fait sentir, la lumière passe au rouge, il faut accélérer la cadence. Pour être plus productifs, les salariés doivent tenir le rythme. 

       «L'une des conséquences du lean est l'intensification du travail, analyse Laurent Maunier, ergonome de formation. Donc qui dit produire plus dit faire plus de gestes, plus de mouvements, plus de sollicitation physique. » Conséquence : une augmentation des troubles musculo-squelettiques, comme les tendinites. Le mal n'est pas seulement physique. « On sent parfois les personnes moins investies, une sorte de ras-le-bol », témoigne Julien Foucreau. « Le lean parcellise le travail, donc les tâches deviennent de plus en plus simples, souligne Laurent Maunier. Les salariés ne trouvent plus d'intérêt, de motivation, dans la réalisation de leur travail. »

       La réalité semble bien loin de la démarche lean imaginée au Japon afin d’améliorer le bien-être des salariés et de favoriser leur implication dans les décisions de l'entreprise. « Le dialogue invoqué tourne au monologue centré sur le seul chiffre de la productivité », déplorait Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers), dans Le Monde, en mars 2014. «Je crois au lean management, qui repose sur le facteur humain et qui amène chacun à être meilleur dans ce qu'il fait, à contribuer à la réussite de l'entreprise », déclarait pourtant Pierre Gattaz en avril 2013. Mais ici, à Château-Renault, pas moyen de discuter de ce fameux lean censé doper les performances et le moral des salariés. Pour notre dernière tentative de dialogue nous avons appelé directement le siège du Medef : nouvel échec. 

       Une chose est sûre : le lean permet de dégager d'importants gains de productivité dans les entreprises où il est appliqué, jusqu'à plus de 30 % selon Laurent Maunier. A Radiall, le chiffre d'affaires n'a cessé de gonfler ces dernières années, s'élevant à plus de 235 millions d'euros en 2013. « Le lean, c’est juste fait pour répondre aux objectifs de la direction, résume Julien Foucreau. Plusieurs salariés nous ont dit "On s’est fait avoir". » (...)

       (...) Pas facile de recueillir le témoignage des principaux intéressés à Château-Renault. «Les salariés ont peur pour leur emploi, avoue Nicolas Delclaud. Si vous voulez les voir, il faudra les attendre à la fin de la journée sur le parking de l'usine. Le point de repère, c'est un buisson. Derrière, il n'y a plus de caméra de surveillance. » Derrière le buisson, quelques salariées seulement ont accepté de nous parler. Deux minutes, pas plus. « On ne sait pas trop si on a le droit », commencent par dire deux ouvrières. Elles refusent de donner leur nom : « Ça pourrait avoir des retombées ». 

       Le lean, elles ne connaissent pas, mais les changements de conditions de travail, elles les ont bien constatés : division des tâches, déplacements plus fréquents, tables de travail plus petites… « Nous, les ouvriers, on est les premiers concernés, mais personne ne nous a demandé notre avis », critiquent-elles. « On ne nous écoute pas », enchérit une autre, anonyme elle aussi.

       En décembre 2013, sans doute pour se faire enfin entendre, près de 200 salariés du site de Château-Renault, selon le syndicat SUD, ont cessé le travail pour protester contre des augmentations de salaire jugées insuffisantes. Un débrayage qui n’a duré qu’une heure et demie, mais qui a pourtant porté ses fruits : la direction a promis une nouvelle négociation salariale au printemps 2014 et quinze embauches. Et en cette fin avril, dans le cadre de la Semaine de l’industrie, Radiall vient d’entrouvrir ses portes à Pôle Emploi. Mais nous n'avons pas été invitées.


    µµµ

    (Fervente démocrate cherchant à pactiser
    avec un membre du Parti Extrême)



    µµµ
    Benoît Barvin
    « "Ce cancre las resta toute sa vie tapi dans un coin de sa chambre". Jacques Damboise in "Pensées contingentes"."Il faisait l'amour comme une bête, ce loup-garou". Jacques Damboise in "Pensées inconvénientes". »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :