Les dommages-intérêts payés à un ex-détenu de Guantánamo ont-ils servi à financer le terrorisme ? C’est la question qui préoccupe les Britanniques, depuis que Jamal Al-Harith, un Britannique libéré du centre de détention sis à Cuba en 2004, a commis un attentat suicide à Mossoul le 20 février. L’auteur a annoncé agir au nom de Daech.

   Ronald Fiddler, de son vrai nom, né à Manchester dans une famille de Jamaïcains, s’était converti à l’islam dans les années 1990. En 2010, il aurait obtenu du gouvernement britannique une compensation financière de quelque 1 million de livres [1,18 million d’euros] pour avoir été retenu pendant trois ans à Guantánamo sans avoir jamais été inculpé, rapporte The Daily Telegraph.

   Sa femme, Shukee Begum, interviewée à la télévision, estime qu’“une partie de la somme a servi en effet à financer ses activités terroristes et son voyage en Syrie”. Elle avance par ailleurs qu’il s’était radicalisé en 2013. En 2014, Al-Harith s’est rendu en Syrie, d’où il aurait passé la frontière irakienne.

   Al-Harith n’est pas le seul à avoir touché des dédommagements : seize autres anciens détenus britanniques de Guantánamo auraient obtenu au total près de 17 millions de livres [près de 20 millions d’euros]. Le ministre de la sécurité britannique Ben Wallace a ordonné une enquête pour vérifier que les bénéficiaires n’aient pas utilisé ces sommes à des fins terroristes, précise le Telegraph. (...)

   (...) Le quotidien appelle le gouvernement à “surveiller de plus près ceux qui sont soupçonnés de terrorisme” et mettre en place “des contrôles adéquats à leur sortie du pays”.

   Selon le journal, les services de renseignements auraient établi lors son arrestation en 2001 en Afghanistan qu’Al-Harith était “affilié” à Al-Qaida et qu’il avait été impliqué dans une attaque contre les États-Unis. Une thèse qui avait pourtant été contredite par le directeur de Guantánamo à sa libération en 2004, précise The Times.

   Selon The Daily Telegraph, le gouvernement “n’avait d’autre choix que d’indemniser” Al-Harith parce que son jugement “aurait nécessité la divulgation de renseignements secrets, ce qui aurait nui à la lutte plus globale contre le terrorisme”. (...)

   (...) “Cette argumentation n’est pas convaincante”, rétorque The Guardian, puisque la loi a été changée en 2010 pour éviter ce type de divulgation quand la sécurité nationale est en jeu. Al-Harith n’a pas été jugé, parce que le gouvernement voulait sans doute “éviter des révélations embarrassantes montrant que [l’exécutif] était au courant de cette situation et a laissé torturer un de ses propres ressortissants”.

   Quoi qu’il en soit, l’ex-détenu “aurait dû être surveillé depuis sa libération”, considèreThe Times. Le cas d’Al-Harith pourrait bien être “un mauvais présage pour l’avenir”, craint le journal : Alors que l’étau se resserre autour de Daech à Mossoul et à Raqqa, de nombreux djihadistes britanniques – sur un total de quelque 400 – voudront peut-être rentrer [au Royaume-Uni]. Parmi les revenants, certains voudront se venger pour la chute du califat […]. Notre pays se doit d’être vigilant face à cette menace imminente.”