• "Cet homme sans pied avait peur pour le lendemain". Jacques Damboise in "Pensées hyper subtiles".

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (HABITE TES RÊVES)

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     (Djizus aimait un peu trop les enfants)

    "Cet homme sans pied avait peur pour le lendemain". Jacques Damboise in "Pensées hyper subtiles".

     https://johnnythehorsepart2.tumblr.com/post/145800052570

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    "Toi aussi profite du RSA pour avoir une vie de nabab!"

    pin-up-art-stuff:

    Ruth Deckard

    J'AI PERDU MON DROIT AU RSA

    POUR AVOIR VOULU ME RÉINSÉRER

       TÉMOIGNAGE – Alors que nous étions sur le point de boucler notre enquête sur la politique départementale visant à appliquer le principe de réciprocité à chaque bénéficiaire d’aide sociale – en particulier du revenu de solidarité active (RSA) –, nous avons reçu par mail un témoignage très complet et documenté d’une ancienne allocataire. Intitulé “Formation professionnelle et RSA, ou quand on perd toute aide sociale de bonne foi”, ce texte est ici reproduit dans son intégralité.      

       Témoignage d’une ancienne allocataire du RSA en Isère, aujourd’hui sans aide sociale pour avoir voulu se réinsérer en reprenant une formation. Je suis sans ressources car j’ai perdu mon droit au RSA, pour la raison que j’ai voulu me réinsérer… Après plus d’un an de “non-RSA”, je souhaite vous apporter mon témoignage et mes réflexions sur ce système. Je profite de la parution de l’article « Sortir du RSA » publié dans Isère Mag de mai, auquel je souhaite réagir. C’est même un “droit de réponse”, car cet article discrédite les bénéficiaires, en laissant sous-entendre qu’ils n’agissent pas pour se réinsérer.  

       Il faut dénoncer l’écart entre les annonces officielles des autorités, collectivités territoriales ou État, leur semblant de préoccupation envers un public soi-disant fainéant qui ne le mérite pas, et ce qui se passe en réalité, une hiérarchie verticale qui se passe par des courriers où l’administration décide et les pauvres subissent.      

       1) Le RSA ne permet pas de sortir de la pauvreté    

       La formation des pauvres est valorisée dans les médias, considérée comme un « tremplin » vers le retour à l’emploi. Les gouvernants parlent régulièrement de « financement de formation » des chômeurs, mais ne parlent jamais du financement de la vie de ces chômeurs, logement, nourriture, etc. En effet, le RSA n’est pas accordé aux personnes en formation[1]. La raison est simple : le RSA étant attribué aux personnes disponibles pour un emploi, une personne en formation ne peut pas être disponible pour un emploi, donc elle ne peut bénéficier du RSA.  

       D’autres répercussions existent : le statut d’étudiant est conservé jusqu’au 30 septembre ; le droit au RSA n’est ouvert qu’à partir d’octobre[1]. Par ailleurs, les étudiants qui cessent leurs études en cours d’année et qui sollicitent le RSA doivent s’engager à ne pas reprendre d’étude l’année suivante. En Isère, une dérogation peut être demandée au Conseil départemental pour les « élèves, étudiants ou stagiaires », c’est-à-dire une formation de tout type et toute durée[1].  

       Avoir le RSA avec ce statut implique la suspension du RSA dès le début de la formation en attendant l’accord du Conseil départemental, ainsi que l’engagement obligatoire de rechercher une activité rémunérée en parallèle des études. En Isère, la dérogation semble être rarement accordée, d’après mon assistante sociale du CCAS de Grenoble. Ainsi, vouloir faire une formation en étant bénéficiaire du RSA est complexe, aléatoire, risqué et contraignant.   Le dispositif RSA a pour objectif d’ « encourager l’exercice ou le retour à une activité professionnelle »[2].

       Il fait tout pour sortir le plus rapidement possible les bénéficiaires du dispositif, en encourageant financièrement l’emploi même précaire (à temps partiel, court, non qualifié). Mais il s’agit de mesures à court terme. Le dispositif RSA, en ne permettant pas la formation, n’augmente pas les compétences des chômeurs et ne les fait pas sortir de la spirale des emplois précaires ; et donc, à long terme, sortir de la pauvreté.  

       Il y a un réel fossé avec les bénéficiaires de l’allocation de retour à l’emploi de Pôle emploi, qui se voient prolonger leur allocation[3] le temps de la formation. Paradoxalement, plus un chômeur est éloigné de l’emploi, moins il a d’aide pour être formé.      

       2) Les bénéficiaires du RSA seraient des assistés et des fraudeurs ?    

       « Le Département souhaite aussi s’assurer que tous les allocataires signent le contrat d’engagement réciproque les engageant à rechercher du travail ou une formation. En Isère, le taux de contractualisation est de 28 %. il est pourtant obligatoire. Le Département va soumettre l’ensemble des allocataires au respect de cette règle, avec des contrôles pouvant entraîner la suspension du RSA. »   Cet extrait de l’article laisse à penser que la signature du « contrat d’engagement réciproque », où le bénéficiaire indique ses engagements d’actions de réinsertion, n’est pas réalisée par une majorité des bénéficiaires. Faisant d’eux des fraudeurs ou des paresseux ? En réalité, ce n’est pas le bénéficiaire qui décide du moment où le Conseil départemental va le contacter…

       Il est convoqué à une réunion de groupe, où il présente son parcours et ses souhaits de parcours, puis une commission décide de son parcours et le convoque de nouveau pour la signature du contrat avec l’organisme de suivi.   A Vienne en 2014, j’ai dû attendre neuf mois de RSA pour être admise à cette réunion de groupe ; c’était plus d’un an pour d’autres participants à cette réunion ! J’avais déjà fait les démarches pour réaliser un contrat de professionnalisation, que je signais avant que le Conseil départemental m’annonce la décision d’orientation.  

       Ironie du sort, je pense que le fait de ne pas être suivie officiellement m’a empêchée ensuite de pouvoir demander légitimement une aide. Il faut la “bénédiction” du Conseil départemental pour être aidé à se sortir du RSA. Comme j’ai moi-même choisi ma voie pour sortir du chômage, sans les attendre, je suis sortie du système et ai perdu ensuite tout droit d’aide…      

       3) Mon témoignage : dilemme entre survivre financièrement et sortir de la misère    

       En 2014, après deux ans de chômage, dont un an au RSA, une formation me semble nécessaire. En septembre 2014, j’entame une licence professionnelle en informatique et statistiques à l’Université de Grenoble. C’est un choix sensé car le diplôme a un fort taux de recrutement : en avril 2016, la totalité de la promotion 2014-2015 avait un emploi dans les domaines concernés, dont plusieurs en CDI[4].   Pour avoir un statut de salariée et un salaire, je réalise ce diplôme en alternance en entreprise (contrat de professionnalisation). Après quelques mois, une raison de santé ne me permet plus de travailler à temps plein, ce qui m’oblige à rompre mon contrat salarié.

       Les responsables de la licence m’autorisent à continuer la formation, sur deux ans en raison de ma santé, avec le statut d’étudiante handicapée. Du fait de problèmes administratifs[5], je n’ai su qu’en fin d’année universitaire que je n’avais plus droit à aucune aide sociale. Un recours auprès du Conseil départemental n’a eu aucun effet. Du fait encore de problèmes administratifs, j’ai tardé à faire la demande de dérogation pour l’année 2015-2016 et le Conseil départemental me l’a refusée.

       Visiblement, vouloir refaire une formation professionnelle de 40 heures/semaine après deux ans de chômage n’est pas une raison qui mérite le maintien des minima sociaux, pour le Conseil départemental de l’Isère. Je savais qu’une formation m’était nécessaire. J’ai donc choisi de la poursuivre quand même…   Abandonnée par l’État et son système d’aides, je me suis retrouvée dans un no man’s land entre la case des bénéficiaires du RSA et celle des SDF et des réfugiés, un endroit où il n’y a rien.

       Je vivote avec la moitié du seuil de pauvreté par des emprunts à mes parents, j’ai mendié des dons d’urgence qui se sont vite réduits, je suis allée aux Restos du cœur quand j’avais le temps, mais il est difficile de concilier vie active et gestion de sa pauvreté…   Heureusement, j’ai depuis fin avril une rémunération de stage. Alors que mon entourage approuve et même admire mon choix de reprendre une formation professionnelle, l’État me méprise, avec une considération inférieure aux « assistés » au RSA ; voire aux criminels incarcérés, puisque le RSA est perçu deux mois en début de peine de prison…

       Dans les formulaires RSA, il existe une case à cocher « Aucune ressource », mais plus pour toutes les autres démarches. Car toute personne qui n’a pas de ressources peut bénéficier du RSA. Donc tout le monde a des ressources, en quelque sorte. Logique…   Pour l’administration française, il est impensable d’être sans ressources, cela “gêne”.

       D’où des situations ubuesques. Comme l’employée administrative qui est gênée car le Fond de solidarité logement[6] du même Conseil départemental n’est pas attribué aux personnes sans ressources (!), et qui décide d’inscrire une ressource “fantôme” que je n’ai pas encore (rémunération de stage) pour que je puisse être aidée…   Dois-je vous parler aussi du mépris qui accompagne chaque demande, chaque appel au secours ? L’employé d’administration qui vous prend de haut – quand vous, désespérée, venez spontanément demander de l’aide –, parce que « ça ne se passe pas comme ça, Madame ».

       Il faut prendre rendez-vous avec son assistante sociale, alors que le délai d’attente est d’un mois et demi… Du mépris glacé aussi à l’échelon ultime de l’aide sociale, l’aide alimentaire, là où finissent ceux qui n’ont parfois plus qu’eux-mêmes. Accepter sans broncher de se nourrir de sous-marques insipides et des rebuts des supermarchés…  

          Si « chaque année […] un tiers des allocataires sort du RSA pour reprendre un travail ou une formation » seulement et que « près de quatre [bénéficiaires] sur dix restent dans le dispositif plus de quatre ans », le Département et l’État devraient penser à revoir le système du RSA, à l’époque où presque 5 % des Isérois le touchent.   En France, on en est encore à se demander si les pauvres méritent qu’on leur donne de l’argent gratuitement ou s’il faut les obliger à faire du bénévolat ; le département de l’Isère a encouragé le bénévolat.

       Alors que la Finlande a mis en place le revenu universel, qui permettra à tous ses citoyens, sans distinction, de toucher de quoi vivre, quels que soient ses choix de vie, comme par exemple… le choix de reprendre une formation ?  

       ***  

       ➔ Les personnes qui souhaitent entrer en contact avec l’auteure de ce témoignage peuvent joindre la rédaction qui transmettra.    

       [1] P 60-61 Règlement technique du RSA 2012, Conseil départemental de l’Isère

       [2] Loi n°2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

       [3] Qui peut aller jusqu’à 6000 euros, soit 12 RSA !

       [4] Sur quatorze étudiants, excepté deux qui ont poursuivi des études.

       [5] Il a fallu six mois à ma caisse (MSA), pour m’avertir de la suppression du droit au RSA, avec les conséquences d’organisation que cela implique. De même, elle a mis huit mois pour transférer mon dossier à la Caf Isère. Je n’ai pu envoyer ma demande de dérogation de RSA pour l’année 2015-2016 qu’après le début de l’année universitaire, ce qui a réduit mes chances d’obtenir la dérogation.

       [6] Aide au paiement de facture de chauffage, énergie, loyers, etc.

    Source : article “J'ai perdu mon droit au RSA pour avoir voulu me réinsérer” | Place Gre'net - Place Gre'net

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    Luc Desle

    « "Cette Blonde aimait manger des escargots car il n'y a pas d'os dedans". Jacques Damboise in "Pensées circonspectes". »

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