Le PDG de Ryanair Michael O’Leary l’avait dit et répété : “Ce n’est pas demain la veille que je reconnaîtrai les syndicats.” “Nous devons donc être le lendemain de ce jour-là”se gausse The Guardian, quelques heures après l’annonce de la reconnaissance à venir des syndicats de pilotes par la compagnie aérienne low cost, vendredi 15 décembre, puis des syndicats du Personnel navigant commercial (PNC), mardi 19 décembre. Afin d’éviter une grève des pilotes ce mercredi, à quelques jours de Noël, l’homme fort de Ryanair a renié une partie de ses principes et du “business model” sur lequel repose l’entreprise : la non-syndicalisation des employés.

   La décision est une réelle “surprise”, comme l’écrit le Daily Telegraph, alors que la direction devait rencontrer pour la toute première fois l’Association des pilotes de ligne irlandais (IALPA) mardi. “Faire en sorte que les passagers restent d’humeur festive est plus important pour la compagnie aérienne que la somme d’1,5 milliard d’euros”, analyse le Financial Times, en référence à la valeur perdue par l’entreprise depuis cette annonce. Pour le journal économique britannique, Ryanair a retenu la leçon du désastre intervenu en septembre lorsque 700 000 réservations avaient été annulées, faute de pilotes pour assurer les liaisons. Et fait preuve de pragmatisme. (...)

   À la veille de la reconnaissance des syndicats, relate The Irish Times, un analyste influent affirmait pourtant avec certitude que la compagnie n’accepterait jamais de négocier avec de telles organisations, de peur que les revendications entraînent une hausse des coûts des billets et une érosion des bénéfices. “Une fois de plus, le patron lunatique de Ryanair a pris tout le monde de court, notamment ses rivaux, pour avoir de nouveau l’avantage”, renchérit le quotidien dublinois.

   Que ce soit clair : la concession de Ryanair n’est aucunement une capitulationCette reconnaissance dépend de la création, par les syndicats, de comités spécifiques aux pilotes de Ryanair, afin de se pencher uniquement sur les questions qui concernent Ryanair. L’hostilité de la compagnie aérienne vis-à-vis d’une représentation plus globale des pilotes – précisément ceux qui sont susceptibles de travailler pour la concurrence – reste tout aussi vive.(...)

   Reste que la victoire obtenue par les pilotes et les PNC n’est pas anodine. “La décision de Ryanair de reconnaître les syndicats de pilotes à la mi-décembre n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. En Espagne, il est déjà prévu que les bagagistes ouvrent des pourparlers avec la compagnie”affirme le Irish Independent“Pourtant, trouver une entente avec les syndicats qui représentent le PNC risque d’être bien plus difficile que de s’accorder avec les pilotes, relativement bien payés. Ryanair a ouvert la boîte de Pandore.”

   Et The Guardian de conclure, avec un brin d’ironie : Quelle est la solution si moderne choisie par la compagnie pour se tirer d’affaire? Le syndicalisme, les délégations de personnel et la négociation collective. À l’ancienne. MichaelO’Leary s’est mis en position de sécurité pour amortir le choc et pour les employés du monde entier, ce n’est pas passé inaperçu.”