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    Pensées pour nous-mêmes:

    (PRENDS GARDE À NE PAS TROP 

    FROISSER TA PENSÉE PARCHEMINÉE)

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    https://djinn-gallery.tumblr.com/image/161533567715

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    http://www.katibin.fr/2013/01/04/lironie-du-juif-accuse-dantisemitisme/

    Le Parlement européen vient de

    criminaliser le délit d’opinion !

    Claire VÉRILHAC

       Ce 1er juin le Parlement européen a voté, à une très large majorité, une nouvelle résolution sur l’antisémitisme qui criminalise une fois de plus le délit d'opinion, sous la pression des lobbies hyperactifs pro-israéliens. Il y a maintenant 50 ans, le 5 juin 1967, Israël lançait une offensive militaire de conquête aux conséquences dramatiques pour la paix mondiale, mais exige le silence !

       Ils l’ont fait ! La seule instance démocratique européenne, le Parlement, vient de criminaliser le délit d’opinion. De la social-démocratie à l’extrême droite souverainiste et antisémite, tous les groupes ont voté en faveur d’une nouvelle résolution sur l’antisémitisme, à l’exception notable de la Gauche Unitaire Européenne et des Verts.

       La résolution, par le biais du paragraphe 2, fait siens les critères proposés par la très sioniste International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA) pour définir l’antisémitisme. Si celle-ci reconnaît que l’antisémitisme, c’est la haine du Juif en tant que juif, le paramètre de la définition ne s’arrête pas là : « Nier au peuple juif (sic) le droit à l’autodétermination, en prétendant par exemple que l’existence de l’État d’Israël est une entreprise raciste » relèverait de l’antisémitisme. « Avoir deux poids deux mesures en demandant de l’Etat d’Israël un comportement que l’on attend ni ne demande de n’importe quelle autre nation démocratique (sic) ». Antisémitisme !

       Le vote de cette résolution nous rappelle, qu’en France comme en Europe, "le droit à la critique d’Israël fait partie de la liberté d’expression politique en général, un acquis aussi précieux que fragile qu’il nous faut défendre à tout prix". Comme le souligne énergiquement l’UJFP (Union des Juifs Français pour la Paix).

       Petit rappel sémantique :

       - l’antisémitisme est un délit

       - l’antisionisme est une opinion

       Formulé vers la fin du XIXe l’antisémitisme désignait à l’origine le racisme à l’encontre des peuples sémites mais ne visera en réalité que les Juifs. La création d’un Etat juif (Israël), puis ses exactions permanentes : colonisation, racisme anti-arabe, apartheid, non respect du droit international, massacres, etc ... a amené de nombreuses voix dans le monde à dénoncer cette politique criminelle.

       Celle-ci étant totalement indéfendable il fallait trouver comment faire taire ces voix à tout prix. Ce sera l’accusation d’antisémitisme dès lors qu’on osera critiquer le régime d’extrême droite israélien ! Ainsi, que ce soit en Israël même, chez les politiciens français ou dans les media, tout démocrate, tout humaniste, risque de se voir désormais traité d’antisémite par un lobby aux dents longues et sa propagande honteuse.

       Cette dérive sémantique est tout à fait symbolique de l’utilisation qui est faite du sens des mots par ceux qui sont au pouvoir et qui tentent là de transformer systématiquement une opinion (critiquer la politique d’Israël) en un délit (l’antisémitisme). Ainsi le "délit d’opinion", propre des dictatures, s’est peu à peu infiltré dans la République.

       Avec des conséquences :

       - en parlant d’antisémitisme pour tout et n’importe quoi ils ont fini par en affaiblir le sens, et même le ridiculiser, tout en confortant les vrais antisémites

       - le caractère obsessionnel de leur croisade, leurs propos souvent délirants, vont jusqu’à produire de fausses agressions antisémites !

       - mais surtout cette chape de plomb prive les Français des informations et des prises de position qui leur permettraient de mieux comprendre la situation : l’horreur en Palestine, la guerre coloniale, le mouvement BDS, les résistants israéliens, la complicité des dirigeants français, leur soutien aux assassins, etc ...

       Il semble, hélas, que dans la droite ligne de Valls, Macron et son mouvement En Marche sont décidés à céder eux aussi aux lobbies pro-israéliens. Ainsi deux candidats aux législatives viennent d’en être écartés pour avoir soutenu le mouvement boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) et réclamé la séparation du CRIF et de l’Etat, ou demandé un embargo économique envers Israël.

       Justement, ces élections doivent aussi être l’occasion pour les citoyens d’interpeller les candidats. S’engagent-ils à reconnaître enfin les droits des Palestiniens, à exiger le respect du droit international par Israël, à mettre au pas les lobbies et à nous rendre le droit d’exprimer notre opinion ?

     https://blogs.mediapart.fr/register/blog/300517/le-parlement-europeen-...
     

    https://www.legrandsoir.info/le-parlement-europeen-vient-de-criminaliser-le-delit-d-opinion.html

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    Luc Desle


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    Pensées pour nous-mêmes:

    (DANS LE SAGE

    LE PAS SAGE SE MEURT)

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    (L'ex-femme voilée attendait patiemment que son voile sèche)

    Reblogged from tantetrunte.

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    http://insuf-fle.hautetfort.com/archive/2010/04/14/exploitation-

    d-un-reportage-sur-l-immigration-clandestine-au.html

    A Melilla la nuit, des enfants

    font le "riski" vers l'Europe

    MELILLA (ESPAGNE) 

       Minuit à Melilla, enclave espagnole au Maroc. Caché près du port, Wahib, neuf ans, est l'un des nombreux enfants des rues prêts à "faire le riski": prendre tous les risques pour s'embarquer clandestinement vers l'Europe. "Riski" - de l'adjectif anglais "risky", dangereux - est un mot qui revient sans cesse dans la bouche des dizaines de "mineurs étrangers non accompagnés" que Melilla s'est habituée à voir errer.

       "Ça veut dire te faufiler sur un bateau sans être vu, sans que le détecteur de battements de coeur décèle ta présence et sans que les chiens te flairent", explique à l'AFP l'éducatrice Sara Olcina, bénévole de l'association Harraga qui suit de près ces mineurs. "J'étais en train de faire le riski et je suis tombé", dit ainsi en arabe le benjamin d'un groupe, Wahib, une plaie mal cicatrisée à l'arrière du crâne.

       Il est l'un des "50 à 100 mineurs étrangers - essentiellement marocains - qui dorment dans les rues de Melilla" en espérant se glisser sur un bateau, selon un rapport de l'université Pontificia Comillas de Madrid publié en mars. "Accès interdit, danger de chute", avertit aux abords du port un panneau posé sur les grilles que des dizaines de garçons escaladent quotidiennement.

       Leurs nuits sont faites d'un dangereux jeu de cache-cache multiforme. Descendre dans l'enceinte du port à l'aide d'une corde. S'accrocher au châssis d'un camion. Se glisser sous le déflecteur coiffant la cabine. S'enfouir dans une cargaison de ferraille ou de carton. Ou bien se hisser par les amarres à bord d'un ferry à destination de l'Espagne... Le "riski" a fait au moins quatre morts en 2015 et 2016 à Melilla, selon la presse locale, dont deux mineurs marocains qui se sont noyés en tentant d'approcher un bateau.

       "L'an dernier, un groupe d'une douzaine d'enfants vivaient dans la rue, le plus petit avait 7 ans, le plus grand 10. Beaucoup sont montés clandestinement sur un bateau", rapporte Sara Olcina. (...)

       (...) Certains enfants vivent dans des grottes inhospitalières face à la mer, très difficiles d'accès. Des cartons y servent de matelas, a constaté l'AFP. D'autres dorment sur des bancs publics ou dans des caches infectes sous un pont. Les tubes de colle que la plupart respirent pour se droguer les aident à prendre le "riski" comme un jeu. Bilal a un visage rieur et un sweat-shirt crasseux orné d'un lapin. Il explique avoir 14 ans et en être à "trois tentatives cette semaine". Son frère de 16 ans est déjà passé clandestinement.

       Originaire de la ville marocaine de Fès, entré en janvier à Melilla, Bilal assure n'être resté que "quatre jours" au centre pour mineurs. Un de ses copains - le regard vide, désespéré - revient couvert de graisse de camion après un "riski" raté. "On ne peut pas comprendre que l'administration d'un pays comme l'Espagne puisse consentir à cela: la détresse de ces enfants, victimes d'individus qui contrôlent les gens de la rue, leur vendent de la colle, les envoient mendier ou voler", dit Jose Palazon, président de l'association Prodein qui les aide depuis vingt ans. (...)

       (...) Les enclaves de Ceuta et Melilla, prises au XVe siècle par les Espagnols dans le nord du Maroc, sont revendiquées par Rabat. Seules frontières terrestres de l'Union européenne sur le continent africain, elles sont tristement célèbres pour leurs clôtures sécurisées que des migrants africains tentent régulièrement de franchir.

       A Melilla, les mineurs rencontrés par l'AFP racontent, eux, être entrés assez facilement, notamment "en se cachant" parmi la foule des frontalières marocaines autorisées à passer sans visa qui se bousculent au poste-frontière, chargées d'énormes ballots de marchandises. Dans cette ville de 80.000 habitants gérée par les conservateurs, le nombre de mineurs étrangers a grossi depuis deux ans, explique le responsable de la protection sociale, Daniel Ventura.

       Les centres d'accueil, archipleins, hébergent près de 500 mineurs, généralement scolarisés ou inscrits à des ateliers de formation, fait-il valoir. Mais la plupart sont accueillis dans un ancien fort militaire décati et si controversé que la presse n'est plus autorisée à le visiter. (...)

       (...) Le rapport universitaire dénonce "l'abandon et la négligence institutionnelle couplés au rejet social que connaissent les enfants dès qu'ils arrivent à Melilla". "On a l'impression qu'on laisse ces enfants rester dans la rue en espérant qu'ils vont finir par passer de l'autre côté" de la Méditerranée, conclut-il. M. Ventura récuse totalement ce rapport qui, dit-il, "ne s'intéresse qu'aux enfants qui ne veulent pas rester dans les centres" et fuguent.

       Pour lui, "une grande partie devraient être placés dans un centre spécial pour troubles du comportement, parce qu'ils ont beaucoup souffert". "Mais si nous en prenons 40 vivant aujourd'hui dans les rues et les mettons dans un tel centre, 40 autres arriveront" du Maroc, lance-t-il.

       Les associations, elles, estiment que les enfants ne pensent qu'à partir (de ces structures d'accueil) parce qu'ils ont "perdu confiance dans le système de protection". "Ils voient que l'administration espagnole n'accorde plus la nationalité espagnole à beaucoup de ceux qui arrivent à la majorité", dit M. Palazon - ce que conteste M. Ventura.

       Originaire de Marrakech, Abdelali part dormir sous un pont. Il assure qu'il a 17 ans et vient d'être expulsé d'un centre, un test osseux ayant conclu qu'il en avait 18. "Mon ami a réussi à monter sur un bateau, moi je suis tombé", dit-il, un bras en écharpe. "Dès que je serai guéri, je referai le riski".

    http://www.courrierinternational.com/depeche/melilla-la-nuit-des-enfants-font-le-riski-vers-leurope.afp.com.20170608.doc.pd0v7.xml

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    Benoît Barvin


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    Pensées pour nous-mêmes:

    (RÉCHAUFFE-TOI 

    À L'AMOUR HUMAIN)

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    (Souvenirs)

    https://djinn-gallery.tumblr.com/post/161415265915

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    http://projetfrance2012.canalblog.com/albums/humour_islam/

    photos/83565934-islam_humour_burka.html

    Une enquête « sensible »

    sur le financement du terrorisme

    au Royaume-Uni pourrait

    ne pas être publiée (The Guardian)

       Une enquête autorisée par David Cameron sur le financement et le soutien étrangers des groupes jihadistes pourrait ne jamais être publiée, a déclaré le Ministère des Affaires Etrangères britannique. L’enquête sur le financement de groupes extrémistes opérant au Royaume-Uni fut commandée par l’ancien Premier ministre et est censée se concentrer sur l’Arabie saoudite, désignée à maintes reprises par les dirigeants européens comme source de financement des jihadistes islamistes.

       L’enquête a été lancée dans le cadre d’un accord avec les Démocrates Libéraux en échange de leur soutien aux raids aériens britanniques contre l’État islamique en Syrie en décembre 2015. Tom Brake, le porte-parole des Affaires étrangères des DL, a écrit au Premier ministre pour lui demander de confirmer que l’enquête ne sera pas mise au placard. The Observer a rapporté en janvier de l’année dernière que l’unité d’analyse de l’extrémisme du Ministère des Affaires Etrangères britannique avait reçu comme directive du Premier Ministre d’enquêter sur le financement à l’étranger de groupes extrémistes au Royaume-Uni, et de montrer les résultats à Theresa May, alors Ministre de l’Intérieur, et à Cameron.

       Cependant, 18 mois plus tard, le Ministère des Affaires Etrangères a confirmé que le rapport n’avait pas encore été complété et a déclaré qu’il ne serait pas nécessairement publié, en qualifiant son contenu de « très sensible ». Une décision serait prise « après l’élection du prochain gouvernement » sur l’avenir de l’enquête, a déclaré un porte-parole du Ministère de l’Intérieur.

       Dans sa lettre à May, Brake a écrit : « En tant que Ministre de l’Intérieur à l’époque, votre ministère était particulièrement impliqué dans la rédaction du rapport. Dix-huit mois plus tard, et à la suite de deux horribles attentats terroristes commis par des citoyens nés au Royaume-Uni, ce rapport n’est toujours pas achevé et publié. « Ce n’est pas un secret que l’Arabie Saoudite, en particulier, fournit des fonds à des centaines de mosquées au Royaume-Uni qui adoptent une interprétation Wahhabiste très dure de l’Islam. C’est souvent dans ces institutions que l’extrémisme britannique prend racine ».

       Le contenu du rapport pourrait s’avérer sensible aussi bien sur le plan politique que juridique. L’Arabie saoudite, qui a été une source de financement pour les prédicateurs et les mosquées islamistes fondamentalistes, a reçu la visite de May plus tôt cette année. En décembre dernier, un rapport divulgué du service de renseignement fédéral de l’Allemagne a accusé plusieurs groupes du Golfe de financer des écoles religieuses et des prédicateurs salafistes radicaux dans les mosquées, le qualifiant de « stratégie d’influence à long terme ».

       Le chef des DL, Tim Farron, a déclaré qu’il estimait que le gouvernement n’avait pas respecté l’accord conclu avant le vote sur les attaques aériennes. Le rapport doit être publié lorsqu’il sera complété, a-t-il insisté, malgré le fait que le Ministère des Affaires Etrangères a fait savoir que les informations contenues dans le document étaient sensibles. « Cette approche à courte vue doit changer. Il est essentiel que ces points de vue extrêmes et radicaux soient confrontés et que ceux qui les financent soient interpellés publiquement », a-t-il déclaré.

       « Si les Conservateurs sont sérieux pour arrêter le terrorisme chez nous, ils doivent cesser de tergiverser et rouvrir les enquêtes sur le financement étranger de l’extrémisme violent au Royaume-Uni ».

       Traduction "les premiers concernés sont souvent les derniers à savoir" par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

    https://www.theguardian.com/uk-news/2017/may/31/sensitive-uk-terror-fu...
     

    https://www.legrandsoir.info/une-enquete-sensible-sur-le-financement-du-terrorisme-au-royaume-uni-pourrait-ne-pas-etre-publiee-the-guardian.html

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    Luc Desle


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    Pensées pour nous-mêmes:

    (SURVIVRE À

    LA VIE TRÉPIDANTE)

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    "M'man, je peux ne pas aller

    à l'école? J'me sens pas super bien"

    (Source: djinn-gallery)

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    "Messieurs... hips... L'eau fejurineuse... hips...

    ferrugineuse... est bonne... hips... pour

    la stabilité... hips"

    Buster Keaton

    https://djinn-gallery.tumblr.com/post/161493413040

    ***

    (Le mégot que je jetai par inadvertance et qui causa

    l'incendie du siècle)

    https://djinn-gallery.tumblr.com/post/161415345125

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    Nadine Estrella


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    Pensées pour nous-mêmes:

    (ÊTRE LIBRE, C'EST NE PAS

    CONNAITRE LE SENS 

    DU VERBE DÉSIRER)

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    "Pas conforme, mon ampoule? Et vous voyez ça où?"

    http://norrinffm.tumblr.com/post/161425584060

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    https://www.miimosa.com/fr/projets/varietes-locales-de-la-graine-aux-plants-de-legumes

    Le combat tranquille

    d’un paysan pour la liberté

    des semences

     Éric Besatti (Reporterre) 

       « Pour moi, il n’y a pas d’amende ni de déconstruction, c’est cool. Le procureur m’a juste demandé de régulariser deux bricoles. » Jean-Luc Danneyrolles, 54 ans, sourit. Il est soulagé après trois années d’incertitude. Le verdict de la conciliation judiciaire vient de tomber. Depuis une lettre de dénonciation, l’artisan semencier de graines anciennes était sous la menace. En cause, des constructions non déclarées. Mais, finalement, ni sa yourte, ni sa serre, ni son poulailler, ni sa cuisine extérieure, ni sa cabane perchée dans l’arbre ne doivent être rasés. Il doit juste remplir quelques déclarations de travaux. Et construire une phyto-épuration aux normes dans un délai de quatre ans. Ensuite, « mon dossier sera bouclé », sait-il du substitut du procureur. En cette matinée printanière, sous sa serre, il repique des dracocéphales de Moldavie, sème des cyclanthères à feuilles digitées avec le cœur encore plus léger qu’à l’accoutumée.

       Le Potager d’un curieux est un endroit sorti d’un rêve. Celui de conserver la diversité des variétés potagères. Tout y est coloré, des panneaux signalétiques indiquent aussi bien la direction de la Fête du haricot que celle d’une Salle des fêtes fantasmée. Les plantes poussent sur des restanques en pierre sèche sur lesquelles trône la bâtisse qui abrite les semences. Au centre du lieu de vie, un chêne monumental héberge une cabane et ombrage une immense table prête à accueillir des rassemblements festifs.

       
Le site existe depuis plus de 30 ans, mais il a beaucoup changé. Il a totalement été réinventé en 2012. Alors que Jean-Luc revenait d’un voyage initiatique en Espagne, il a ouvert les portes de son terrain. « Il y avait des artistes, des squatteurs, des mecs en désintox, des anars », accompagnés de caravanes et de camions. « Ça ressemblait à une Zad. C’était même un peu trop, j’ai dû freiner et demander à des gens de partir », confirme-t-il, sans regretter une période « nécessaire pour faire sauter la chape de plomb » du Luberon, « ce mouroir à vieux mondialisé ». C’est à cette période que la fameuse lettre de dénonciation arrive sur le bureau du procureur, suivie de l’enquête de gendarmerie. « Ils m’ont embêté sur le fait qu’il y avait du monde : travail illégal, enfance en danger, etc. » Il aura fallu des mobilisations citoyennes, des articles de presse, l’organisation d’un événement in situ pour la défense de l’habitat libre pour que l’étau se desserre. Maintenant, pour ses constructions en tout cas, Jean-Luc Danneyrolles ne sera plus ébranlé. Reste que son activité d’artisan semencier est toujours dans une zone grise de la loi. (...)

       (...) Jean-Luc a déjà subi des visites quelque peu coercitives. « Vous allez vous soumettre à notre questionnaire et si vous n’êtes pas d’accord, ça peut aller jusqu’à deux mois d’emprisonnement, 30.000 € d’amende », raconte Jean-Luc en imitant le phrasé des agents de la Répression des fraudes (DGCCRF). « Et ils arrivent comme ça, sans prévenir, hein ! » La première fois en 2005, puis en 2008, et « il y a deux ou trois ans, quand on a tous été raflés ». Pourquoi ? « Les trois quarts du temps, c’est de la dénonciation parce que les activités réalisées gênent », explique Émilie Lapprand, animatrice juridique du Réseau semences paysannes, auquel Jean-Luc Danneyrolles a adhéré juste après sa première visite surprise. Et qui ces activités gênent-elles ? « C’est difficile à savoir », regrette-t-elle.

       Quand on pose à Jean-Luc la question simple du droit à vendre toutes ses graines, il renverse l’interrogation. « De quel droit n’aurait-on pas le droit de produire de bonnes graines et de les commercialiser ? C’est la réappropriation de ce patrimoine que je défends. On n’a pas le droit, on prend le droit. Prendre un droit, ce n’est pas voler quelque chose, explique t-il. Je ne m’imagine jamais que la police viendra m’arrêter parce que je vends mes graines. On est soutenu par la société civile, c’est-à-dire qu’il y a plein de gens qui m’encouragent à continuer et ça me suffit. »

       Pour la commercialisation de graines ou de plants, le décret n° 81-605 du 18 mai 1981 impose l’inscription des variétés au catalogue officiel des espèces et variétés végétales. Et pour être inscrites, les variétés doivent subir deux tests : DHS (pour « distinction, homogénéité, stabilité ») et VAT (pour « valeur agronomique et technologique »). Premier accroc, les variétés anciennes, paysannes, de terroir, appelez-les comme vous le voulez, sont par essence instables. Elles s’expriment différemment selon les biotopes et les conditions climatiques. Donc retoquées par les tests d’entrée au catalogue. (...)

       (...) Les premières mobilisations nationales pour les « légumes que cultivaient nos grand-mères » ont fini par faire bouger les pouvoirs publics et sortir certaines de ces variétés de la totale clandestinité. Depuis 1997 en France et 2011 pour l’Union européenne, une nouvelle liste a été ajoutée au catalogue officiel avec des tests d’homogénéité moins drastiques. Cette nouvelle liste rassemble les variétés regroupées sous le terme « sans valeur intrinsèque » (SVI). Ce sont celles-là qui composent la majorité des cultures de Jean-Luc. « C’est joli de les avoir appelées “sans valeur intrinsèque”, c’est poétique… Ce sont pourtant les plus recherchées », ironise-t-il.

       Et pour vendre ces graines officiellement « sans valeur », même inscrites au catalogue, la bataille n’est pas gagnée. Toujours selon le décret du 18 mai 1981, les emballages doivent mentionner : « Variété ancienne destinée aux jardiniers amateurs conditionnée et commercialisée en petites quantités. » Ensuite, il ne restera au jardinier qu’à payer la contribution volontaire obligatoire (CVO) — vous noterez l’oxymore — sur la valeur de la multiplication des semences au Gnis (Groupement national interprofessionnel des semenciers).

       En gros, compter le nombre de graines et de plants produits — mission quasi impossible — pour contribuer à défendre les intérêts des gros semenciers. C’en est trop pour Jean-Luc : « On a fait tout le travail de redécouverte, tout seul, sans aide, contre vents et marées, grâce à des collectionneurs historiques ou à des vieux qui avaient gardé des graines. On fait le boulot par défaut que n’ont pas fait les agronomes. Donc, ils devraient nous faire un chèque et nous dire un “putain de bravo les mecs”. Et qu’est-ce qu’ils font ? Ils nous envoient la Répression des fraudes pour nous taxer. » (...)

       Révolté par l’absurdité de la situation, Jean-Luc ne paye plus ses contributions au Gnis depuis des années. « Ils ont l’air de me laisser tranquille, ils ont peut-être compris qu’on n’avait pas tout à fait tort, espère-t-il. Mais ils n’ont pas non plus effacé les factures. Elles gonflent encore là », s’arrête-t-il.

       Bon, et ça, c’est uniquement pour les variétés qui ont la chance d’être inscrites au catalogue. Pour le reste, c’est la clandestinité la plus complète et le risque d’une poursuite pour « vente illicite », à l’image du procès perdu par l’association de semenciers Kokopelli.

       La seule réglementation que Jean-Luc respecte à la lettre est celle de Nature et Progrès, un des labels de production « les plus drastiques », plus strict encore qu’AB (Agriculture biologique). Et avec un plaisir non dissimulé : « Nos échanges sont magnifiques ! Fondés sur l’entraide et la progression collective. Ce n’est ni communiste, ni anarchiste, ni décroissant, mais un peu tout ça à la fois. Post-hippie, comme moi ! »

       La veille de notre visite, il accueillait son contrôle annuel. Un contrôle participatif avec consommateur, producteur et certificateur. « Le commentaire c’est : “Très belle activité, lieu magnifique, tous nos encouragements”, rigole Jean-Luc. « J’avais l’impression d’être à l’école. » Pour ses devoirs annuels, il devra faire analyser son forage pour avoir des indications sur la qualité de son eau, ainsi que faire signer une attestation de non-usage d’antibiotique à son fournisseur de crottin de cheval. En revanche, pour son travail expérimental sur le substrat humain, Nature et Progrès ne demande pas à Jean-Luc un certificat de nutrition bio pour chaque utilisateur de ses toilettes sèches. « Ils ne peuvent pas être plus royalistes que le roi », plaisante l’alchimiste de la terre. (...)

       (...) L’ironie de l’histoire, c’est que notre jardinier est en train de créer, avec son collectif, une sorte de réglementation : « Une charte concernant la production de graines. » Avec quatre ou cinq jardiniers qu’il a formés, il élabore une petite maison de semences pour échanger les expériences, partager des valeurs et commercialiser les graines sous le nom du Potager d’un curieux. C’est son objectif : continuer de jardiner, former les semenciers de demain et obtenir « un statut, pas une statue », pour son métier.

       Au calme, dans sa cuisine en plein air, au moment du café, comme quasiment tous les jours, Jean-Luc reçoit de la visite. Une curieuse cherche de la camomille romaine pour des soins de peau. Jean-Luc lui prodigue conseils, noms de plantes et méthodes de culture. Elle repartira avec ses sachets de graines, en échange de savon et de dentifrice qu’elle a confectionnés. Jean-Luc a toujours un peu de mal avec le fait de se faire payer. « L’idéal, c’est le troc, j’aime l’idée des biens communs, qu’on ne paye pas pour ce qui appartient à la nature. » Utopiste oui, mais les pieds sur terre. « Tout travail mérite salaire », sait-il, et ses graines sont son moyen de vivre.

       En réalité, avec ses activités, c’est plutôt un mode de vie qu’il s’offre. On vient ici comme chez le docteur ou à l’école. En plus informel et le sourire sans supplément. « Le truc qui touche, c’est que je ne me retrouve jamais seul. Il y a tout le temps du monde », savoure-t-il. Désinvolte, mais pas provocateur envers les autorités, Jean-Luc prend les problèmes les uns après les autres. Et le prochain c’est d’aller faire la sieste.

    https://reporterre.net/Le-combat-tranquille-d-un-paysan-pour-la-liberte-des-semences

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    Luc Desle


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    Pensées pour nous-mêmes:

    (SANS CHERCHER

    TU TROUVERAS)

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    "Hop là!"

    djinn-gallery:

    david lachapelle

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    Bosc

    http://www.les-carpes.org/humour_societe.htm

    Marcus Rediker :

    « Il est important de montrer

    comment les classes populaires

    ont fait histoire »

    Entretien réalisé par Jérôme Skalski

       Dans Les Hors-la-loi de l’Atlantique, publiés aux éditions du Seuil, l’historien étasunien nous offre une synthèse de ses recherches concernant l’histoire de la marine à voiles, matrice du système capitaliste, mais aussi des luttes, des refoulés et des idéaux de la modernité.

       / Votre ouvrage Les Hors-la-loi de l’Atlantique nous offre une synthèse de trente années de vos recherches concernant l’histoire de la marine à voile des XVIIe, XVIIIe et de la première moitié du XIXe siècle. En quoi votre travail s’inscrit-il dans le courant historique que l’on appelle l’« histoire par en bas » ?

       - Marcus Rediker : La première chose que je voudrais dire, c’est que l’expression « histoire par en bas » a pour la première fois été utilisée par l’historien français Georges Lefebvre, dans les années d’avant-guerre. La tradition de l’histoire par en bas (history from below), à laquelle j’appartiens en effet, comprend des historiens français, mais aussi plus particulièrement britanniques, tels E. P. Thompson (1) et Christopher Hill (2), historiens marxistes et pionniers de ce type d’histoire dans les années 1960.

       Aux États-Unis, dans les années 1970, une version légèrement différente de ce type d’histoire a été développée sous le nom d’« histoire de bas en haut » (history from the bottom up), dans le sillage des mouvements contre la guerre du Vietnam, des mouvements étudiants, des mouvements de femmes, des nouveaux mouvements ouvriers, mais aussi des mouvements pour les droits civiques et des Black Panthers, qui aspiraient à une nouvelle manière d’écrire l’histoire. J’ai été formé par ces mouvements. J’ai commencé mes études avec le désir de raconter une autre espèce d’histoire que celle qui avait cours. Aux États-Unis, la véritable science historique avait été supprimée par la guerre froide.

       L’historien étasunien le plus représentatif de ce courant est Howard Zinn, avec son Histoire populaire des États-Unis (3), qui a été vendue à des millions d’exemplaires. Ce qui est particulièrement important dans ce genre d’histoire, c’est que ce n’est pas seulement l’histoire des pauvres ou bien des classes laborieuses en général, mais également celle de leur capacité d’agir (agency), c’est-à-dire de leur capacité à affecter le cours de l’histoire, pas seulement comme des instances passives du processus historique. Leurs luttes ont profondément affecté le cours de l’histoire. Cela a toujours été un point important pour moi : montrer comment les classes populaires ont fait histoire et ont changé la manière dont le processus historique s’est développé.

       / Un aspect original de votre approche n’est-il pas également d’avoir décrit sur mer un processus analogue à celui que Marx analyse dans Le Capital concernant la transformation de la manufacture comme pivot de l’histoire du capitalisme moderne ?

       - Marcus Rediker : Beaucoup de gens pensent que l’essor du capitalisme est lié presque exclusivement à celui du travail salarié. Mon travail a été de souligner la centralité du commerce servile, de l’esclavage et du travail forcé, dans l’émergence du capitalisme comme système. Le système servile de l’Atlantique, au Brésil, aux Caraïbes, dans le nord de l’Amérique, a été la source d’une énorme masse de capital. Mon point de vue a été, en premier lieu, de briser les cadres nationaux de l’histoire et de montrer qu’il y a des sources transnationales et atlantiques des développements économiques nationaux et, en second lieu, d’insister sur l’importance du travail forcé dans ces développements.

       Un autre de mes arguments, c’est que le navire à voiles, ce qu’on appelle techniquement en anglais le « navire de haute mer à poupe ronde » (round headed deep sea ship), a été l’une des plus importantes machines du début de l’ère moderne et probablement l’une des plus importantes machines participant à l’essor du capitalisme. Les navires à voiles et les travailleurs qui les faisaient naviguer ont littéralement cristallisé les différentes branches déconnectées de l’économie en un ensemble mondial. Cette manière de considérer le navire à voiles, et le navire négrier en particulier, comme une machine dépendant d’une espèce particulière de procès capitaliste a effectivement été influencée par ma lecture de Marx concernant le processus de travail dans la manufacture. Le navire à voiles a été un facteur décisif dans la production de la force de travail pour l’économie mondiale.

       Mais j’ai aussi été intéressé par la manière dont les navires négriers ont été le vecteur de la production, en un sens tout à fait analytique, des catégories de « races » qui en sont venues à dominer le capitalisme occidental. Pour donner un exemple du fonctionnement de ce fait – j’en parle plus précisément dans mon livre –, vous aviez des équipages de marins d’un côté, qui étaient anglais, français, hollandais, etc., et qui travaillaient sur des navires quelque part en Europe.

       Ils arrivaient sur les côtes africaines et devenaient des « Blancs », autrement dit, ils étaient racialisés au cours du voyage. D’un autre côté, vous aviez un groupe multiethnique d’Africains, Fantis, Malinkés, Ashantis, etc., transportés sur les navires négriers sur l’Atlantique et qui, quand ils arrivaient en Jamaïque, au Brésil ou en Virginie, devenaient des « Noirs », des représentants de la « race noire ». Le mouvement à travers l’espace et le temps a produit les catégories raciales de l’analyse. C’est un autre aspect tout à fait essentiel de ce qu’a engendré ce processus.

       / Vous montrez également à quel point la marine à voiles a été le champ d’une lutte des classes souvent méconnue. Pionnière même ?

       - Marcus Rediker : Oui, le navire à voiles comme environnement de travail totalitaire fut un laboratoire dans lequel les capitalistes et l’État tentèrent des expériences pour voir ce qui pouvait fonctionner dans d’autres secteurs de l’économie. Les marins et les relations entre le capital et le travail, sur les navires de guerre en particulier, ont été le champ de développement de nouvelles formes de relations de pouvoir. Des deux côtés, il y a eu des expérimentations et des innovations. Les capitalistes ont essayé d’organiser une division complexe du travail pour faire fonctionner ces machines et ont utilisé des formes de discipline extrêmement violentes qui ont contraint les travailleurs à collaborer.

       Les marins, d’un autre côté, ont traduit cette collaboration forcée en de nouvelles formes de résistance. Je le mentionne dans mon livre. Par exemple, en anglais, le mot grève (strike) vient d’un mot qui désigne le fait d’abattre les voiles pour les faire descendre (baisser pavillon). La première grève s’est déroulée sur les docks de Londres en 1768. Les marins des alentours ont descendu les voiles en frappant dessus, pour les descendre et immobiliser les bateaux. À cette occasion, la classe ouvrière a découvert un nouveau pouvoir, à travers la collaboration à bord des navires, et un enseignement pour la lutte.

       / Chose étonnante, vous tracez également un lien entre ces luttes sociales et politiques nées dans le milieu maritime et l’émergence de la grande piraterie au début du XVIIe siècle ? Piraterie Potemkine en quelque sorte, source secrète des révolutions américaine et française, des Lumières, de l’abolitionnisme, voire du socialisme ?

       - Marcus Rediker : Les gens sont souvent surpris d’apprendre qu’il y avait une grande créativité parmi les pirates. Mon approche a essentiellement consisté à partir des conditions de vie des marins de cette époque, en posant une question toute simple : pourquoi sont-ils devenus pirates ? La réponse à cette question est très intéressante, parce qu’elle nous ramène aux très difficiles conditions de travail sur les navires à voiles : salaires très bas, pauvre nourriture, discipline violente... toutes choses qui ont conduit des gens à la piraterie de leur propre mouvement. Quand on étudie comment les pirates organisent leurs navires, on découvre que c’était d’une manière complètement différente de la manière dont étaient organisés les navires marchands et les navires de guerre.

       Tout d’abord, ils étaient démocrates : ils élisaient leurs officiers et leur capitaine. À cette époque, les travailleurs n’avaient aucun droit démocratique du tout. Et nulle part dans le monde ! Les pirates ont tenté une extraordinaire expérience de démocratie. Et cela marchait ! D’un autre côté, la manière dont ils divisaient leur butin était égalitaire. C’est également un aspect tout à fait différent de la structure salariale sur les navires marchands ou sur les navires de la Royal Navy. Les pirates étaient très soucieux d’égalité. Évidemment, ils utilisaient leurs navires pour s’attaquer à la propriété des marchands et pour cela les gouvernements britannique et français voulaient les exterminer. Mais l’autre raison pour laquelle ils cherchaient à les éliminer, c’était qu’ils s’efforçaient d’écraser un exemple de subversion qui démontrait par le fait qu’on pouvait organiser la navigation d’une manière différente de celle qui avait cours à l’époque. Les pirates, en quelque sorte, étaient comme des travailleurs occupant leur usine, élisant leur direction et montrant comment on pouvait organiser les usines de manière à la fois démocratique et égalitaire. Cela a tourmenté les autorités françaises et britanniques autant sinon plus que les atteintes à la propriété commises par les pirates.

    Goscinny et Uderzo

    http://lencyclopedix.free.fr/etranger2.php?perso=Barbe%20Rouge&apparait=on&nombreapp=on&fonction=on&citation=on&voyages=on

       Si les autorités ont réussi à réprimer la piraterie, ses idées, transportées de lèvres en lèvres sur les quais et les docks jusqu’à l’intérieur des terres, ont connu une vie souterraine jusque dans leur actualisation au cours des processus révolutionnaires de la fin du siècle. Mon travail a été de traquer ces idées à travers le temps et à montrer comment elles en sont venues à se généraliser parmi les populations. Elles ont eu un impact essentiel dans le mouvement des Lumières, mais aussi parmi les travailleurs. C’est ce que j’ai appelé les « Lumières par en bas » (enlightement from below). C’est aussi, en effet, sur les navires qu’est née la conscience abolitionniste. Par exemple, un homme tel que Benjamin Lay, qui a été un des premiers opposants à l’esclavage et qui a lancé, en 1718, ce qui est très tôt dans le siècle, un appel pour une complète abolition du système servile, était marin. Cela est absolument crucial. C’est parce qu’il a été marin et a connu les conditions de travail très difficiles des équipages sur les navires qu’il a développé un idéal de solidarité entre tous les hommes, libres, esclaves, entre tous les peuples et entre tous les travailleurs de la terre.

       / À la fin de l’introduction de votre ouvrage À bord du négrier (4), vous écrivez : « Le négrier est un navire fantôme à la dérive sur les eaux de la conscience moderne. » Que voulez-vous suggérer par cette formule ?

       Marcus Rediker : Ce que je veux dire par là, c’est que le navire négrier est toujours vivant quant aux conséquences de ce qui s’est passé. L’héritage du commerce des esclaves et l’héritage de l’esclavage, spécialement aux États-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne, en France ou dans d’autres pays européens, est encore très présent aujourd’hui. Il est présent dans les discriminations raciales, dans la profonde inégalité structurelle qui se montre dans nos sociétés. Les violences extrêmes faites aux populations dans les quartiers populaires sont un exemple de la permanence de l’héritage de l’esclavage. Toutes ces choses remontent à l’histoire de l’esclavage et à la manière dont la catégorie de « race » a été institutionnalisée dans la vie moderne.

       Quand je dis que le navire négrier est « un navire fantôme », je veux dire qu’il est encore avec nous. La dénégation est très grande, mais la présence spectrale de l’esclavage, particulièrement aux États-Unis, est extrêmement importante. Il s’en faut de beaucoup pour que nous en ayons fini avec cette histoire. Nous n’en avons pas fini parce que nous sommes incapables de la regarder en face. C’est plus net aux États-Unis, parce que le fait de l’esclavage a été vécu sur le territoire du pays. L’esclavage, pour les Européens, a été vécu dans leurs possessions coloniales et a quelque chose de plus abstrait. Pour les Américains, il a été un élément concret de la vie de tous les jours. Il y a de grandes différences entre la situation aux États-Unis et en Europe mais, du fait notamment du travail des historiens sur les deux rives de l’Atlantique, l’Europe ne peut pas se considérer comme extérieure à cette histoire.

    --------------------

    (1) Edward Palmer Thompson, La Formation de la classe ouvrière anglaise, Le Seuil, collection « Points », 2012.

    (2) Christopher Hill, Change and Continuity in 17th-Century England, Harvard University Press, 1975.

    (3) Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis, Agone, 2002.

    (4) À bord du négrier. Une histoire atlantique de la traite, traduit par Aurélien Blanchard, Seuil, 2013.

    »» www.humanite.fr/marcus-rediker-il-est-important-de-montrer-comment-les...
     

    https://www.legrandsoir.info/marcus-rediker-il-est-important-de-montrer-comment-les-classes-populaires-ont-fait-histoire.html

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    Luc Desle


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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LA VIE EST

    UNE MAÎTRESSE FEMME)

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    "Chaque matin, mon café me faisait de l’œil,

    ce qui me donnait un sacré punch"

    (Source: giphy.com, via yourcoffeeguru)

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    "Les gars, vous z'êtes ch..., vous savez..."

    (Source: gif87a-com, via left-nutting)

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    (Ce crustacé était décidé à vendre chèrement sa peau)

    (via fjardyozzfjard)

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    Jacques Damboise


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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LA MORT EST LÀ

    OÙ IL Y A LA HAINE)

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     (Sans paroles)

    excaliburmyassXD

    (Source: doujinshi)

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     http://lemonde2images.blogspot.fr/2012/02/?m=0

    Près des côtes américaines,

    l'île de Tangier disparaît sous les eaux

       A l'arrière de la maison de William Eskridge, un ponton s'avance dans la baie de Chesapeake, villégiature appréciée des Américains de Washington. Le pêcheur observe l'eau qui grignote dangereusement son jardin: "au moins 30 mètres de terre ont disparu, rien qu'avec l'érosion. Et ça semble empirer chaque année". La famille Eskridge est installée sur l'île de Tangier depuis environ 200 ans, mais les petits-enfants de William ne pourront probablement plus y venir d'ici quelques années.

       Située à 22 kilomètres des côtes de la baie, elle-même à une heure de route de la capitale, l'île de Tangier est menacée par une érosion galopante, accélérée par le réchauffement climatique et la montée des eaux. Il ne reste actuellement qu'un tiers de la surface de l'île de 1850. D'ici une quarantaine d'années, Tangier aura disparu si rien n'est fait.

       "Quand j'étais enfant et qu'on allait à la plage, il nous fallait presque une heure", se souvient Carol Pruitt Moore, issue d'une des vieilles familles de pêcheurs de Tangier. Aujourd'hui, cela ne prend qu'une dizaine de minutes depuis le village. "Ne pas sauver Tangier serait une tragédie". (...)

       (...) Les quelque 450 habitants de l'île ont décidé de sauver leur héritage. Tangier est classée au registre national des lieux historiques des Etats-Unis. Le port, poumon économique de ces familles vivant de la pêche au crabe, est aujourd'hui directement menacé par l'érosion. Son entrée ouest s'élargit, le rendant de plus en plus vulnérable aux tempêtes.

       Maire de l'île, James Eskridge réclame la construction d'une nouvelle digue pour protéger l'ouest. "Ce projet est en discussion depuis, je dirais, presque 20 ans. Et depuis, en 20 ans, il y a eu tellement d'érosion que le projet d'origine ne fonctionnerait pas". Ces lenteurs administratives ubuesques frustrent les habitants de l'île, qui la voient s'éroder à vue d'oeil. La digue devrait finalement voir le jour en 2018, mais ne sera qu'un pansement.

       Les positions de Donald Trump, qui vient d'annoncer le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat et a promis de supprimer les régulations environnementales, ont trouvé écho à Tangier, où les procédures en frustrent plus d'un.

       Le président américain a obtenu 87% des voix sur l'île, où l'argument climatique passe mal. "Ca n'a rien à voir avec la montée des eaux, c'est loin. Je suis sûr que cela aura un impact sur nous un jour. Mais là on parle d'érosion à court terme qui a lieu depuis des décennies", soutient Bruce, professeur retraité sur l'île. (...)

       (...) Dave Schulte, biologiste marin pour le corps des ingénieurs de l'armée, marche sur ce qui était autrefois le village de Canaan. Il n'en reste aujourd'hui que quelques pierres tombales sur une plage. Abandonné dans les années 30, Canaan rappelle que l'érosion a toujours été un problème à Tangier.

       Mais pour le biologiste, le réchauffement climatique accélère dangereusement le phénomène et la montée des eaux a déjà commencé. "L'eau est désormais assez haute pour attaquer au-dessus de la ligne de sable. Par dessus, il y a une couche de tourbe marécageuse qui est un sol d?argile très mou. Ca se brise très facilement. Une fois que l'eau est assez haute pour atteindre cette couche, ça revient à simplement réduire l'île en morceaux".

       Pour sauver Tangier à long terme, le scientifique préconise la construction de digues supplémentaires et un renflouement des terres: "on va en mer, on drague des matières sableuses et on les pompe vers les sommets". Les élus du Congrès doivent encore donner leur aval pour une nouvelle étude qui déterminera quelles mesures peuvent être prises pour sauver l'île. Puis ils devront voter le financement d'un tel projet, qui est estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros.

       Pour John Bull, membre de la commission des Ressources marines de l'Etat de Virginie, une décision doit être prise rapidement. "Les changements environnementaux que nous observons indiquent qu'à un certain moment, il sera trop tard pour sauver Tangier".

    http://www.courrierinternational.com/depeche/pres-des-cotes-americaines-lile-de-tangier-disparait-sous-les-eaux.afp.com.20170602.doc.p662z.xml

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    Benoît Barvin


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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LE TEMPS

    CASSE TROP VITE)

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    "Bizarre ton chapeau en fourrure...

    - Toi, t'as encore oublié de chausser

    tes lunettes, hein?"

     Fuzz

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     https://www.les-crises.fr/47-signes-chine-usa/

    Comment la Chine transforme

    la mondialisation

     

       Dans les années 80, Deng Xiaoping, le "Petit Timonier" qui succéda à Mao, inventa la formule "économie de marché aux caractéristiques chinoises", sorte de novlangue pour décrire le capitalisme plutôt sauvage qui était en train de s’installer dans le pays. 

       Aujourd’hui, il faudrait parler de "mondialisation aux caractéristiques chinoises". Car si les commentateurs se sont attachés aux chiffres faramineux d’investissements qui ont accompagné le récent sommet de la "nouvelle route de la soie" qui s’est tenu les 14 et 15 mai à Pékin, c’est la démarche politique chinoise qui devrait surtout retenir l’attention.

       L’ambitieux projet, qui a été lancé en 2013 par le Président Xi Jinping, vient de modifier son nom baroque de "Une ceinture, une route" ("One belt, one road", Obor selon l’acronyme anglais) à "Initiative route et ceinture" ("Belt and Road Initiative", B&R selon l’acronyme anglais) pour bien marquer qu’il n’y a pas qu’un seul chemin sur cette "route de la soie" des temps modernes. 

       Mais ce changement de nom montre bien à lui seul qu’il y a une ambiguïté sur la nature même du projet, malgré les propos rassurants du président Xi Jinping sur l’absence d’agenda politique.  A l’origine, il s’agissait surtout du développement à coups de dizaines de milliards de dollars des infrastructures de transport et de logistique qui devaient favoriser les échanges le long de la mythique route de la soie du premier millénaire, entre la Chine, l’Europe et même au-delà, l’Afrique. De nombreux pays, y compris occidentaux, se sont précipités pour ne pas rater leur chance au guichet des crédits financiers chinois…

       C’est devenu, désormais, l’architecture d’une globalisation économique parallèle centrée autour de la Chine, là où le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui a pour épicentre l’Occident, berceau des révolutions industrielles et siège des grandes entreprises qui dominaient l’économie planétaire jusqu’à récemment.

       Sans le proclamer, la Chine défie cet ordre-là, profitant du double phénomène du rééquilibrage de l’économie mondiale au profit des pays émergents, entamé depuis la première décennie du XXIe siècle, mais aussi, et peut-être surtout, de l’ère de repli et de confusion dans laquelle sont entrés les Etats-Unis, la puissance dominante depuis plus d’un demi-siècle. (...)

       (...) Il y a quelque chose d’extraordinaire à voir la vitesse avec laquelle la Chine s’est affirmée sur la scène internationale. Au début des années 2000, la Chine, qui n’a accédé qu’en 2001 à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), est devenu un aimant à investissements étrangers, se transformant en "usine du monde", cible de toutes les délocalisations et de la sous-traitance mondiale.

       Peu d’observateurs ont prêté attention lorsque Pékin a commencé à courtiser le continent africain, réunissant l’ensemble des pays du continent comme pouvait le faire la France, ancienne puissance coloniale. La Chine semblait surtout, à l’époque, vouloir garantir son accès aux matières premières dont elle était devenue le premier importateur mondial.

       2008 marque un tournant, à la fois psychologique avec la tenue des Jeux olympiques de Pékin, symbole de l’affirmation d’une Chine plus sûre d’elle, mais surtout avec la crise des "subprimes" qui a plongé les économies occidentales dans la crise dont l’Europe, en particulier, ne sort qu’avec difficulté. La Chine, elle, est vite sortie de ces turbulences, continuant son rattrapage accéléré pour devenir la seconde économie mondiale, et bientôt la première.

       Pendant ces quinze années triomphales, qui ont progressivement cédé le pas à une autre phase, celle d’une croissance plus faible, la Chine est passée du statut d'"usine du monde" dans lequel l’Occident pensait la cantonner, à celui de grande puissance capable de rivaliser avec les Etats-Unis, le Japon ou l’Europe. Sans rien céder à son autoritarisme politique ; au contraire puisque le règne de Xi Jinping, qui est là pour durer, se révèle plus dur encore que ses prédécesseurs immédiats.

       Ceux qui pensaient dans les années 2000 que la Chine se contenterait de la sous-traitance de t-shirts à un euro, d’assembler les iPhones des autres ou même les automobiles et les avions conçus ailleurs, en sont pour leurs frais. La Chine revendique sa place, toute la place qui était celle de l’ancien "empire du milieu".

       Le vol inaugural, récemment, du premier avion de ligne "made in China" (même si une majorité de ses composants, y compris les réacteurs, sont produits par Airbus et Boeing), est symbolique de cette ambition chinoise de devenir une puissance globale de premier plan dans tous les domaines. (...)

       (...) L’automobile fournit un autre exemple : il y a une décennie, les groupes chinois étaient les partenaires "juniors" des co-entreprises fondées avec les grands groupes occidentaux ; aujourd’hui, ils dament le pion sur le marché chinois –devenu le premier au monde- aux grandes marques mondiales, et l’un d’eux a sauvé le groupe PSA de grandes difficultés il y a quelques années et est entré dans son capital à hauteur de 14%...

       L’initiative "route et ceinture", une voie terrestre et une voie maritime, vient à point nommé redonner du souffle à une économie chinoise en pleine mutation, passée d’un modèle exportateur et largement sous-traitant, à un modèle plus mûr, s’appuyant à la fois sur une consommation intérieure accrue, et sur une mondialisation à plus forte valeur ajoutée.

       La vision est économique, mais surtout géopolitique, visant à assurer à la Chine le rôle dominant en Asie – économique, mais aussi politique et militaire - qu’occupaient jusqu’ici les Etats-Unis, et que lui contestent encore des puissances régionales comme le Japon ou l’Inde, ou certains "petits" pays redoutant le poids de leur puissant voisin.

       Mais elle déploie ses ailes au-delà de l’Asie, sur le continent africain dont elle est devenue le premier partenaire, à coup de financement d’infrastructures sans les habituelles conditionnalités des grandes institutions financières, et qui devient la destination de sa propre délocalisation dans cette nouvelle phase de la mondialisation.

       Et en Europe, où les crédits d’infrastructure de "Ceinture et route" sont les bienvenus dans les Balkans où l’Union européenne n’a pas su, ou pas eu les moyens, d’être la puissance stabilisatrice de ce "ventre mou" du continent toujours instable, ou même au sein de l’UE, dans les pays d’Europe centrale et orientale courtisés par Pékin.

       La Chine a même inscrit dans le projet "Ceinture et route" sa part de financements du nucléaire britannique auquel elle s’est engagée aux côtés du Français EDF ! (...)

       (...) Depuis des années, les Etats-Unis ne savent pas comment traiter la Chine, entre "containment" type guerre froide, et "engagement" pour en faire un partenaire. En quelques mois, Donald Trump a fait les deux, passant de l’invective sur Twitter à une vaine lune de miel avec Xi Jinping. La Chine a compris que les Etats-Unis étaient dans une phase au mieux de confusion, au pire d’éclipse.

       Quant à l’Europe, elle a perdu la cohérence et la dynamique qui auraient pu en faire un des acteurs majeurs de cette mondialisation en cours de redéfinition. Paradoxalement, la Chine ne veut pas voir disparaître cette Europe unie, contrairement à son partenaire ambigu, la Russie de Vladimir Poutine. Elle ne veut pas rester en tête-à-tête avec les Américains, et préférerait voir une Europe forte en contrepoids stratégique.

       Les Européens, présents au sommet "Ceinture et route" de Pékin, ont refusé de signer la déclaration finale, en raison de l’absence de transparence et de références aux exigences environnementales et sociales. Une petite "résistance" sans grand impact, mais qui montre que ce processus n’est pas un simple programme d’infrastructures sans impact géopolitique.

       Le sommet de Pékin n’est qu'une étape dans cette recomposition planétaire. La Chine n’est pas une puissance impérialiste à l’ancienne, mais un vieil empire qui pratique le temps long. Elle avance pas à pas, mais sans crier gare, elle est en train de bâtir cette "mondialisation aux caractéristiques chinoises" qui changera le monde dans lequel nous vivons.

    http://tempsreel.nouvelobs.com/chroniques/20170524.OBS9848/comment-la-chine-transforme-la-mondialisation.html

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    Luc Desle


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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LES YEUX FERMÉS,

    LA LAIDEUR DU MONDE

    EST MOINS PRÉGNANTE)

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    "Mon Aimée, cette rose,

    De quelles amours blessées

    Elle fut offensée...

    - Quel ringard!"

    Marco Battaglini

    http://zeezrom.tumblr.com/post/124641898300/marco-battaglini-source

    %%%

    http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/sciences-et-techniques/

    les-tic-moteurs-pour-une-economie.html

    Le coût écologique d’internet

    est trop lourd, il faut penser

    un internet low-tech


    Félix Tréguer est membre fondateur de La Quadrature du Net — association de défense des libertés publiques à l’ère numérique. Gaël Trouvé est cofondateur de Scolopendre – hackerspace visant une réappropriation citoyenne de la gestion des déchets électroniques.


       L’an dernier, un contributeur de la revue anglo-saxonne Phrack, publication phare de la mouvance hacker, appelait de ses vœux la constitution d’un front « hacker-luddite » pour lutter contre deux fléaux qui entravent selon lui la contribution de l’informatique à l’émancipation : les systèmes informatiques fermés, conçus par leurs designers pour empêcher toute appropriation singulière et créative par leurs utilisateurs ; ceux fondés sur des logiques propagandistes et manipulatoires qui, notamment à travers la publicité, détournent l’attention humaine à des fins de contrôle social et de profits [1].

       Dans ce texte, la référence au luddisme — ce mouvement d’ouvriers et d’artisans qui, au XIXe siècle, brisaient les machines pour dénoncer l’industrialisation — apparaît usurpée, tant la critique de la technique qui s’y exprime semble sommaire. En cela, ce texte est symptomatique des limites du discours technocritique qui domine les milieux hackers, et plus largement celui de l’activisme numérique. En dépit des apports d’un mouvement comme celui du logiciel libre à la réflexion sur les biens communs et malgré les croisements anciens entre le mouvement hacker et certaines luttes écologistes, le combat pour une informatique émancipatrice échoue le plus souvent à expliciter le constat qui est aussi l’une de ses principales contradictions : les effroyables coûts écologiques et humains du numérique. (...)

       (...) Internet représente plus de 7 % de la consommation électrique mondiale, en croissance de 12 % par an [2]. Une simple recherche Google nécessite la même dépense énergétique que celle nécessaire à l’ébullition d’un litre d’eau. En France, l’infrastructure numérique consomme annuellement la production de 9 réacteurs nucléaires, soit 13 % de l’électricité nationale [3].

       Dans le même temps, la sophistication croissante des machines rend nécessaire l’utilisation de métaux aux propriétés de plus en plus spécifiques, et donc de plus en plus rares [4]. Aux désastres environnementaux liés à l’extraction minière s’ajoute l’impossibilité de recycler ces métaux, utilisés le plus souvent de manière intriquée, à des échelles nanométriques [5]. De fait, moins de 25 % de la masse d’un smartphone ou d’un ordinateur ultra-plat sont recyclables, et environ 5 % sont effectivement recyclés lorsque l’objet est orienté dans la bonne filière [6] — ce qui est rarement le cas puisque entre 30 et 60 % de nos déchets électroniques sont exportés illégalement à l’étranger, principalement au Ghana, en Chine, en Inde et au Niger [7]. Enfin, lorsque l’on porte son regard sur les modes d’assemblage ou de recyclage de l’informatique, il devient évident que les « libertés numériques » des 2,5 milliards d’utilisateurs d’internet reposent sur une main-d’œuvre soumise à des conditions de travail proches de l’esclavage.

       Or, en dépit des poncifs sur la responsabilité sociale des entreprises ou l’informatique verte, l’industrie semble enfermée dans une fuite en avant non seulement irresponsable au plan écologique, mais également extrêmement préoccupante pour les droits et libertés. Qu’il s’agisse du big data ou des promesses mirobolantes de l’informatique quantique, la démultiplication des capacités de collecte, de stockage et de calcul s’accompagne nécessairement d’une spectaculaire aggravation de l’inégalité dans le contrôle des ressources informatiques entre, d’un côté, les grandes bureaucraties publiques et privées, héritières du « contrôle-commande » et partenaires dans la censure et la surveillance des communications et, de l’autre, les citoyens. Sans parler de la menace que font peser l’ubérisation et la robotisation de l’économie sur les droits sociaux. (...)

       (...) Au regard de ces enjeux entremêlés et face au risque prévisible d’effondrement écologique, il est urgent de construire des alternatives durables aux outils et services que nous fournit l’appareil technoscientifique dominant. Une politique hacker-luddite suppose donc d’élargir la critique du numérique tout en œuvrant à une désescalade technologique à même de nous émanciper, en tant qu’utilisateurs et utilisatrices d’outils de communication, des sphères technocratiques et industrielles.

       À court terme, un tel projet suppose tout d’abord d’organiser, aux différents stades de leur élaboration et de leur mise en œuvre, l’opposition aux politiques de recherche qui, sous couvert d’encourager l’innovation et le « progrès », ne font que renforcer les logiques écocides et liberticides propres au capitalisme informationnel — par exemple, celles qui participent à la prolifération des objets connectés ou des technologies de surveillance.

       À l’inverse, il s’agit d’encourager les travaux émergents des chercheurs et ingénieurs sur la sobriété des équipements, protocoles, services et logiciels qui sous-tendent l’infrastructure numérique [8] ; d’œuvrer à la relocalisation de la production ; de prendre au sérieux la question de l’obsolescence des objets ; bref, de rendre possible et désirable l’avènement d’un internet low-tech, sans doute plus lent, mais beaucoup plus pertinent, durable et résilient, fondé sur des machines aux fonctionnalités simplifiées, contrôlables et réparables par les utilisateurs. high-tech. (...)

       (...) Sans pour autant abandonner ces importants combats, il faut aussi aller plus loin que la simple promotion des logiciels libres et des alternatives décentralisées aux services dominants, pour réfléchir à la manière dont se réapproprier l’ensemble de l’infrastructure numérique. Les initiatives en faveur d’une gestion associative ou coopérative de l’hébergement, de la fourniture d’accès à internet ou du réemploi du matériel informatique dessinent des pistes intéressantes pour œuvrer à une maîtrise locale, démocratique et en « circuit court » de nos outils de communication [9].

       Sur le plan des usages enfin, il s’agirait de faire le tri, d’engager un débat sur les pratiques informatiques que l’on souhaite préserver et cultiver – parce qu’elles sont les véhicules d’expressions citoyennes ou artistiques, de solidarités renouvelées, de partages de savoirs –, et celles, chronophages, addictives et aliénantes dont on gagnerait à s’affranchir.

       Ce ne sont là que quelques esquisses des lignes de front possibles d’une politique hacker-luddite capable de redonner sa cohérence à la défense des libertés à l’ère numérique, tout en contribuant au renforcement des convergences militantes. Pour ainsi faire en sorte que l’idée d’internet — celle d’un réseau de communication mondial et acentré — puisse survivre au système technicien dont il est le fruit.


    [1Anonyme. « Hacker Luddites », Phrack, le 6 mai 2016.

    [3Fabrice Flipo, Michelle Dobré et Marion Michot, La Face cachée du numérique. L’impact environnemental des nouvelles technologies, L’Échappée, 2013.

    [4Philippe Bihouix, L’Âge des low-techs, Seuil, 2014.

    [5Jean-Michel Autran chercheur au CNRS, labo ÉcoInfo, conférence du 23 avril 2015.

    [6Carole Charbuillet, chercheuse au CNRS, labo ÉcoInfo, conférence du 23 avril 2015.

    [7Cédric Gossart, enseignant chercheur à Télécom, école de management, « 60 millions de tonnes de déchets électroniques par an dans le monde : et si on en parlait ? ». Voir aussi son intervention dans le cadre des conférences d’ÉcoInfo, le 23 avril 201.

    [8Voir par exemple : J. Qadir, A. Sathiaseelan, L. Wang, & J. Crowcroft. (2016). Taming Limits with Approximate Networking. Conférence LIMITS’16, Irvine, California.

    [9Voir, en France, les activités des associations de la Fédération FDN, ou l’initiative barcelonaise de réemploi et de recyclage du matériel informatique eReuse.org. Voir aussi : Franquesa, D., Navarro, L., & Bustamante, L. (2016). A Circular Commons for Digital Devices. Presented at the LIMITS ’16, Irvine, California.

    https://reporterre.net/Le-cout-ecologique-d-internet-est-trop-lourd-il-faut-penser-un-internet-low

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    Luc Desle


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