Quelques heures après l’annonce par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, de l’expulsion de 35 diplomates américains, répondant à la même annonce américaine la veille par Barack Obama, Vladimir Poutine a décidé de jouer une autre partie.

   “Les diplomates russes de retour au pays passeront le Nouvel An parmi leurs proches, à la maison. Nous ne créerons par de problèmes aux diplomates américains. Nous n’expulserons personne. Nous ne souhaitons pas empêcher leurs familles et leurs enfants de profiter de leurs lieux habituels de repos pendant les fêtes”, a déclaré Valdimir Poutine, cité par le site d’informations Vzgliad. “Nous inviterons même tous les enfants de diplomates américains à l’Arbre de Noël du Kremlin [Nouvel An et Noël orthodoxe le 7 janvier]”, a même ajouté le chef du Kremlin, comme pour enfoncer le clou.

   Selon ses dires, la Russie aurait toutes les raisons de mettre en oeuvre une riposte symétrique aux agissements de Washington, mais Moscou ne souhaite pas s’abaisser à “ce niveau de diplomatie de cuisine”, de “diplomatie irresponsable”. Les relations de la Russie avec les États-Unis doivent en effet se construire en fonction de la nouvelle administration du président Donald Trump.   (...)

   (...) Trois semaines avant son départ de la Maison-Blanche, Barack Obama a annoncé, le 29 décembre, l’entrée en vigueur de nouvelles sanctions “d’une sévérité inédite” contre la Russie. Le président accuse Moscou d’être impliqué dans les cyberattaques qui ont visé des comptes américains pendant la campagne présidentielle.

   Ainsi que le rapporte le quotidien Kommersant, cinq structures russes – dont le FSB et le GRU (renseignements de l’armée) – ont été ajoutées à la liste noire américaine, ainsi que six nouvelles personnes, parmi lesquelles Igor Korobov, le patron du GRU, et deux hackers. Par ailleurs, 35 diplomates russes, dont l’activité “ne correspond pas à leur statut diplomatique ou consulaire”, font l’objet d’une mesure d’expulsion dans les 72 heures. Enfin, deux sites appartenant à la Russie, dans le Maryland et à New York, abritant, selon l’appellation, les datchas diplomatiques, seront interdits d’accès.  (...)

   (...) Le ministère des Affaires étrangères russe a réagi “avec une extrême dureté”, qualifiant les agissements de l’administration américaine de “manifestation d’agressivité absolument imprévisible” et promettant “une réaction adéquate”Parmi les autres réactions, l’ambassade de Russie aux États-Unis a déclaré sur son fil Twitter : “Les sanctions contre la Russie annoncées le 29 décembre visent directement à dynamiter les relations russo-américaines. Elles ne resteront pas sans réponse.”

   Le Premier ministre Dmitri Medvedev [qui avait été élu président de Russie en 2008, quelques mois avant l’élection de Barack Obama] a pour sa part tweeté : “Quelle tristesse cette administration Obama qui a commencé son existence avec la restauration de notre collaboration et la termine dans une agonie antirusse.”  

Quant à la porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe, Maria Zakharova, réputée pour son verbe haut, elle a lâché :“Aujourd’hui, l’Amérique, le peuple américain ont été humiliés par leur propre président. […] Le monde entier, du parterre aux balcons, observe ce coup fatal porté au prestige de l’Amérique par Barack Obama et son équipe inculte composée  de ratés, d’individus aigris et minables. […] Aucun ennemi des États-Unis n’aurait pu lui faire plus de tort. […] Dès vendredi, il y aura des déclarations, des contre-mesures et beaucoup de choses encore.”  (...)

   (...) Interrogé par Kommersant, le géopolitologue russe Fiodor Loukianov commente la situation en ces termes : “Au moment où le rideau tombe, Barack Obama exprime enfin la vraie nature de ses relations avec une série d’interlocuteurs sur la scène mondiale.”

   L’abstention américaine sur la résolution “anti-israélienne” de l’ONU d’abord, “et maintenant cette guerre diplomatique avec la Russie dans le style des années 1970”. (...)

   (...) Pour l’expert, le but de cette manœuvre brutale est de “rendre compliquée la mise en œuvre de relations avec Moscou pour la prochaine administration […]. Trump et son secrétaire d’État devront partir d’encore plus bas que précédemment”.  En s’abstenant de rendre la pareille, Vladimir Poutine mise sur de bonnes relations avec Donald Trump.

 http://www.courrierinternational.com/article/vu-de-russie-sanctions-lagonie-antirusse-du-regime-obama