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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LES PENSÉES
    SONT LE BOUCLIER DE L’ÂME)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/53)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       Le drame se précise, via les onguents d'Angélus, la chaleur qui fait tourner les coeurs et broie les corps...
    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE


    Jeune-Femmes-Going-To-A-Procession-Jules-Breton

       Sur le chemin qui menait à la chapelle, tandis que les Soeurs chantaient, les conversations allaient bon train. Il n’y était question que de l’apothicaire et des cas d’eczéma qui fleurissaient depuis qu’ils n’étaient plus traités par lui. Sans compter les vieilles maladies de peaux qui se réveillaient avec les chaleurs. 

       Au bout du compte, ne ferait-on pas mieux de lui faire confiance ? N’était-ce pas plutôt une malédiction qui planait sur le village, une malédiction dont il n’était pas responsable ? Certains branlaient du chef, convaincus ; d’autres réprimaient une moue dubitative. Après tout, n’est-ce pas, il n’y avait pas de fumée sans feu... 

       Bref, les coeurs en étaient plus aux interrogations qu’à la fête. A ce climat de doute et de malaise général, une fois que l’on fût arrivé à la chapelle, le Père Grangeais ajouta un sermon dans lequel il était justement question de châtiment divin où Dieu lui-même faisait intervenir Satan, ce qui eut pour effet de les troubler davantage et de les laisser totalement indécis quant à l’attitude à adopter vis à vis de Gabrielli. 

       Au sortir de la chapelle, cependant, les participants retrouvèrent leur gaieté et chacun entreprit de ripailler avec force démonstration de joie. Au cours du pique-nique, qui se déroulait à cinq kilomètres de là, sur une aire à l’herbe rase d’où l’on dominait Fontseranne, les Soeurs ne furent pas les dernières à s’amuser, à rire et à boire plus que de raison. La lourdeur de l’air rendait chacun nerveux et les cris sonnaient faux. 

       Elaine, qui était assise entre les deux novices, ne mangeait que du bout des lèvres. L’orage qui approchait lui donnait mal au cœur. Les odeurs des victuailles mêlées à celles des corps transpirants étaient insupportables. Elle se recroquevillait sur elle-même, la tête prise dans un étau, assommée par l’attitude insouciante de Sœur Adèle et de Sœur Jeanne qui ne cessaient de glapir sottement. 

       Certaines des religieuses, dont les deux novices, se barbouillèrent la figure avec des cerises, mais elles durent cesser sous les remontrances de Sœur de la Miséricorde. Cela devenait indécent et de plus cela attirait les guêpes ! De fait, il en arrivait de plus en plus et la présence de ces insectes vrombissant ne tarda pas à mettre Elaine au bord de la crise de nerfs. La Mère Supérieure tenta alors de la rassurer. 

       - Voyons, ce n’est rien mon enfant. Regardez, elles sont inoffensives. 

       Et, de ses doigts délicats, elle les chassa du groupe. 

       - Faites attention, ma Mère, vous en avez sur les pieds aussi ! s’exclama Sœur Adèle. 

       Alors, une dizaine de guêpes s’agglutinèrent un instant sur ses mains et sur ses orteils. On poussa des cris, pensant que la Supérieure allait se faire piquer. Pourtant, Camille de l’Incarnation ne se plaignit de rien. Ses extrémités lui étaient insensibles. Le Père Grangeais, rendu nerveux par cette agitation, lui assura qu’elle avait sur la main des traces de piqûres et qu’à son âge ce n’était pas très bon, qu’elle risquait une allergie. Il alla quérir le docteur Gleize qui mangeait avec les autorités. 

       - Qu’en pensez-vous docteur ? 

       Ce dernier n’eut pas le temps de lui répondre. La main de Sœur Camille commença à enfler, à se boursoufler de toute part, arrachant à la malheureuse des cris plaintifs. 

       - Mais que m’arrive-t-il ? Je veux voir Angélus ! balbutia-t-elle. 

       - Allons, ma chère, ressaisissez-vous, lui enjoignit le prêtre. Le docteur va vous soigner. 

       - Non, seul Angélus peut m’aider ! hurla la religieuse en tentant de se lever. 

       Autour d’elle s’était fait un attroupement. Qu’arrivait-il à la Mère Supérieure et pourquoi appelait-elle l’apothicaire par son prénom ? Se connaissaient-ils avec un si grand degré d’intimité ? 

       Elaine comprit immédiatement, en voyant la peau de Sœur Camille se couvrir de phlyctènes, qu’elle faisait une réaction à la crème d’Adrien. Tout son visage était maintenant enflé, les paupières et les lèvres bouffies, d’une rougeur extrême. La religieuse, toute tremblante, se mit à bafouiller. 

       - Ce sont ces crèmes qu’il me met... Seigneur Jésus, ayez pitié de moi ! 

       Un murmure de désapprobation commença à se propager parmi les badauds. 

       - Elle délire, dit le prêtre, elle est prise de fièvre, n’est-ce pas docteur ? 

       Ce dernier, réalisant qu’il avait à faire à une machination d’Angélus, ne voulut pas risquer sa réputation. 

       - Je pense, hélas, que ce cas ne relève pas de la médecine mais bien de la sorcellerie et je crains que Monsieur Gabrielli n’ait poussé un peu loin ses besoins d’expérimentation. Tous les Fontserannais peuvent en témoigner. Il est temps de réagir. Pour ma part, je ne peux rien faire pour la Révérende Mère. 

       Ce dernier mot fit tressaillir le prêtre. Sœur Camille n’avait en effet plus rien de la religieuse respectable qu’il avait toujours protégée. Ses condisciples l’entouraient, sœur de la Miséricorde la première, et elles tentaient de la calmer, mais en vain. La Mère supérieure s’agitait de plus en plus, exhibant ses mains boursouflées, ses pieds de plus en plus déformés. Sous le voile, son visage se marbrait, paraissait se métamorphoser en une espèce de gargouille telle qu’on les voit à la capitale, sur les tours de Notre Dame. 

       Mais il y avait pis que cet aspect extérieur. Sœur Camille de l’Incarnation osait dévoiler devant tout le monde ses rapports illicites avec Angélus. Des rapports, qu’en son for intérieur, le Père Grangeais jalousait depuis qu’il en avait eu connaissance. 

       En dépit des efforts des soeurs, la religieuse fut prise de soubresauts et on s’écarta, la laissant s’agiter au milieu d’un cercle de badauds brusquement terrifiés. Plus les minutes passaient, et plus elle devenait ce qu’elle aurait dû être sans le secours des potions miracles qu’elle s’administrait depuis des années. 

       A ce propos, le Père Grangeais réalisa soudain que sa beauté, si elle était plus rayonnante depuis l’arrivée de cet apothicaire, remontait tout de même à une quinzaine d’années, vingt peut-être, il ne savait plus, date à laquelle Camille ne pactisait pas encore avec ce diable. 

       Il avait mis alors son teint resplendissant sur le compte de son entrée en religion, ce qui l’avait attaché plus encore à Camille, car il voyait dans cette beauté un signe venu du ciel. Il ignorait que Jean lui avait laissé des recommandations avant son départ. 

       Camille lui cachait donc quelque chose. Son pacte avec le Diable datait de longtemps et il avait ainsi adoré, ces longues années durant, un suppôt de Satan ! Cette Camille ne valait pas la peine qu’il se perde aux yeux du Très Haut. N’était-elle pas fille Galin, sœur d’un mécréant marqué dès sa naissance et rejeté par tous ? Toutes ses terreurs nocturnes, ses effrois de l’âme le submergèrent et il n’y eut plus, dans son cœur soudain racorni, que de la haine et du désir de vengeance afin de sauver ce qui restait de sa sainteté si durement éprouvée. 
    ***
    (A Suivre)

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    "C'est super! Quand je tourne, ma robe elle fait pareil!"


    metin demiralay

    (Cette ex-blonde gardait quelques séquelles
    de son ancien état)

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    "Je dors debout..."


    Clear by Vladimir Fedotko

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    (La campagne "Moi j'aime faire de la bicyclette avec des bas"
    ne fit vendre aucun de ces moyens de locomotion...)


    by Ksenia Sazanovich

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    (Ces nouveaux métiers pour jeunes filles n'ayant pas froid aux yeux
    réclamaient une certaine souplesse)


    Busosnyatie. by Vladimir Fedotko


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    Jacques Damboise

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LE TEMPS N'APPARTIENT A PERSONNE)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/52)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste



       Soeur Adèle et Elaine jouent, malgré elles, les voyeuses en apercevant Angélus Gabrielli qui se baigne nu dans la rivière...

    ANGÉLUS
    ou
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE




    Jeune homme nu assis au bord de la mer, 1836,...
    bonjourtableau.fr



       Elaine courut jusqu’au couvent. Elle alla dans sa cellule, sortit de son sac le pot d’onguent d’Adrien et, alors que la cloche du repas sonnait, elle se glissa dans la chambre de Sœur Camille, subtilisa l’onguent que cette dernière utilisait et posa à la place celui d’Adrien sur la commode. Elle savait que chaque après-midi, à l’heure de la sieste, la Mère Supérieure ne manquait pas de s’en oindre le corps.

       Le reste de la journée, elle le passa à tresser des couronnes avec Sœur Adèle et ses compagnes. Ces dernières se réjouissaient comme des enfants de la fête du lendemain. On irait jusqu’à la chapelle Saint Jean, avec tous les habitants du bourg, à pied, en une longue procession, puis on ferait un repas champêtre et le soir, on chanterait autour du feu de l’été. 

       Adèle ne disait rien, les yeux perdus dans le vague, se contentant de sourire. Elaine aussi se taisait, savourant à l’avance une vengeance dont elle ignorait encore le tour tragique qu’elle allait prendre.

    CHAPITRE 21

       Angélus, dissimulé derrière les vitres de sa boutique, regarda la procession traverser la place. En tête venait le père Grangeais, flanqué de deux enfants de choeur portant ciboire et oriflamme, puis suivaient le sacristain et toute la congrégation entourant la statue de Saint Jean. Derrière piétinait la populace avec en premier le Maire, suivi des notables au milieu desquels se trouvait le docteur Gleize qui cultivait ainsi son image de marque. 

       Que ferait ce dernier lorsque toutes les crèmes qu’il commercialisait à Paris « tourneraient », comme avaient fait celles de Monsieur Fumel ? Ce serait une bien désagréable surprise pour lui ! Mais Angélus pensait que ce serait un juste retour des choses et il se félicitait d’avoir glissé dans les formules données à Gleize des composants qui, associés, ne manqueraient pas de faire naître ce fameux virus destructeur. Il aurait alors tout intérêt à ne plus être dans les parages. De toute façon, au mois d’août, il aurait quitté le bourg...

       Il apercevait dans le cortège ses soeurs aînées, Thérèse, Mariette et Germaine, accompagnées de leur progéniture que les costumes endimanchés ne parvenaient pas à embellir. Quant à ses frères, Michel, Joseph et Pierre, on eût dit des monstres : son œuvre souterraine avait fait des dégâts. Tous ceux qu’il avait connus ou fréquentés de près ou de loin semblaient désormais faire partie de la Cour des Miracles.

    ***

       Il faisait encore plus chaud que la veille, une chaleur lourde annonciatrice d’orage. D’ailleurs, vers l’est, d’énormes nuages s’amoncelaient et, poussés par un vent fort, commençaient à envahir le ciel entier. Sous cette canicule, tous allaient légèrement vêtus. Les Sœurs étaient en sandales de cuir et portaient leurs robes blanches réservées aux jours de fête dont l’étoffe était plus légère que celle de leurs tenues ordinaires. Elles chantaient des cantiques. Au milieu d’elles, Camille avait l’air fatigué.

       Pauvre Camille ! Angélus se demanda s’il parviendrait jamais à l’extraire de sa condition. Tout en elle sentait la spontanéité réprimée, l’angoisse face à l’idée qu’elle se faisait de Dieu, les formules toutes faites, la contrition permanente. Cela nuisait même à l’éclat de son teint. Les meilleurs onguents pourraient-ils lutter contre cette grisaille et ces remords qui la rongeaient de l’intérieur ? Ne devrait-il pas abandonner cette idée de l’emmener avec lui ? Ces questions le taraudaient et il comprit que ses jours à Fontseranne étaient comptés. Une fois encore, il devrait partir à l’aventure

    ***
    (A Suivre)

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    "Je prédis que cet extrait d'article va être boycotté
    par 69% de lecteurs et lectrices..."

    Daniel Kahneman. 
    «Les gens sont infiniment compliqués»
    Propos recueillis par PHILIPPE NASSIF

       (...) / Venons-en donc à votre théorie principale sur laquelle s’étayent toutes vos observations : notre cerveau est régi par deux personnages conceptuels que sont le« Système 1 » et le « Système 2 ». Comment les présenteriez-vous ?

       Le Système 1 régit notre intuition : il est automatique, procède par associations, cherche les relations de cause à effet et ne s’appuie que sur le particulier. Il n’a aucun atome crochu avec les statistiques ou les grands ensembles. Ce qu’il veut, ce sont des histoires, il cherche la cohérence. Or la cohérence ne dépend pas de la quantité de connaissances et de preuves qu’on a sur un sujet : nous pouvons tirer des conclusions fortes à partir de très peu. C’est ce que j’appelle « Covera » : c’est « Ce qu’On Voit Et Rien d’Autre » qui gouverne la plupart de nos impressions. 

       Prenez par exemple « l’effet de halo » qui nous pousse à parer de toutes les qualités (intelligence, fiabilité, compétence) une personne qu’on a trouvée simplement sympathique lors d’une soirée. Dernier point : le sentiment d’aisance avec lequel le Système 1 trouve une réponse renforce sa confiance dans son jugement…

       / Et en face, le Système 2 est paresseux…

       Le Système 2 a la capacité de raisonner, de résister aux suggestions du Système 1, de ralentir les choses, de faire preuve d’analyse logique et de livrer nos illusions de validité à une autocritique. Mais il n’intervient que contraint et forcé. Lorsque notre Système 2 entre en action, nos pupilles se dilatent, notre rythme cardiaque s’accélère, notre cerveau dépense une dose de glucose. Cela demande effort et concentration de pouvoir soutenir deux scénarios contradictoires. C’est pourquoi, la plupart du temps, le Système 2 se contente de valider les scénarios d’explication qui viennent du Système 1 : il est plus facile de glisser vers la certitude que de rester campé sur le doute.

       / D’où, souvent, de fausses justifications à partir de faits lacunaires ?

       Revenons à notre étanchéité à l’égard de la logique statistique. Une enquête sur les 3 141 comtés américains nous apprend que le taux de cancer du rein le plus bas se rencontre dans des comtés ruraux, peu peuplés et situés dans des États votant traditionnellement pour les républicains. Vous réfléchissez quelques secondes, écartez le facteur républicain, vous focalisez sur la dimension rurale de ces comtés et en concluez que, en effet, un mode de vie plus sain, sans pollution ni nourritures chimiques explique que les cancers soient moindres.

       Mais voilà, cette même enquête révèle que les comtés où il y a le plus de cancers du rein sont ruraux, peu peuplés et situés dans des États votant traditionnellement pour les républicains ! Logique, me répondrez-vous : la pauvreté et l’accès difficile aux centres de soin expliquent pleinement ce résultat ! À chaque fois, vous avez puisé dans votre mémoire associative pour offrir l’explication la plus cohérente. Mais la vérité est que les petits échantillons enregistrent – statistiquement – des résultats extrêmes, dans un sens comme dans l’autre : ils ne sont simplement pas représentatifs.

       / À l’image de cet exemple, la lecture de votre livre est déstabilisante, car elle nous démontre nos erreurs en direct.

       C’est vraiment la clé de notre succès : tous nos articles commençaient par une expérience auquel le lecteur pouvait lui-même se livrer et qui lui montrait directement les biais intuitifs dont il est victime. J’avais été très impressionné par la psychologie allemande du Gestalt. Les images qu’elle utilise permettaient au lecteur d’expérimenter des phénomènes d’illusion : dans un dessin, selon que vous observez la forme de deux profils qui se font face ou celle d’un vase, vous voyez deux choses différentes. C’est ce qui m’a inspiré notre manière de soumettre systématiquement le lecteur à une expérience ironique sur lui-même.

       / Mais nos intuitions, à défaut d’être justes, peuvent nous être utiles : sans les espoirs, certes excessifs, qui soutiennent nos entreprises, nous ne ferions rien.

       Oui, c’est le « biais optimiste »qui est le moteur même du capitalisme : nous exagérons toujours les chances de succès de ce que nous entreprenons. Mais cette tendance est heureusement contrebalancée par cet autre biais cognitif qu’est« l’aversion aux pertes ». Il y a alors un jeu de balance entre ces deux tendances, qui pare à un excès de témérité ou de conservatisme : nous sommes partagés entre des prévisions courageuses et des décisions timides.

       / Vos travaux sur l’intuition ont été l’enjeu d’une controverse qui, de façon exceptionnelle, s’est révélée fertile.

       Nos recherches sur l’intuition étaient en effet attaquées par l’école adverse menée par Gary Klein, pour qui un raisonnement intuitif tombe le plus souvent juste. Plutôt que de répondre par articles interposés, je lui ai proposé ce que j’appelle une « collaboration de confrontation » : il s’agit d’écrire avec son contradicteur un article à propos de nos divergences. Il a accepté et s’en est suivi un long échange de sept à huit ans au bout duquel nous avons pu signer un article intitulé : « Conditions d’une expertise intuitive : comment nous avons échoué à être en désaccord ». 

       En fait, nous ne parlions pas de la même chose. Il y a une différence entre l’anticipation à court terme et les prévisions à long terme : entre un pompier qui sent, sans se l’expliquer, qu’une maison va s’effondrer dans la minute et un spécialiste du Moyen-Orient qui livre ses prédictions sur l’évolution de la région. Car une compétence intuitive ne peut se développer que s’il y a un environnement suffisamment régulier pour être prévisible et la possibilité d’apprendre ces régularités grâce à une pratique durable – il faut à peu près dix mille heures de pratique pour devenir un expert. 

       C’est le cas pour le pompier ou l’infirmière qu’étudiait Klein et pas du tout avec les économistes et les politistes que j’étudiais. De même, un thérapeute, fort de pouvoir deviner comment son patient va réagir à ce qu’il lui dit, va s’imaginer qu’il peut aussi prédire où ce dernier en sera dans un an. Par excès de confiance, nous avons tendance à aller au-delà de notre champ de compétence. (...)

    Lire l'entretien sur:

    +++

    "Il s'agit d'un couple de Chat/Chatte.
    Et moi je suis leur Papa/Maman"


    http://deforest.tumblr.com/

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    "Non! Madame n'est pas une transgenre,
    Monsieur le malotru! Pas plus que moi!"



    Daphné Guinness: celle qui a piqué BHL à Arielle Dombasle ...
    allainjules.com

    PAKISTAN AUTREMENT 
    Première candidate transgenre

       (...) Pour la première fois dans l'histoire du Pakistan, depuis sa création en 1947, les élections législatives vont marquer le passage entre deux gouvernements civils démocratiquement élus. Ce scrutin est également une première à un autre titre: une candidate transgenre a été autorisée à briguer un poste de députée par la Commission électorale. 

       Bindiya Rana explique clairement ses motivations : "Je ne me suis jamais vraiment intéressée à la politique du pays. Mais à présent, il me semble que le temps est venu pour les gens ordinaires que nous sommes de nous faire entendre et de nous présenter aux élections pour faire éclater la mafia des propiétaires terriens, des hommes d'affaires et des politiciens professionnels [qui dirigent le Pakistan]". (...) (et pendant ce temps-là, en France, pays de la Liberté...)



    +++
    Luc Desle

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (TU ES JUSTE UN FÉTUS DE PAILLE 
    DANS LE COURANT)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/51)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste


       Elaine Cantagril se retrouve face à Angélus Gabrielli, responsable de la mort de son fiancé...
    ANGÉLUS
    ou
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE



    Les-Comediens-italiens-Jean-Antoine-Watteau

       Le lendemain matin, il faisait encore un temps splendide. Sur la place du bourg, quelques baraques étaient en train de s’installer à la grande joie des enfants.

       Angélus sortit par la porte de derrière et coupa à travers champs jusqu’à la rivière. Il lui fallait prendre une décision quant à l’orientation à donner aux futurs événements. Somme toute, il avait atteint son but puisque les villageois en étaient maintenant réduits à l’état de dépendance. Par contre, lui, n’avait pas encore réussi à sauver sa main gauche, et il ne s’était toujours pas offert le plaisir suprême, eu égard à Camille, de leur révéler son identité. Alors que faire ? Partir sans mener sa vengeance à son terme, ou rester encore jusqu’au triomphe espéré ? C’était là un dilemme difficile à résoudre.

       Le soleil inondait les rochers plats. Angélus s’y allongea. La chaleur bienfaisante caressait son corps, comme nul être n’aurait pu le faire, il le savait. Dans ces longues et lointaines pérégrinations, jamais il n’avait rencontré de mains assez souples et chaleureuses capables de rivaliser avec les rayons du soleil. Certes, il en avait senti qui avaient du magnétisme, du savoir-faire dans l’art des massages, mais jamais cette vibration, cette énergie solaire que lui possédait au bout de ses doigts et dans le creux de sa main. 

       Il était tellement dans l’instant qu’il n’entendit pas arriver Sœur Adèle, ni plus tard Elaine. La première était venue sous le prétexte de ramasser des fleurs dont elle ferait des couronnes, pour la fête de la Saint Jean. Elle espérait bien revoir Monsieur Gabrielli qu’elle avait déjà aperçu, quelques jours avant, en train de se baigner là, près de la cascade. Le spectacle de cet homme resplendissant de beauté, se baignant nu comme aux temps bibliques, l’avait laissée dans une telle extase qu’elle n’eut de cesse de revoir encore celui qu’elle avait surnommé, dans son cœur, l’archange Gabriel. 

       Sa naïveté et sa candeur l’avaient jusque là protégée des vaines culpabilités. Pour elle, le mal ne pouvait pas habiter la perfection, et Angélus était parfait, hormis cette main que d’habitude il tenait gantée et qui, dénudée, semblait de loin malade.

       Sœur Adèle avait veillé à ne pas être suivie, mais Elaine avait remarqué chez sa compagne une telle effervescence qu’elle avait tenu à la suivre pour voir ce qui pouvait à ce point lui rendre le cœur léger. Elle la trouva donc debout derrière un saule, comme figée dans une admiration béate, littéralement transportée vers des espaces divins. Et, tout là-bas, sous les embruns de la cascade, un homme se laissait caresser par l’eau bouillonnante.

       Tout d’abord elle ne reconnut pas Angélus car l’eau estompait les traits de son visage, mais elle vit la main gauche de l’homme et comprit qu’il s’agissait de l’apothicaire. D’ailleurs, qui d’autre dans le bourg serait venu à cette heure se baigner seul ? Tous vaquaient à leurs affaires, ou étaient occupés aux premières moissons. 

       Puis Angélus sortit de l’eau. Elaine étouffa un cri. Adèle n’avait pas bougé. Elle continuait à regarder son archange dans sa splendide nudité. Et on pouvait lire dans son attitude toute la dévotion muette qu’elle lui vouait. Nulle trace de sentiments troubles. Une totale contemplation.

       Elaine, comme médusée par l’atmosphère recueillie de la scène, se risqua à contempler Angélus qui s’était de nouveau étendu sur les rochers. Son regard glissa sur ce corps d’ange qui gisait là dans toute son innocence. Puis l’évidence s’imposa à elle : ce corps n’avait pas de sexe. Du moins le lui sembla-t-il tant elle mit de la hâte à risquer sa vue sur cette masculinité, son éducation lui interdisant de se livrer à un tel voyeurisme. Succédant à la mollesse et à la confusion qui s’étaient emparées d’elle, la détermination prit le pas. Il fallait au plus vite se débarrasser de cet étrange meurtrier qui risquait, si on le laissait faire, de contaminer les plus pures.

       Adèle s’était, elle aussi, arrachée à sa contemplation. Elle ramassait à présent des brassées de fleurs, tout enivrée par le spectacle auquel elle avait assisté.

    ***
    (A Suivre)

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    "Aïe nide you for
    bouter l'Anglois out aware frontier"


    Les Femens ne portent pas 
    de tee-shirts (dicton franglais)
    Théophraste R. 

       (...) Les Français, réputés allergiques aux langues étrangères, sont-ils subrepticement devenus anglophones ? Oui, prétendent les enseignes, les pubs, et jusqu’aux noms d’entreprises : épiceries Carrefour City, France Telecom (sans accents aigus), téléphonie Free, Photo-shop…

       Les pires sont les tee-shirts. Il suffit de changer la lettre « j » par « i » et le « J’aime » français devient « I love ». Pour quel bénéfice, ô pédants prétentieux, fats et ignares à la fois?

       Le nec plus ultra est de supprimer aussi l’article : « I love télévision ». Et non pas « la » télévision. Et notez bien la présence des accents qui, là, ne devraient pas y être, puisqu’on prétend parler anglais.

       C’est le déferlement d’un franglais pathétique. Ah ces complexés recalés au bac qui arborent des tee-shirts de l’université de Los Angeles (UCLA) ou de la poulaillerie New-yorkaise (NYPD), à commencer par l’ex-président de la France, qui parle anglais comme moi, quand je fais le pitre : hi vrite tout te blaque bohardd visse ha pisse of chalque ! (Dedaj et Gensane, anglicistes pointus corrigeront cette phrase).

       (Qui sur la photo ? J’hésite entre Marine et Marion. En tout cas, ce n’est pas Marianne).

       PS. « I love télévision » ! Je ne vous dis pas le niveau de bêtise inconsciente et satisfaite nécessaire pour se transformer fièrement en femme-sandwich qui proclame en subliminal :« I am une abrutie de première et je veux que vous le sachiez ». (...)


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    (Cette blonde cherchait ses lunettes)



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    "Je dois garder ce chapeau encore un peu...
    Ensuite, m'a dit ma Belle-Mère, ce sera
    LA surprise... J'ai hâte!"


    Les exclus du mariage pour tous
    Wojtel Zralek-Kossakowski 

       (...) Et dire que ça devait être si beau… De la liberté, de l'égalité, de la fraternité. La loi sur le mariage homosexuel était présentée sous le joli intitulé de "mariage pour tous".

       On a dit que l'Etat français faisait un pas de plus pour accorder à des exclus le droit de décider de leur destin. Désormais, de nombreux homosexuels pouvaient ne plus se considérer comme des citoyens de seconde zone. C'était l'accomplissement de Révolution française. Vive la France ! Allez les Bleus !

       Cependant, les médias français ont découvert l'existence d'une circulaire ministérielle relative à la loi sur le mariage homosexuel, selon laquelle un(e) citoyen(ne) français(e) peut se marier avec un(e) ressortissant(e) étranger(ère), sauf si celui-ci ou celle-là sont citoyens algériens, bosniens, monténégrins, cambodgiens, laotiens, serbes, kosovars, marocains, slovènes, tunisiens ou... polonais. Tout cela à cause d'accords bilatéraux datant pour certains des années 1950 et 1960.

       Algérie, Cambodge, Laos, Maroc, Tunisie... Difficile d'oublier l'épisode colonial. Justement, la moitié de ces pays ont eu un "partenariat" difficile et douloureux avec la France. Les médias français évoquent cette question et ce n'est guère étonnant : comment marier la réalité avec les beaux slogans sur le mariage pour tous ? Le gouvernement français n'a pas encore pris position et l'on assiste à une sorte de bras de fer entre le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères.

       La Pologne et la France ont signé un accord bilatéral en 1967 selon lequel, en matière de mariage, les citoyens polonais dépendent de la législation polonaise. Il est étonnant qu'aucun des fonctionnaires polonais (et pourtant, la chaîne de télévision TVN24 en a interrogé plusieurs) qui se sont prononcés au sujet du mariage entre Joanna Duda et Anu Czerwinski [les autorités polonaises ont refusé de fournir une attestation à Joanna sous prétexte que le mariage était contracté selon la Constitution polonaise entre un homme et une femme, le nom du futur époux figurant sur le document] n'ait été au courant de l'existence de cette circulaire.

       Cette triste affaire nous montre non seulement que l'exclusion est réelle, mais aussi qu'elle est politique. Plus encore, elle est supranationale. Pourquoi un(e) citoyen(ne) tchèque peut-il (-elle) se marier avec son (sa) partenaire français(se) pendant qu'un(e) Polonais(e) ne le peut pas ? Pourquoi une femme domiciliée en Algérie peut-elle se marier avec un homme vivant en France alors qu'une femme originaire d'Algérie ne peut pas se marier avec une femme installée en France ? Le mariage n'est-il pas pour tous ? (...)

    Note :*en français dans le texte


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    Benoît Barvin

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LA MONTAGNE NE SE TRAVERSE PAS)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/50)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste


       Angélus Gabrielli, l'apothicaire, est en butte à des plaintes concernant ses onguents qui se révèlent, au final, pernicieux...

    ANGÉLUS 
    ou 
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE 


    CHAPITRE 20

       C’était un mois de juin magnifique. Angélus avait vu ces derniers temps sa clientèle particulière l’abandonner. Seuls les patients envoyés par le docteur Gleize se risquaient à franchir le seuil de la boutique, et encore se montraient-ils réticents à lui faire réaliser des préparations, préférant acheter des remèdes manufacturés, comme il en existait désormais sur le marché.

       Certains clients commandaient même leurs remèdes à Espigouze ou à Aubenac. A ce rythme-là, il était évident que la pharmacie allait faire faillite, et c’était ce que souhaitaient de tout cœur les Fontserannais.

       Angélus, cependant, goûtait une joie secrète, car tous voyaient leur santé péricliter. Ils recouvraient leur apparence hideuse, chaque jour un peu plus. Et cette fois, aucun onguent miraculeux ne pouvait les soulager. Ils en étaient tenus, pour pouvoir se venger de lui, à vivre dans des affres tellement insupportables que la tension avait monté d’un cran. Angélus, aux regards meurtriers que tous lui adressaient, avait compris qu’il valait mieux se trouver le moins souvent possible sur leur chemin. 

       Il continuait à se rendre au couvent le vendredi car c’était la saison où l’on herborisait le plus, et il donnait des conseils pour le séchage des plantes. Mais au lieu de n’y rester que quelques heures en début d’après-midi, il avait décidé de partir de bon matin, laissant pendant ce temps sa boutique close. Ce qui fut très mal pris par les Fontserannais, bien qu’ils aient reçu comme consigne de se passer de ses soins. 

       Eux le voulaient fidèle au poste, au service de leur bon vouloir. Jamais le Sieur Andrieu n’aurait laissé son officine fermée toute une journée ! D’ailleurs, il avait toujours un apprenti ou un commis pour l’aider, chose à laquelle Angélus s’était catégoriquement refusé, préférant travailler seul.

       - Vous êtes bien matinal, remarqua Sœur de la Miséricorde, lorsqu’il se présenta au parloir. Sœur Adèle, puisque vous partez donner classe, allez ouvrir l’herboristerie en passant.

       La Sœur s’exécuta. Angélus demanda à voir la Supérieure, mais ne pouvant la rencontrer en aparté sans éveiller de soupçons, il se contenta de donner une recommandation concernant la cueillette.

       - Pouvez-vous dire aux Soeurs qui iront herboriser ce jour de ne ramasser que des mauves et des boutons de coquelicots.

       Puis il rejoignit la petite salle où les moniales mettaient les plantes en sachet, entières ou réduites en poudre. Sœur Adèle était encore dans la pièce.

       - Je vous ai ouvert la fenêtre. L’air extérieur est si léger ce matin qu’il serait dommage de ne pas profiter de sa caresse.

       Angélus planta son regard dans celui de la jeune fille. Elle ne cilla pas. Ce n’était pas la première fois qu’il remarquait cette jeune religieuse. Il émanait d’elle une intelligence, une fraîcheur et une franchise si peu communes en de tels lieux qu’il trouvait regrettable qu’elle se soit consacrée à Dieu. 

       - Je vous remercie, lui dit-il. Il est en effet dommage de se priver des trésors que la Nature nous offre.

       - Je suis tout à fait d’accord avec vous... Oh, j’entends la cloche de huit heures! Je vais être en retard. A bientôt.

       Angélus ne resta seul que quelques secondes. Elaine vint frapper à la porte.

       - Bonjour, vous m’aviez dit que je pourrais venir vous consulter, vous vous rappelez ?

       - Cela ne date pas d’hier, Elaine, mais en effet, je m’en souviens. Je suppose que vous allez mieux, sinon vous m’auriez contacté avant, car j’ai souvenir que nous nous sommes croisés maintes fois. Je fais erreur, peut-être ?

       - Pas du tout, répondit Elaine gênée par le regard inquisiteur du jeune homme. Mais j’ai des questions à vous poser. Sœur Adèle, la jeune novice qui sort à l’instant d’ici, m’a dit un jour que vous étiez un génie. J’aimerais bien savoir ce qu’elle entend par là. Avouez que dans la bouche d’une future religieuse, ces paroles sont bien étranges.

       - Le terme de génie est peut-être un peu fort, pourtant Adèle me semble être la plus sensée des personnes vivant dans ce couvent. Et pour le peu que je sache d’elle, mon impression est qu’elle n’est pas à sa place parmi ces religieuses.

       - Le couvent est pour beaucoup un refuge, une bulle à l’écart du monde, une protection. Vous-même n’y trouvez-vous pas le calme nécessaire à vos recherches ? 

       Angélus ne releva pas le sous-entendu, se contentant d’un geste vague et d’un demi-sourire. Elaine entra alors dans le vif du sujet.

       - Vous semblez avoir un idéal qui vous porte et j’avoue que, depuis la mort de mon fiancé, je ne sais comment reprendre goût à la vie. J’ignore si la religion pourra m’aider à sortir de ce vide intérieur.

       - Ce qui est vécu avec passion peut combler l’âme de quiconque, répondit Angélus d’une voix douce. La tiédeur affadira votre existence si vous la laissez prendre le pas sur votre volonté, votre engouement ou votre désespoir. Quel que soit le sentiment dont vous serez submergée, allez jusqu’au bout de ce qui est juste et bon pour vous… et pour vous seule. J’ai toujours agi ainsi, et je me sens parfaitement en paix avec moi-même.

       Elaine sentit ses joues s’empourprer sous la colère et ne put s’empêcher de provoquer Angélus.

       - Ainsi, vous iriez, si j’ai bien compris, jusqu’à faire fi de la vie des autres pour atteindre votre but ?

       - Si ce but-là sert à nourrir une Oeuvre qui dépasse de loin les éléments en présence… J’irai jusqu’à sacrifier toute personne qui se mettrait en travers de mon chemin, oui, très certainement.

       Une lueur passionnée brillait dans les yeux d’Angélus. Elaine se dit qu’elle avait à faire à un fou plutôt qu’à un génie, et la peur la reprit.

       - Et quelle est donc cette œuvre qui mérite tant de sacrifices ? demanda-t-elle, d’une voix tremblante.

       - Pouvoir atteindre et toucher la transparence. Pouvoir créer plus doux, plus diaphane que la bise du matin, plus chaud et léger que le rayon de soleil printanier, voilà mon but, Elaine.

       - N’est-ce pas cela qui a contribué à la mort de mon Adrien ?

       Angélus marqua un temps d’arrêt.

       - Peut-être recherchait-il une beauté trop terre à terre, qu’en pensez-vous ?

       - Vous ne répondez pas à ma question, Monsieur Gabrielli.

       - La réponse est en vous, Mademoiselle. En tout cas, tous les hommes sur cette terre ont été, un jour ou l’autre, responsables de près ou de loin de la chute de quelqu’un. Votre Adrien comme les autres. Vous ignorez sans doute que, dans ce bourg même, il y a de cela bien longtemps, avec des jeunes de son âge, il a contribué à la mort d’un des leurs... Nous sommes tous ange et démon suivant les moments, les intérêts ou l’envie.

       Les larmes aux yeux, Elaine s’écria :

       - Mais qui êtes-vous donc pour vous permettre de juger ainsi des êtres qui vous sont totalement étrangers ? A moins que l’on ne vous ait chargé de venger quelqu’un ? Peut-être...

       Sœur de la Miséricorde interrompit cet échange de plus en plus passionné en entrant sans frapper dans la pièce.

       - Hé bien Elaine ? Je vous cherche partout. Vos compagnes vous attendent pour aller herboriser.

       Angélus se détourna et fit semblant de s’occuper. La jeune femme s’efforça de cacher ses larmes et, serrant les poings, elle passa rapidement devant la religieuse. 
    ***
    (A Suivre)

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    "Mon Dieu! Toutes mes données personnelles
    ont disparu de mon passeport!"



    http://bulgarie1.zigo.over-blog.com/categorie-12446026.html

    Les Bosniens pleurent un bébé mort 
    à cause d'un vide juridique

       (...) Environ 2 000 personnes se sont rassemblées dimanche 16 juin à Sarajevo, la capitale bosniaque, pour rendre hommage à un bébé mort en raison d'un vide juridique qui a empêché des milliers d'enfants nés depuis février d'être soignés et de pouvoir quitter le pays. Les participants au rassemblement ont allumé dans le silence des centaines de bougies sur le parvis du Parlement. Des enfants ont posé à même le sol leurs jouets à la mémoire de Berina Hamidovic, un bébé d'un mois mort jeudi dans un hôpital à Belgrade, en Serbie voisine.

       (...) Cet enfant n'a pas pu être soigné en Bosnie et les médecins locaux ont recommandé son transfert vers une clinique à Belgrade. Mais le bébé ne pouvait pas obtenir un passeport car il ne disposait pas de numéro personnel d'identification, et le transport ne pouvait pas se faire sans entraves, a expliqué à la presse le père de Berina, Emir Hamidovic. "L'Etat a refusé de nous délivrer un passeport pour Berina. On s'est débrouillés pour franchir la frontière avec l'aide de la police frontalière. Mais ensuite l'hôpital de Belgrade nous a demandé de leur verser un millier d'euros, que nous n'avions pas et que l'assurance-maladie bosnienne a refusé de payer. Mais il était déjà trop tard pour tout", raconte M. Hamidovic, larmes aux yeux.(...) 

       (...) Plusieurs manifestations ont eu lieu devant le Parlement à Sarajevo depuis début juin pour exiger l'adoption d'une loi sur le numéro personnel d'identification pour les enfants nés depuis l'annulation, en février, de la précédente réglementation. "C'est la première victime d'une situation politique dont on ne voit pas l'issue. Que faire quand on a une telle élite politique ? Nous pouvons seulement prier pour la santé des enfants qui naissent ici", a déclaré Nela Djenisijevic, une actrice, elle-même mère d'un enfant né récemment et qui n'a pas pu obtenir de numéro d'identification personnel.

       Faute de ce sésame bureaucratique, il n'est en effet pas possible pour ces enfants de bénéficier de l'assurance-maladie et d'avoir un passeport. Les élus musulmans, serbes et croates qui représentent au Parlement les trois principales communautés de ce pays ethniquement divisé, campent sur leurs positions et n'arrivent pas à parvenir à une solution de compromis. (...) 




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    (Le fils de ce capitaine d'industrie
    avait la tête de l'emploi)


    (Source: winnersusedrugs)

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    "Je n'exporterai pas mon savoir-faire 
    dans d'autres maisons! Pas question!"


    Le Masque d'or [The Mask of Fu Manchu] de Charles Brabin (1932 )



    La fragmentation du monde 
    et les futurs malheurs de la Chine
    Eric Le Boucher

       (...) Les tensions montent: panneaux solaires, pneus, aciers spéciaux, télécoms... Washington et Bruxelles ont décidé de ne plus fermer les yeux sur les pratiques «déloyales» de la Chine. Et Pékin, en rétorquant par des menaces brutales sur le vin et les berlines allemandes, aggrave son cas. L'empire du Milieu qui a vécu deux mille ans tourné sur lui-même et manque de ce fait de savoir-faire diplomatique, se trompe pour les îles Senkaku comme pour ses exportations: ni les différends territoriaux ni le commerce ne se règlent jamais à coup d'escalades.

       Pour Pékin, l'erreur est plus fondamentale. La Chine risque beaucoup plus gros que de perdre quelques marchés de matériels. Elle a été la grande bénéficiaire de la mondialisation. Après le Japon, la Corée du Sud, elle a pu appuyer son développement sur l'exportation et obtenir une ahurissante hausse de son niveau de vie en trente ans. Elle peut maintenant, elle doit, basculer son mode de croissance vers la consommation interne. Mais pour le faire sans explosion, il lui faut du temps, elle a donc encore besoin d'exporter beaucoup et longtemps.

       Or, entre-temps, la mondialisation a changé et la mégafragmentation qui vient ne va pas lui être favorable. De quoi s'agit-il? De deux modifications radicales. D'abord, l'éparpillement des chaînes de production (supply-chain). Au lieu de fabriquer tout un produit dans une usine, on répartit les éléments dans des lieux spécialisés différents, à l'étranger souvent, et le montage final dans un autre. Ce phénomène est devenu considérable: les produits intermédiaires représentent 60% du commerce mondial. Le «contenu en importations des exportations» est passé de 20% il y a vingt ans à 40% aujourd'hui et, calcule Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, à 60% dans vingt ans[1].

       La conséquence est de renforcer la dépendance réciproque des économies. La mondialisation ne se replie pas, bien au contraire, le commerce international est devenu crucial, la crise n'a pu provoquer ni une chute de ses volumes ni un véritable regain du protectionnisme. Hausser une barrière douanière et pénaliser des importations qui rentrent dans ses propres exportations, c'est se tirer une balle dans le pied. «Le protectionnisme est devenu du destructionnisme», résume parfaitement l'économiste Richard Baldwin. Dans ce contexte du commerce des chaînes (supply-chain trade), les entreprises ne feront plus «tout» en Chine. Ses salaires élevés sont un appel à des sous-traitances en Asie du Sud-Est. Il faut donc que Pékin trouve une harmonie régionale. Elle ne pourra pas la construire dans la confrontation.(...)

    [1] L'OMC entre deux mondes. «La Revue des deux mondes», avril 2013. Retourner à l'article

    Lire la suite sur:


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    Luc Desle

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LE BEAU N'EST PAS SOLUBLE
    DANS LE RÉEL)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/49)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

          Angélus a commencé à expérimenter ses onguents sur sa soeur Camille...

    ANGÉLUS 
    ou
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE


    Philippe PINEL (La Salpêtrière)

       Une semaine après ces appels à la raison adressés à l’apothicaire, un conseil fut réuni au sujet des étranges maladies qui semblaient n’atteindre que les gens du village. A ce conseil assistèrent le Père Grangeais ; Monsieur Plantade, le maire ; Maître Beaujean, le notaire, ainsi que des notables du bourg. Il en ressortit qu’effectivement la population semblait être la victime de quelque fléau, mais qu’il fallait se garder d’entrer dans des explications irrationnelles. 

       D’après les quelques plaintes déposées, tous les plaignants avaient eu à faire avec Messieurs Gabrielli et Gleize, ce qui était naturel vu leur métier respectif et le fait qu’ils étaient les seuls à exercer ces fonctions dans le bourg. 

       - On ne peut quand même pas accuser Gleize, diplômé de l’école de Montpellier ! s’insurgea le Maire. J’ai moi-même souffert à deux reprises de problèmes cutanés, et ils ont été grandement soulagés par les prescriptions du docteur. Quant à notre apothicaire, c’est librement que je l’ai consulté. Une de ses pommades m’a apporté un grand bien-être et je suis prêt à en témoigner devant n’importe quel tribunal ! 

       - Cependant, on m’a consulté pour faire suivre ces plaintes, fit Maître Beaujean. Pour l’instant, j’ai temporisé et j’ai préféré en parler aujourd’hui, au conseil... 

       - Quels sont les auteurs de ces plaintes ? demanda le Père Grangeais. 

       En entendant les noms de quelques victimes d’Angélus Gabrielli, le prêtre s’efforça de ne pas trahir son trouble. Il savait, pour les avoir entendus en confession, que ces gens avaient bel et bien été traités par l’apothicaire, et lui seul, et que c’est après avoir pris ses drogues que l’état des patients avaient empiré. Oh, certes, il ne s’agissait que d’une multiplication d’érythèmes, par exemple, ou de bubons malgracieux. Mais dans l’état d’effervescence où se trouvait Fontseranne, ces désagréments suffisaient. 

       Le prêtre s’efforça de minimiser les torts de Gabrielli. Il mentit, sachant combien la Supérieure avait en haute estime le jeune homme. C’était pour lui souffrance que de se faire l’apôtre de Satan lui-même, à moins que ce ne fût d’une de ses créatures. 

       Au fur et à mesure que le Père Grangeais essayait de blanchir l’apothicaire et le médecin, son coeur battait plus fort et une mauvaise sueur inondait son corps. 

       - Pourquoi me fais-je l’avocat du Diable ? pensait-il. Je cours à ma perte en agissant de la sorte. Mais si je parle, si je dis tout ce que je sais, qu’adviendra-t-il de ma chère Camille ? 

       Comme aucune preuve ne pouvait étayer les plaintes, le conseil décida de laisser les choses en l’état. Le Maire estimait qu’il valait mieux régler son linge sale dans la commune dont il avait la charge. On conseilla donc aux plaignants de ne plus recourir aux soins d’Angélus Gabrielli, et à ce dernier, de profiter de la fête votive de Fontseranne pour fermer boutique quelques jours 

       Au lieu de calmer les esprits, ces mesures les échauffèrent un peu plus encore et le bourg se mit à bruire d’un désir de vengeance à l’égard de l’apothicaire. 

    ***
    (A Suivre)

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    "Au moins, cette pomme empoisonnée 
    n'est pas contaminée par les OGM"


    Etats-Unis : 
    la contamination du blé par des OGM
    coûte très cher à l'économie américaine
    Propos recueillis par Magali Reinert


    L'analyse de Bill Freese, de l'ONG Center for food safety.

       (...) / Novethic : Quelles sont les conséquences économiques de la contamination d’un champ de blé par un OGM jamais autorisé à la consommation humaine ?

       - Bill Freese : La contamination par un blé expérimental de Monsanto a eu lieu dans l’Oregon, un État qui exporte 90 % de son blé. Rappelons, qu’aujourd’hui, il n’existe aucun blé OGM commercialisé dans le monde. Les conséquences de cette découverte fin mai ont été immédiates : le Japon et la Corée du Sud ont suspendu leurs importations, des gouvernements asiatiques et européens ont réclamé des tests pour surveiller la présence d’OGM, les cours du blé ont baissé. Depuis, plusieurs plaintes ont été déposées par des agriculteurs contre Monsanto, accusé d’être responsable de la contamination. Il faut bien comprendre que le montant des préjudices peut être très élevé. Une étude publiée en 2005 estimait qu’une contamination du blé par des OGM pourrait coûter une centaine de millions de dollars à l’agriculture américaine.

       / Y a-t-il eu des précédents ?

       - Plusieurs. En 2006, le riz expérimental Liberty Link de Bayer avait été retrouvé dans des produits alimentaires exportés en Europe et en Asie. En quelques jours, la baisse du prix du riz américain avait fait perdre des dizaines de millions de dollars aux producteurs du sud des États-Unis. 11 000 agriculteurs avaient alors porté plainte contre Bayer, qui les avait dédommagés cinq ans plus tard à hauteur de 750 millions de dollars. Et les contaminations vont continuer.

       / Pour quelles raisons ?

       - Parce que le système réglementaire américain est incapable de prévenir la contamination de la chaîne alimentaire par des OGM. Une compagnie biotech peut obtenir une autorisation en 30 jours de la part du ministère de l’agriculture (USDA) pour un essai en plein champ. Aucune exigence n’est imposée aux industriels, qui proposent leur propre procédure. Par exemple, l’USDA ne fixe pas de distances minimales à respecter entre un champ expérimental et les champs cultivés... Dans ce cas précis, Monsanto a conduit des essais en plein champ dans 16 États sur un millier d’hectares, entre 1998 et 2004. Les disséminations du blé expérimental résistant au Roundup sont inévitables dans ces conditions. Si on détecte une contamination seulement aujourd’hui, soit dix ans après la fin des essais, c’est faute de contrôle.Cette contamination intervient alors qu’une partie des Américains réclame une meilleure information sur les produits GM. 

       / Est-ce qu’une réglementation sur l’étiquetage a une chance de voir le jour ?

       - Le blé est un sujet très sensible, car c’est la base de notre alimentation. Ce qui n’est pas le cas des cultures OGM aux États-Unis comme le maïs et le soja, destinées majoritairement aux animaux. Cette contamination du blé renforce donc la mobilisation pour un étiquetage des produits OGM, qui a pris beaucoup d’ampleur cette année. Depuis l’échec de la Californie à légiférer sur un étiquetage obligatoire (voir l'article La Californie rejette l'étiquetage OGM ), 26 États ont engagé des actions similaires. Le Connecticut a voté une loi début juin, et le Maine et le Vermont semblent lui emboîter le pas. Certes, l’application de cette loi reste conditionnée à son adoption par un minimum de cinq autres États, mais elle ouvre la voie à une législation au niveau fédéral. Ce que pousse notre organisation soutenue par une pétition signée par 1,2 million de personnes. Face à ce phénomène, certaines grandes compagnies agro-alimentaires commencent même à se dire prêtes à accepter un étiquetage a minima au niveau fédéral. (...)


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    (Jeune femme s'esclaffant à l'ex-cel-len-te
    blague d'un vieux milliardaire)



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    (Vieux emportant avec eux le matériel adéquat
    pour naviguer sur le Web)


    Les vieux déferlent sur YouTube
    GUERRIC PONCET

       (...) Qu'on se le dise, les séniors sont désormais 3,7 millions à regarder des vidéos sur Internet, soit 500 000 de plus qu'en novembre dernier. N'en déplaise aux clichés sur les geeks jeunes et branchés, c'est bien aux plus de 65 ans que les plateformes de vidéos comme YouTube ou Dailymotion doivent l'essentiel de leur progression du premier semestre 2013 ! Et non seulement les "vieux" sont plus nombreux, mais ils regardent toujours plus de vidéos : 36 % en avril 2013, contre 31 % en novembre 2012. De quoi faire évoluer les stratégies publicitaires des acteurs sur ce secteur très concurrentiel, qui rassemblait en avril 34,4 millions d'internautes sur un total de 53 millions de connectés en France.


       Autre surprise de cette étude Médiamétrie, trois nouveaux adeptes sur quatre (soit 705 000 nouveaux vidéonautes) sont des femmes. Les 15-24 ans, fer de lance historique du secteur, gardent toutefois la tête haute avec une progression tout juste inférieure à celle des séniors (+ 474 000 vidéonautes), et un temps moyen passé devant les vidéos toujours invaincu : onze heures deux minutes par mois. Soit vingt minutes par jour : deux fois plus que la moyenne. Les jeunes sont aussi largement vainqueurs en nombre de vidéos vues chaque mois, avec un score presque fou de 195, contre 89 en moyenne chez l'ensemble des vidéonautes. Ça en fait, des chatons en vidéo...(...)
    Lire sur:

    +++
    Benoît Barvin

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LA LUMIÈRE DE LA SAGESSE NE PEUT
    TE BRÛLER LA RÉTINE)

    ***
    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/48)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       Elaine Cantagril découvre un des nombreux secrets qui rôde dans le couvent, via la Mère Supérieure et l'apothicaire...

    ANGÉLUS 
    ou
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE



    Vanité sur une face, Entourage de Jacopo Ligozzi

     (1550 - 1627)

    CHAPITRE 19

       Ce qu’Angélus avait tant redouté pendant son absence s’était réalisé : sa sœur Camille avait sombré dans la folie mystique. Bien entendu, pour ses consoeurs, elle semblait correspondre à l’idée que l’on peut se faire d’une religieuse. Elle en possédait l’attitude et les effets de langage appropriés. 

       Si sa conduite, ces derniers temps, avait pu en alerter certaines, c’était plus parce qu’elle choquait leurs propres convictions, elles-mêmes déraisonnables, voire absurdes, aux yeux d’Angélus. Pour lui, ce que les Soeurs pouvaient critiquer chez Camille, n’était que l’expression naturelle d’un être qui veut jouir de la vie. Il n’y avait rien de répréhensible à s’occuper de son corps, ni blasphème, ni injure faite à Dieu, ni pacte avec le Démon. 

       Que ces gens qu’il haïssait puissent croire à de telles sornettes et aller jusqu’à s’imposer des privations, quitte à souffrir toute leur vie durant de leurs pensées étriquées, il ne pouvait que le souhaiter. Mais que Camille, elle aussi, sombre dans ces tortures mentales, le désolait. 

       Il essayait de lui faire voir l’existence sous un autre jour ; il était allé jusqu’à lui proposer de s’absenter du couvent pour un temps. Il suffisait de prétexter une raison de santé ; le docteur Gleize aurait prescrit une cure d’eau et Angélus lui aurait fait découvrir les merveilles de Paris, de La Riviera et pourquoi pas de Florence. 

       Dans toutes ces villes, ils fréquenteraient les meilleurs hôtels, ils iraient à l’opéra où dansaient des êtres graciles au corps souple, au visage diaphane, dans des costumes de mousseline et de plumes blanches vaporeuses. Elle pourrait goûter la caresse de l’eau sur son corps, et le soleil aussi.

       Elle ne voulut rien savoir. Tout ce qu’il lui proposait rivalisait trop avec les beautés promises par une vie faite de contrition. Angélus, son ange, prenait alors pour elle les traits du démon. La seule consolation de ce dernier était de constater l’efficacité de ses pommades.

       Camille était de plus en plus belle. Il craignait cependant qu’elle n’accepte plus bientôt de lui servir de cobaye, à la fois parce que cela remettait en cause ses principes religieux et aussi parce qu’elle devinait chez ses compagnes du soupçon et de la désapprobation. Or, si elle devenait rétive à essayer ses potions, Angélus n’aurait plus aucun sujet d’expérience. Camille était en effet la seule du bourg à qui il avait envie d’enlever les disgrâces. 

       Germaine, son autre sœur, restée vieille fille, venait le voir très souvent à l’officine. Elle lui trouvait bien évidemment un charme indéfinissable et n’aurait jamais pensé qu’elle puisse être en présence de son frère Jean. Aussi, elle lui contait ses misères, la vie ingrate qu’elle avait dû mener auprès de ce père ivrogne et surtout la malédiction qui pesait sur la famille Galin, cette laideur chronique portée à même la peau comme un tatouage indélébile. 

       Ses propos n’avaient jamais ému Angélus, de sorte qu’il lui avait administré le même traitement qu’aux gars et aux filles du bourg : une de ses pommades qui les liaient pour toujours à lui, à la fois drogue et poison et qui, selon la résistance de chacun, conduiraient les uns et les autres à une décrépitude profonde, lente ou brutale selon les cas. 

       Angélus aurait pu aider le hasard et accélérer la déchéance de ces pauvres bougres mais, au début, il avait pris son temps, le même temps qu’il lui faudrait à lui pour recouvrer l’usage complet de sa main gauche ainsi que sa véritable beauté originelle. Il avait souhaité une vengeance longue et machiavélique. Lorsqu’elle serait consommée, d’ici un an pensait-il, il quitterait à jamais Fontseranne, ses pouvoirs intacts, sa pureté retrouvée. Et il emmènerait avec lui Camille, son chef d’œuvre. Alors il déploierait son art et deviendrait aux yeux de tous un virtuose incontesté. Il n’aurait aucun mal à se faire connaître et surtout à imposer ses credo. Il savait que, quoi qu’il touchât, il était capable de le métamorphoser et de lui conférer une grâce inégalable. Encore fallait-il que, d’ici là, Camille puisse sortir de cette dévotion déraisonnable pleine de bondieuseries. De ce côté, rien n’était gagné.

       Qui plus est, la vie dans le bourg devenait de plus en plus difficile à supporter. Tout y était médiocre, mesquin, attaché lourdement aux vicissitudes terrestres. Rien d’aérien, de léger, d’artistique, de créatif. Cela allait faire quatre ans déjà qu’il menait cette vie terne, seulement ensoleillée par les joies de la vengeance.

       Et pour finir, cette dernière ne lui procurait pas toutes les satisfactions qu’il aurait aimé en tirer. Bien sûr, il voyait chez ses anciens camarades la décrépitude faire son chemin ; bien sûr, tous et toutes venaient à lui comme on va voir le Sauveur, espérant à chaque fois le miracle, qui ne manquait pas de s’accomplir, jusqu’à la prochaine rechute qui faisait d’eux des esclaves encore plus dépendants de leur maître. 

       Mais tout cela n’était pas à la hauteur de ce qu’il avait espéré. Certes, avec son dernier produit, il avait réussi à rendre des parties de leurs corps insensibles de sorte que les malheureux se mutilaient sans cesse. A ce propos, le docteur Gleize l’avait mis dernièrement en garde, lui disant que ces manifestations étranges allaient éveiller des soupçons chez les Fontserannais, et nuire à leur commerce.

       - Vous vous souvenez de notre accord, Angélus ? avait-il dit. Je vous laisse tranquillement expérimenter vos produits, je couvre même vos manigances sordides dont je ne veux rien savoir mais, en échange, vous me fournissez plusieurs formules de produits pour embellir la peau. Et ceux-ci ne doivent avoir aucun effet secondaire, comme le premier que vous m’avez cédé. Ma seule ambition est de devenir richissime. Vous, je ne comprends pas très bien vos motivations. Vous semblez ne vivre que pour approfondir votre science, aller toujours plus loin, tester encore et encore vos créations sur le vivant. C’est dangereux. A ce jeu-là beaucoup se sont brûlés. Alors, attention ! L’insensibilité qu’amènent vos onguents risque de nous coûter cher. Et je vous jure que si l’on remonte jusqu’à nous, je ne vous couvrirai plus. Comme il n’y a aucun moyen de prouver que je suis de mèche avec vous, vous serez le seul accusé !

       - Ne vous inquiétez pas, Docteur. Je sais ce que je fais, avait répondu le jeune homme d’un ton méprisant. Vous aurez vos formules...

       Cette vie médiocre, cette vengeance qui ne l’était pas moins influaient sur son caractère. Angélus en était à présent à se demander s’il ne souhaitait pas être enfin démasqué. Que ces gens sachent combien il les haïssait, et qu’ils reconnaissent sa toute puissance, voilà ce qu’il désirait vraiment. 

       Leur réaction serait alors très certainement violente, et face au nombre, que pourrait-il faire ? Non qu’il craigne la mort, mais il avait encore une tâche à accomplir, comme un serment qu’il s’était lancé : réussir à imiter l’œuvre de Dieu en recréant une humanité artificielle, d’abord par son aspect extérieur avant que de tenter d’en saisir les arcanes intérieures...

       Mais tout d’abord, Angélus voulait débiliter cette population un peu plus encore, la rendre aussi faible que laide pour, le jour de son triomphe, dire tout haut : « Je suis le frère de Camille Galin, celui-là même que vous avez maltraité autrefois. Voilà ce qu’il vous en coûte de m’avoir enlaidi et d’avoir mutilé mon don. ».

       Dans cette optique, depuis quelques mois il multipliait ses interventions, doublant les doses, rendant ses potions de plus en plus concentrées. Cela avait eu pour résultat de mettre tout Fontseranne en ébullition, comme au temps des grandes épidémies. Les superstitions et la peur de l’étranger qui n’avait cessé de couver en chacun, refirent surface, surtout chez les anciens. On se mit à douter du docteur qui venait d’un autre canton et, bien sûr d’Angélus, cet homme venu d’on ne savait où, et qui vraisemblablement n’était pas des leurs et ne le serait jamais. C’est ce qui avait motivé la mise en garde du docteur.

    ***
    (A Suivre)

    ***
    "Les lectrices et lecteurs de Tu Quoque
    sont de sales marxistes...
    - Oh Mon Dieu!"


    Délations et calomnies : 
    les petits flics du Web se déchaînent
    Violaine des Courières

       (...) Le 9 juin dernier, un Américain vantait impudemment ses infidélités dans un train en provenance de Philadelphie. Sa voisine, excédée, a publié sa photo sur Facebook avec cette mention : « Si c’est votre mari, sachez que j’ai supporté durant un trajet en train de 2 heures depuis Philadelphie ce loser et ses amis, qui se vantaient de leurs histoires ».

       Partagée 86 000 fois, la photo de cet homme est maintenant connue de tous. Le procès est déjà ouvert, et pourtant personne ne sait ce qui a poussé cet homme à se vanter de la sorte. Un discours factice ? Un besoin de « se la raconter » ? Ou une histoire vraie ?

       Quoi qu’il en soit, ni la présomption d’innocence ni l’avocat dont bénéficierait tout accusé n’ont pu être proposés à cet homme, dont la vie a dû être bouleversée par cette notoriété nauséabonde. Combien de conversations de ce type dans le métro, dans la rue ou la file d’attente d’un supermarché pourraient être épinglées, au risque d’instaurer un climat de méfiance destructeur entre les citoyens ?(...)

       (...) Preuve que la délation risque de devenir dangereusement tendance sur le Web, le Service fédéral d’information et de recherche sociale belge (Sirs), a annoncé son intention de lancer un site internet où tout citoyen pourrait dénoncer une personne qu’il soupçonnerait de fraude sociale.

       Cette information, aucun média français ne l’a relayée. Pourtant, l’initiative du Sirs belge n’est pas nouvelle. Elle est déjà appliquée aux Pays-Bas et pourrait être également employée en France, où le débat sur la fraude fiscale ne tarit pas. Jean-Claude Heirman, directeur du Sirs, explique : « Nous travaillons donc à l’élaboration d’un site internet sur lequel on pourra donner un certain nombre d’informations sur le fraudeur potentiel, pour que nous puissions agir. »

       Au premier abord, l’intention se veut louable. Quoi de plus efficace que de demander aux citoyens de participer au bien commun ? Cette initiative pourrait dissuader de nombreuses personnes à frauder, par peur d’être repérées par leur entourage. Seulement le principe de respect de la loi par la peur est caractéristique des régimes autoritaires et entrave la liberté d’agir.

       En réalité, les bonnes intentions de Jean-Claude Heirman ne sont pas crédibles, car le site web a prévu que ces dénonciations soient anonymes. Travail au noir, fraudes au domicile, chacun pourra dénoncer un voisin désagréable ou un collègue encombrant, et cela sans souci de voir son identité dévoilée à la personne dénoncée, sans parler de toutes les délations mensongères ! (Rebonjour à la France Pétainiste?) (...)
    Lire la suite sur:


    ***
    (La Gorgone pratiquant ses exercices quotidiens)

    (VIA POWCAMP)


    Créature fantastique malfaisante de la mythologie grecquereprésentée sous les traits d’une femme à la chevelure constituée de serpents, et qui existait au nombre de trois.


    ***
    "Ils me prêtent ce drapeau pour me vêtir,
    moyennant un remboursement mensuel
     de gargouillements d'estomac"

    Les hyènes du microcrédit
    Bernard Nadoulek

       Le microcrédit a été créé dans les années 1970 pour aider les populations des pays en voie de développement qui n’ont pas accès au système bancaire. Il s’agit de prêter de petites sommes pour créer des activités économiques à un niveau local, une méthode de développement “par le bas”. Le concept a été développé au Bangladesh par Muhammad Yunus, un professeur d’économie, qui crée la Grameen Bank en 1976 et déclare que le crédit est un “droit”. Le microcrédit est porté par des ONG qui ne sont pas censées faire de bénéfice et qui sont censées proposer des taux de remboursement assez bas. 

       Trente ans plus tard, en 2005, le système atteint son apogée avec un bilan qualifié de positif par la Banque Mondiale. Le nombre de bénéficiaires est estimé à 190 millions dans le monde, dont 83 % dans les pays en voie de développement. Plus de 10 000 officines opèrent dans le monde et la microfinance a étendu ses activité aux assurances, à la téléphonie mobile et à la vente de produits alimentaires. Le microcrédit fait même école en Occident, pour aider les populations les plus pauvres. Les Nations Unies décrètent que 2005 sera “l’année du microcrédit” et Kofi Annan déclare qu’il est “une arme efficace contre la faim”. En 2006, Muhammad Yunus se voit attribuer le prix Nobel de la Paix.

       Mais, à rebours du miracle annoncé, entre 2006 et 2010, des centaines de femmes se suicident en Inde, victimes des contraintes économiques et sociales du microcrédit. En 2011, Muhammad Yunus est démis de ses fonctions à la Grameen Bank par la Cour Suprême du Bangladesh, suite à des révélations de détournement de fonds… Que se passe-t-il vraiment autour du microcrédit ?

       Si le scandale n’a éclaté que tardivement, c’est que pendant plus de 20 ans les principales sources d’information étaient des études élogieuses, et fausses, financées par les officines de microcrédit elles-mêmes ! Des études indépendantes* permettent aujourd’hui de nous faire une idée plus complète du phénomène.

       Première caractéristique, à un niveau mondial, 74 % des bénéficiaires du microcrédit sont des femmes, 97 % au Bangladesh. Pourquoi des femmes ? Nous allons le voir, parce qu’il est plus facile de faire pression sur des femmes pauvres, peu ou pas éduquées, pour obtenir des remboursements par intimidation. 

       Deuxième aspect, le prêt s’appuie sur la formation de groupes (familles élargies) solidairement responsable des remboursements. A l’intimidation des officines de crédit s’ajoute la pression sociale du groupe sur l’emprunteuse qui, à son corps défendant, devient dépositaire de “l’honneur des familles”. Il ne faut pas croire que ces femmes soient bénéficiaires du crédit, dans la plupart des cas l’argent est confié à leur mari, à leur fils ou à un homme de la famille. Ainsi, la vulnérabilité de ces femmes est instrumentalisée par les officines de microcrédit, d’où les vagues de suicides de ces femmes persécutées par les agents de remboursement et rejetées par leurs propres familles.

       Autre aspect : les taux de remboursement. Selon Yunus, les ONG de microcrédit, n’étant pas censées faire de bénéfice, elles devaient pratiquer des taux assez bas (de 10 à 15 %) pour permettre aux emprunteurs de sortir de la pauvreté et mettre hors jeux les tarifs prohibitifs des usuriers. Or, selon une enquête du New York Times*, la moyenne mondiale des taux d’intérêt du microcrédit est évaluée à 37 %, mais certaines officines pratiquent des taux supérieurs à 100 % (particulièrement au Nigéria et au Mexique)

       Ainsi, plutôt que de libérer les pauvres des usuriers qui prêtent à plus de 100 %, le microcrédit fait jeu égal avec eux. Plus encore, le microcrédit offre aux usuriers un nouveau marché : celui des prêts aux femmes qui ne peuvent rembourser leur microcrédit ! Ainsi se crée une spirale de l’endettement : les pauvres empruntent parfois plusieurs microcrédits, l’un pour rembourser l’autre, et en dernier recours, ils s’adressent aux usuriers qui finissent de les étrangler. Autre méthode scandaleuse, les officines de microcrédit retiennent parfois une part des prêts accordés (“pour permettre aux pauvres d’épargner”) mais exigent des intérêts sur le montant total des prêts…

       Dernier point abordé dans ce court article : les remboursements. Le microcrédit étant censé permettre de créer une activité économique, il serait logique de penser que les emprunteurs puissent disposer d’un peu de temps pour développer leur activité avant de commencer les remboursements. Et bien non, les échéances débutent immédiatement après l’emprunt (selon Yunus, “pour responsabiliser les emprunteuses”) et s’échelonnent sur des périodes très courtes, un an au maximum. 

       En 2007, au Bangladesh, après le cyclone Sidr, les emprunteurs victimes de la catastrophe étaient harcelés pour leur remboursement alors même que l’Etat demandait pour eux un moratoire de 6 mois ! Pour assurer ces remboursements, les agents du microcrédit n’hésitent pas à recourir à toutes les formes de violence, d’autant plus faciles à manier qu’elles s’exercent sur des femmes pauvres : dès qu’elles se trouvent en butte aux persécutions, elles ne sont plus protégées par leur entourage qui, par crainte de s’exposer, prend le parti des persécuteurs. 

       Les témoignages recueillis dans les enquêtes menées font état d’insultes, de harcèlement, d’humiliations, de séquestration, de vols de tous leurs biens et de destruction de leur maison. Pour les recouvreurs de créances, toutes ces violences sont justifiées par la pression à la rentabilité qu’ils subissent de leurs employeurs, ceux-ci allant jusqu’à retenir sur les salaires les créances impayées. (...)

       (...) Le principal résultat du microcrédit est aujourd’hui d’avoir fait entrer plus de 200 millions de pauvres dans l’univers de la consommation à crédit et de l’endettement auprès des banques ! (...) 

    * Pour les lecteurs désireux d’approfondir les questions soulevées par ce court article, voici 3 articles de référence qui renvoient à de nombreuses autres sources.

    1. “Microcrédits mais maxiprofits”, The New York Times, par Neil MacFarquhar, 22 avril 2010, repris parCourrier International : http://www.courrierinternational.co…
    2. “Les promesses non tenues du microcrédit : nouvelles preuves à charge”, 5 novembre 2011, par Stéphanie Jacquemont : http://cadtm.org/Les-promesses-non-…
    3. “Microfinance : Mythes et réalité”, par Danielle Sabai, 11 janvier 2012,http://daniellesabai.wordpress.com/…


    ***
    Luc Desle

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LA SIMPLICITÉ EST LE DÉBUT
    DE LA SAGESSE)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/47)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       Soeur Camille vient d'apprendre que son frère Angélus n'était pas mort, ainsi qu'elle s'en doutait. Le jeune homme lui narre rapidement ses aventures en Amérique...


    ANGÉLUS 
    ou
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE


    Fuseli Satan Starting 1779

    CHAPITRE 18

       La cellule de la Mère Supérieure était située tout au bout de la galerie, du côté de celles des autres moniales. C’était là également qu’avait été construite la chapelle. On y accédait directement, alors que pour aller chez la Mère Supérieure il fallait monter une volée de marches, car la pièce avait été prise sur le grenier, afin de séparer la cellule de Camille de l’Incarnation de celles des autres soeurs.

       Depuis plusieurs nuits, Elaine surveillait les alentours. Elle s’était donné pour tâche d’exécuter un tour de garde toutes les deux ou trois heures afin de noter tout fait curieux. Son sommeil étant très léger, elle s’éveillait pour un rien : le bruit du vent dans les arbres ; le cri d’une orfraie ou les craquements du bois de la charpente sous le travail des capricornes. Au bout de près d’une semaine, la jeune femme arborait une mine de papier mâché.

       Ce soir-là, c’est tout à fait par hasard, alors qu’elle s’apprêtait à se coucher que, vers les minuits, elle remarqua une silhouette qui se glissait dans la galerie, après s’être faufilée rapidement dans le jardin. 

       Le coeur battant, la jeune femme se dissimula derrière une colonne. Le croissant de lune ne lui permettait pas de distinguer les traits de l’inconnu mais la silhouette était indubitablement celle d’un homme. S’agissait-il du Père Grangeais ? 

       Cependant, aux pieds des marches conduisant vers la cellule de la Mère Supérieure, l’intrus s’immobilisa et, dans un geste vif, se retourna en balayant du regard l’espace autour de lui. Dans ce mouvement, le capuchon qui cachait ses traits glissa, et Elaine reconnut Angélus Gabrielli.

       Bien que ce fût là la confirmation de ce qu’elle avait ardemment souhaité, la jeune femme sursauta et une onde glacée parcourut ses reins. L’apothicaire resta un moment immobile, scrutant les alentours comme s’il soupçonnait une quelconque présence, puis il se détourna vivement et monta silencieusement et quatre à quatre les marches conduisant à la cellule de la supérieure du couvent.

       Elaine attendit quelques minutes, l’esprit brouillé puis elle suivit Angélus. Elle se coula dans le renfoncement du mur, atteignit enfin la porte qui défendait la cellule et s’immobilisa, dos au mur, la respiration coupée. Elle savait que ce qu’elle faisait était mal. Elle craignait tellement l’apothicaire qu’elle se demandait s’il ne lui avait pas dressé un piège, sachant qu’elle était quelque part, à le surveiller. 

       Elaine se sentait peu à son aise face à cet homme. Une étrange attirance la poussait vers lui, attirance inexplicable et impie. Ne le soupçonnait-elle pas d’être responsable, au moins indirectement, de la mort abominable de son cher Adrien ?

       La jeune femme savait aussi qu’elle n’avait pas à surveiller les intrigues de la Mère Supérieure. Ses parents lui avaient toujours dit que la curiosité était un péché et, comme tel, qu’il méritait une punition. Pour échapper à ces remords, elle murmura :

       - Il ne m’est pourtant pas possible de laisser la Supérieure et l’apothicaire se rencontrer nuitamment... Camille de l’Incarnation ne doit-elle pas donner l’exemple d’une vie juste, tout entière consacrée à glorifier Notre Seigneur ? Elle me semble en proie à des passions coupables qui méritent une sanction impitoyable, si elles sont avérées réelles... Quant à Angélus Gabrielli, je ne sais pas ce qu’il attend de la Supérieure... Hélas, je dois avouer qu’un rien de jalousie me mordille le cœur à la simple pensée qu’il va visiter Sœur Camille de l’Incarnation...»

       La jeune femme hésita encore un peu, les pensées de plus en plus confuses. Pour finir, elle colla son oreille contre la porte, dans l’espoir d’entendre les propos échangés dans la pièce. 

       A sa grande surprise, l’huis se déroba légèrement sous sa poussée. La porte n’était pas fermée ! L’angoisse lui mordant le ventre, Elaine poussa un peu plus le battant, avant de glisser un œil dans la cellule.

       Un chandelier posé sur une table éclairait la scène, ce qui lui permit de distinguer la Mère Supérieure, debout devant la silhouette d’Angélus Gabrielli. Elle était à moitié dévêtue et l’apothicaire lui passait délicatement la paume de la main sur le haut de la poitrine.

    ***

       La jeune femme, les larmes aux yeux, s’adossa au mur. Elle ne savait plus que penser. L’apothicaire et la Mère Supérieure étaient-ils amants? Cette idée choquante, révulsante même, la mit dans tous ses états. N’était-elle pas folle d’avoir ainsi de pareilles pensées extravagantes ? Et, cependant, le spectacle auquel elle assistait était pour le moins équivoque... Elaine s’essuya les yeux brouillés par les larmes, hésita un peu avant de reprendre son observation, le coeur lourd.

       A présent, la Supérieure avait ôté sa robe mais l’apothicaire faisait souvent écran devant elle, de sorte qu’Elaine n’entrevoyait que des parties du corps déshabillé. 

       Le visage impénétrable, les yeux perdus dans le vague, solidement campée sur ses jambes, ses mains en conque cachant son sexe, la religieuse murmurait lentement mais distinctement un «Salve Regina» d’une voix un peu tremblante. Angélus Gabrielli continuait pendant ce temps-là à la masser, enduisant son corps d’une fine pellicule d’onguent qui luisait à la lueur des bougies. La lumière tremblotante jouait perversement avec les formes de la religieuse, accentuant ses rondeurs et la rendant plus jeune encore, semblait-il. 

       Angélus se mit à genoux et enduisit soigneusement les jambes puis les pieds de sa patiente. La Mère Supérieure se laissait faire, comme en extase. A présent, elle fixait une croix accrochée au mur d’en face, les yeux exorbités, la bouche entrouverte. On l’eût dit possédée par un quelconque démon.

       Cette vision se grava dans l’esprit enfiévré d’Elaine. Les formes de la Supérieure étaient trop proches de la perfection pour que cela ne fût pas le signe d’une présence maléfique. Seul le Maître des Enfers, songeait la jeune fille, horrifiée, pouvait ainsi gommer les stigmates du temps afin de nier l’œuvre de Dieu lui-même...

       L’apothicaire n’était-il donc qu’un des séides du Diable, un de ses dociles instruments qui métamorphosait à l’aide d’onguents magiques le corps d’une femme âgée en celui d’une jeune beauté ? Et la Supérieure, qui avait désormais pour son enveloppe charnelle les yeux de Chimène, n’avait-elle pas oublié les préceptes de la Religion et fait sienne l’un des sept péchés capitaux ? 

       Ce plaisir qu’Elaine la voyait éprouver, sous les doigts d’Angélus, ne s’appelait-il pas Luxure ? Comment Soeur Camille de l’Incarnation pouvait-elle oublier qu’en entrant chez les Bénédictines, elle avait fait voeux de chasteté ? Qu’est-ce qui la poussait à mentir aussi effrontément à la face de Dieu et du Monde ?

       Angélus Gabrielli venait d’oindre les pieds de la Supérieure et, comme pris d’une fièvre soudaine, il les embrassa alors que la Supérieure fermait les yeux, tout en murmurant une prière. Désarçonnée par cette attitude, la voyeuse sentit son cœur se serrer. L’apothicaire ne venait-il pas d’offenser ainsi la mémoire du Fils de Dieu qui lavait les pieds des pêcheurs en signe d’humilité ? Ce n’était plus maintenant du dégoût qui envahissait Elaine, mais un début de colère.

       Le jeune homme fit signe à sœur Camille de se retourner et, après que cette dernière eût obéi, il resta quelques secondes immobile, comme s’il fixait la blessure que portait toujours la Mère Supérieure au milieu des reins. C’est alors qu’il parla d’une voix douce, rompant ainsi le charme vénéneux du moment.

       - Tu es sûre, Camille, de ne pas vouloir de mon onguent pour soigner ta blessure ?

       La Supérieure tourna la tête et répondit, d’une voix lasse mais ferme.

       - Non, Angélus. Les élancements provoqués par la douleur me rappellent que je suis une impie, que je n’ai pas le droit de diriger ce couvent...

       - Tu es la meilleure personne que j’aie jamais connue ! s’écria l’apothicaire en avançant la main et en caressant le cou de la religieuse. Toi seule m’as toujours soutenu, même lorsque toutes les médisances stigmatisaient ma folie. Jamais tu n’as failli dans cet amour qui est, par moment, plus fort que celui que tu portes à Dieu lui-même !

       La religieuse sursauta, blêmit et se signa.

       - Je t’en prie, Angélus, ne blasphème pas, fit-elle en tremblant.

       - Je ne blasphème pas. Je dis la vérité et si ce Dieu que tu sers nous regarde, je m’adresse à lui pour lui demander ceci : comment Toi, qui es censé être la bonté même, oses-Tu faire subir ces horribles épreuves à tes pauvres créatures? J’en viens à penser, devant tant de douleurs, que Tu te régales de les voir ainsi contrefaites, percluses, abîmées dans leur corps et leur âme... Sous ton impitoyable férule, ces créatures ne sont que d’infimes fétus de paille dont Tu sembles te jouer, pour un dessein secret que Toi seul Tu as déterminé...

       - Tais-toi ! supplia Camille de l’Incarnation en se retournant et en lui mettant la main devant la bouche. Je t’en prie Angélus, Mon Angélus... Ne dis pas des choses pareilles ! Sinon mon sacrifice n’aura servi à rien. Je suis à toi, Angélus, fais de moi ce que tu veux, mais que plus jamais un seul propos sacrilège ne sorte de ta bouche !

       - Hé bien, ajouta l’apothicaire, continue simplement à te passer chaque jour de cette crème. Pour le reste n’en parlons plus.

       Elle lui faisait face dans sa nudité et le tenait fermement par les épaules, ses yeux rivés aux siens. Sur son visage soudain creusé et grave passaient des sentiments contradictoires, amour mêlé à la haine, crainte et véhémence étroitement embrassés.

       Elaine n’osait respirer, de peur que son souffle ne soit entendu. Glacée de la tête aux pieds, elle avait le sentiment de s’enfoncer dans des sables mouvants. Les propos de Sœur Camille confirmaient son horrible soupçon : la religieuse était amoureuse de l’apothicaire et cet amour contre-nature la remplissait d’une horreur sans nom. Accessoirement, aussi, ce qui lui avait été révélé confirmait une partie de ses soupçons. Angélus Gabrielli était bien, hélas, responsable de la mort d’Adrien. 

    ***

       Cette quasi-certitude laissait la place à un sentiment d’intense effroi. La jeune femme entrevoyait un plan démoniaque dans lequel s’étaient abîmés Angélus et Soeur Camille de l’Incarnation. Plus que tout, Elaine se rendait compte qu’elle était jalouse de cette femme dont elle enviait les relations privilégiées entretenues avec l’apothicaire. Ce médiocre sentiment l’atterrait. Comment expliquer qu’elle éprouvât de l’intérêt pour l’assassin de son amant ? Elle se promit que, désormais, elle n’y céderait plus et qu’elle ferait tout pour que l’infâme individu soit justement puni.

    ***
    (A Suivre)

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    "Alors, comme ça, tu refuses 
    de manger avec moi, hein?
    - Mais j'ai pas faim!
    - Et la convivialité, hein,
    la Con-vi-via-li-té?!"


    On ne mange plus pareil, 
    mange-t-on encore ensemble ?
    ALEXANDRA BOGAERT

      (...)  Crudivores, vegans, allergiques, croyants... Les demandes d'alimentations particulières se multiplient. L'individualisation par l'assiette menace-t-elle la convivialité française ? Claude Fischler, anthropologue, nous éclaire.

       / Terra eco : Certaines alimentations sont dites « particulières »... par rapport à quoi ?

       - Claude Fischler : L’alimentation en général est tout sauf particulière. Elle est collective, sociale, partagée. Dans de nombreux endroits du monde, on mange dans un plat commun avec sa cuillère ou sa main droite. Tout le monde est là, il y a des règles de savoir vivre à respecter comme pousser les beaux morceaux vers les anciens, parler à tel moment, ne pas parler, etc. Une personne qui mangerait seule serait très mal vue, elle s’extrairait du cercle de la commensalité (le fait de partager un repas, ndlr). Quel que soit l’endroit du monde, des soupçons émergeraient à son égard – jette-t-elle des sorts, a-t-elle empoisonné le plat ? De plus, une enquête menée aux Etats-Unis, en France et au Danemark a montré qu’on apprécie davantage un repas quand on le mange en compagnie que seul. Et si vous arrivez chez un étranger et que vous refusez sa nourriture, vous l’offensez, de la méfiance s’installe. Or, aujourd’hui, c’est précisément l’inverse qui se produit.

       /C’est-à-dire ?

       - Aujourd’hui, autour d’une table, vous pouvez avoir une personne qui mange cacher, l’autre est végétarienne, une autre est vegan, une énième est allergique à tel ou tel aliment, etc. Lors des repas se multiplient désormais les revendications médicales, éthico-religieuses, politiques. Et on constate un renversement de l’obligation de partage : désormais, c’est l’invité qui exige de l’invitant qu’il satisfasse ce que les anglophones appellent ses « dietary requirements » (régime alimentaire en français). On en arrive à des situations d’individualisation extrême de la nourriture.

       / La France est-elle affectée par ce phénomène ?

       - Ca commence. Jusqu’à il y a peu, il y avait deux visions de l’alimentation dans le monde occidental : l’une protestante, l’autre catholique. La première considère que l’alimentation est une consommation comme une autre d’un individu libre et responsable, qui exerce ses choix de façon rationnelle. C’est le discours des Américains, qui parlent plus de nutrition que d’alimentation, pour qui se nourrir est un acte privé, censé les maintenir en bonne santé – même si le taux d’obésité montre que ça ne marche pas toujours... Pour les Français en revanche, manger est un acte social, qui requiert des conditions de temps, de lieu, de structure : on mange à table, une entrée/un plat/un dessert, à horaires fixes, en compagnie. Souvent, si on n’a avalé qu’un sandwich le midi, on considère ne pas avoir fait un vrai repas. Donc pas avoir vraiment mangé.

       / A quoi est dû le développement des alimentations particulières ?

       - De nombreux mangeurs évoquent des arguments médicaux, comme les allergies, pour justifier de manger différemment du reste du groupe. D’après les spécialistes des allergies, 30% de la population déclare avoir une allergie alimentaire alors que le taux réel est inférieur à 4% (c’est notamment le cas de l’allergie au gluten, ndlr). Ceux qui s’auto diagnostiquent allergiques font souvent un rejet de l’alimentation transformée par les industriels. Ils se disent intolérants à tel ou tel additif, pensent réagir aux effets des pesticides, et privilégient les aliments « naturels ».

       / D’où l’engouement pour ces produits ?

       - En fait, les alimentations particulières sont souvent une manière de se réapproprier son alimentation quand on ne sait plus ce que l’on mange. Il existe un « principe d’incorporation »implicite mais universel, qui veut que l’on soit ce qu’on mange. Donc si vous êtes ce que vous mangez et que vous ne savez plus ce que vous mangez, il y a un problème ! Le moyen pour savoir ce qu’on mange, c’est de choisir son alimentation, en fonction de différents critères qui nous sont propres. C’est pour cette raison que se développent une infinité de régimes très étonnants parfois, comme celui adapté à chaque groupe sanguin, ou celui qui érige le jus de germes de blé comme aliment magique.

       / Les industries ont compris le filon, et développent ces produits dans les rayons des supermarchés. La demande est-elle vraiment forte ?

       - C’est surtout que depuis que l’Autorité européenne de sécurité des aliments a fait le ménage dans les allégations santé, les industriels de l’agro-alimentaire ne peuvent plus trop vanter les mérites des produits santé. Donc ils mettent le doigt sur ce qui est porteur et le développent.

       / Le fait de ne pas tous manger la même chose menace-t-il le « manger ensemble » propre aux Français ?

       - Pas forcément. Prenez cet exemple révélateur : lors du déjeuner de presse organisé pour le lancement du livre « Les Alimentations particulières », il a d’abord été envisagé de proposer quatre menus différents. Mais, d’un point de vue logistique, c’était compliqué. Donc il a été décidé de diviser les assiettes en quatre. C’est une façon très française de régler le problème car, au final, tout le monde a mangé la même chose ! On invente de nouvelles formes de commensalité. Ainsi, manger différemment ne signifie pas la fin du lien social. Le modèle convivial français résiste de façon étonnante, même si l’individualisation des assiettes se généralise. La preuve, les horaires des repas restent synchrones : à 13h, la moitié des Français sont à table. Au Royaume-Uni, ils ne sont jamais plus de 17% de la population à manger en même temps. Quant au temps passé à manger à table, il est de 135 minutes par jour selon une étude de l’OCDE. C’est le record mondial. (...) 


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    (Dans ce lointain pays, les femmes devaient
    user de certaines armes, non féminines,
    pour que les hommes consentent à se reproduire...)


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    "Pour les multinationales...
    Hip,hip, hip..."


    Irancartoon Web Gallery 

    Bono, la fausse voix de l'Afrique
    George Monbiot 

       (...) En 2005 déjà, il n'avait pas été très glorieux. Cette année-là, lors du sommet du G8 en Ecosse, Bono et Bob Geldof avaient tressé des lauriers à Tony Blair et George W. Bush, tout auréolés de leur boucherie irakienne. Geldof s'était assis sur les genoux du Premier ministre britannique, au sens propre comme au figuré, et des militants africains les avaient alors accusés de confondre leur campagne pour la justice mondiale avec un vaste mouvement de charité. 

       Cette fois, c'est pire. Alors que le Royaume-Uni a accueilli un nouveau sommet du G8, la campagne menée par Bono – et avec laquelle Geldof travaille étroitement – semble aujourd'hui absoudre l'action des pays du G8 en Afrique. 

       L'idée d'une "Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition" a été lancée en 2012 aux Etats-Unis, alors hôte du G8. Cette alliance pousse les pays africains à signer des accords permettant à des sociétés étrangères de faire main basse sur leurs terres, de breveter leurs semences et de verrouiller des monopoles sur leurs marchés alimentaires. Restant sourds aux voix de leurs peuples, six gouvernements africains ont déjà signé des accords avec des entreprises comme Monsanto, Cargill, Dupont, Syngenta, Nestlé et Unilever en échange de promesses d'aides de la part du Royaume-Uni et d'autres nations du G8. 

       De nombreux militants, aussi bien en Afrique qu'en Europe, dénoncent les pratiques de cette "nouvelle alliance", mais la campagne ONE – dont Bono est cofondateur – prend sa défense. Les responsables de ONE ont d'ailleurs publié un article la semaine dernière. Un article remarquable : il laisse complètement de côté l'intérêt des responsables africains et de leurs peuples, il exagère le rôle de petites entreprises africaines, mais surtout il ne mentionne à aucun moment l'injustice au cœur de la "nouvelle alliance", à savoir la nouvelle vague d'accaparement des terres qu'elle soutient. Cela a naturellement piqué ma curiosité. (...)

       (...) J'ai d'abord découvert que Bono avait déjà fait l'éloge de la "nouvelle alliance" juste avant l'ouverture du sommet du G8 de l'année dernière aux Etats-Unis. J'ai ensuite appris que la campagne ONE était essentiellement financée par la fondation de Bill et Melinda Gates, dont deux responsables exécutifs figurent parmi les membres du conseil d'administration. Cette fondation travaille avec le géant de l'agroalimentaire Cargill et le spécialiste des biotechnologies Monsanto (dont elle détient une part importante du capital). 

       Répondant aux accusations d'accaparement des terres en Afrique, Bill Gates a répondu que "bon nombre de ces accords étaient bénéfiques et qu'il serait dommage d'en bloquer certains à cause de l'approche particulière des sociétés occidentales" (vous remarquerez qu'une fois encore il n'est pas question des Africains). 

       Enfin, j'ai découvert que tout cela durait depuis bien longtemps. Dans la biographie brillante et caustique de Bono qui vient de paraître au Royaume-Uni (The Frontman : Bono, in the Name of Power), Harry Browne affirme que "depuis près de trente ans, Bono, en tant que personnalité publique, amplifie le discours des élites, défend des solutions inefficaces, fait la leçon aux pauvres et lèche les bottes des riches et des puissants". Son raisonnement est "un mélange habile de colonialisme commercial et missionnaire, dans lequel les pays pauvres ne sont qu'un défi que doivent relever les pays riches". 

       Browne accuse Bono d'être devenu "le visage compatissant de la technocratie mondiale", un homme qui, sans aucun mandat, s'est autoproclamé porte-parole de l'Afrique et a servi de "couverture humanitaire" aux responsables occidentaux. En présentant les pays occidentaux comme les sauveurs de l'Afrique sans parler des dégâts causés par le G8, il a affaibli les mouvements pour la justice et la transparence tout en apportant une légitimité au projet néolibéral. (...)

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    $$$
    Luc Desle

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  • ***
    Pensées avec nous-mêmes:

    (UN PEU DE SAGESSE
    EST DÉJÀ GRANDE SAGESSE)

    ***
    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/46)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       Angélus est parti pour les Amériques, notamment au Brésil, où il compte bien recueillir les secrets des guérisseurs indiens...

    ANGÉLUS 
    ou
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE

    centremarie-leonieparadis.com

    CARNET DE MERE CAMILLE DE L’INCARNATION 

    (septembre 1887) 

       Mon Dieu ! Soyez remercié ! Je ne sais plus si je dois rire ou pleurer, car le miracle a eu lieu : mon Angélus est revenu ! 

       Ce matin je me suis rendu chez l’apothicaire, comme tous les lundis, pour livrer nos différentes préparations et prendre les nouvelles commandes. Monsieur Andrieu était en grande conversation avec le docteur Gleize. 

       - Je me demande, cher confrère, si mon successeur sera à la hauteur. Il est bien jeune, vingt-huit ans, vous imaginez. Enfin, si j’en crois son courrier, il a un solide bagage et de grandes compétences. Voyez plutôt. 

       - En effet, il a suivi des cours à Florence, à Paris, puis s’en est allé aux Amériques parfaire ses connaissances, lut le docteur Gleize, manifestement impressionné. Je vois qu’il a travaillé chez Stevenson à Philadelphie. Diable... A votre place, je léguerais ma boutique l’esprit tranquille ! 

       - Oui, vous avez raison, reconnut Monsieur Andrieu. D’autant plus que la question de l’argent ne semble pas le gêner. Mais veuillez nous excuser ma Sœur, nous bavardons et... 

       - Je comprends, ne vous excusez pas, leur répondis-je. Ainsi, vous avez trouvé quelqu’un pour prendre la relève ? C’est bien, car vous avez mérité de vous reposer un peu. Vous désirez toujours aller vous retirer chez les Frères d’Aubenac ? 

       - Oui, j’y serai en octobre. Monsieur Gabrielli doit arriver ce matin... Le temps de le mettre au courant... D’ici trois semaines, j’aurai pris mes quartiers d’hiver, si je puis dire. 

       Notre conversation venait à peine de se terminer qu’il est entré. J’ai reçu un choc en pleine poitrine en voyant ce visage. Je me suis appuyée contre la banque, le souffle court, persuadée d’être l’objet d’une hallucination tandis qu’il se présentait, en me regardant droit dans les yeux, sans ciller. 

       - Bonjour, je suis Angélus Gabrielli. 

       C’était donc bien lui. Comment aurai-je pu me tromper ? Sa voix avait pris des inflexions graves, métissée d’accent du sud ; il était devenu fort mais avait recouvré son teint d’autrefois, sa beauté d’ange tombé du ciel. 

       Pendant qu’il allait s’occuper de ses bagages, je réglai mes affaires avec Monsieur Andrieu et ressortis pour recouvrer mes esprits et, surtout, dans l’espoir de le voir seule à seul. Il était devant l’auberge et donnait des ordres au palefrenier. Celui-ci, aidé de son fils, finissait de descendre ses nombreuses malles de la voiture. 

       Alors Angélus s’est approché de moi et, tandis que la diligence passait à grand bruit devant nous, il m’a remis une lettre que j’ai glissée bien vite dans mon panier. Ensuite il a fait signe aux garçons d’écurie d’apporter ses bagages, et il est entré chez Monsieur Andrieu. 

       Ce mot, je viens de le lire et de le relire encore, tant je suis heureuse. Mon Dieu, j’avoue que je n’y croyais plus. 

       « Ma très chère Camille, était-il marqué, ces onze ans, qui ont dû te paraître bien longs, m’ont à peine suffi à venir à bout du programme que je m’étais fixé. Après bien des déboires et quelques victoires aussi, j’ai pu me confectionner de nouveau l’apparence humaine, ou plutôt angélique que tu aimais tant chez moi. 

       « J’ai cependant tenu, pour brouiller les pistes, à me vieillir de trois ans, à me durcir quelque peu les traits afin que personne, hormis toi, ne puisse me reconnaître. Il est vrai que le temps aidant, je pense que nul ici ne songe plus à moi car tout le monde me croit mort, mais je tenais à mettre toutes les chances de mon côté. Ma douce Camille, mon souhait le plus cher à l’heure actuelle est de me venger, et d’y réussir totalement. 

       « Pourquoi une telle haine, te demanderas-tu, alors que j’ai retrouvé ma beauté, et que je possède assez de talents pour être riche et reconnu par les grands de ce monde ? Tout simplement parce que, au cours de ces années, j’ai souffert mille tortures. 

       « Tout semblait pourtant être placé sous les meilleurs hospices : je comptais revenir au bout d’un an ou deux ici, mais le sort en a décidé autrement. Après un échec cuisant à Nice, je suis parti en Amérique où j’ai pu amasser une petite fortune en travaillant auprès des laboratoires de pointe et où, après de longues années, j’ai réussi à trouver l’antidote à tous mes maux. 

       « Cependant, chaque année, il me fallait recommencer tout à zéro dans un autre État, car le sort s’acharnait contre moi : mes créations devenaient des poisons, et j’avais beau me greffer de nouvelles peaux, aux alentours de mon anniversaire je revivais les souffrances que j’avais connues ici même, et en retrouvais tous les stigmates. Et tu sais que je n’ai pas la résignation de ton Maître Jésus. 

       « Sache également que je n’ai jamais pu retrouver l’usage normal de ma main et, sans celui-ci, je te l’ai déjà dit, je ne suis pas tout à fait moi-même. 

       « Bref, ce ne fut pas simple. Heureusement, tous ces cauchemars sont finis, enfin presque... car pour ces années d’exil où j’ai dû parcourir maintes contrées, et te laisser entre les mains d’un Dieu qui ne sait pas ce que veut dire avoir des mains et qui, j’en suis sûr, n’aurait même pas eu l’idée de te toucher - ne serait-ce que de sa grâce -, je reviens pour un temps à Fontseranne afin d’accomplir ce qu’il est juste que j’accomplisse. 

       « Je serai amené à me rendre au couvent dans l’exercice de mes fonctions et nous pourrons nous voir alors. Là, je te montrerai et te ferai essayer les onguents que j’ai conçus pour toi, ma très chère Sœur... » 

       A la lecture de ces quelques lignes, combattent en moi deux sentiments aussi forts l’un que l’autre. Le plaisir d’abord d’avoir retrouvé mon frère chéri et l’annonce de le voir souvent, enfin, me remplit d’une indicible joie. Cependant, les dernières lignes de sa missive, cette « vengeance » dont il parle, me fait craindre le pire. Combien de fois ai-je prié pour retrouver Angélus et que la vie redevienne aussi douce qu’auparavant ? Sa transformation, le fait qu’il ait retrouvé en grande partie toute sa grâce, devraient me réjouir. Et cependant, je sens derrière cette métamorphose, une machination infernale. Mon Dieu, faites que je me trompe, je vous en conjure... 

    ***
    (A Suivre)

    ***

    "Mais, Chérie... Ouch! Bien sûr qu'elles sont géniales, 
    tes... Ouch! Nouvelles chaussures... Gé-ni-a-les!"


    good morning…

    ***

    "La femme est une fleur... Mouais...
    Un super concept, Monsieur le Directeur,
    super, vraiment..."

    Andre de Dienes
    1944

    ***

    "Oui (murmuré)... Je hais ce chapeau...
    Ca me donne l'air godiche... De toute
    façon, j'ai toujours détesté ces trucs et...
    (Tout haut)... Oh, bien sûr, Maman,
    c'est très très joli... J'adôôre..."


    Candler Arts at Candler Arts

    (C'est comme ça que commença la détestation du monde
    qui décida de la carrière de tueuse en série de cette jeune fille)

    ***

    (Armada volante de souhaits 
    concernant le personnel politique)



    ***
    Jacques Damboise

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    Pensées par nous-mêmes:

    (FAIS EN SORTE D’ÊTRE TOI, PLEINEMENT,
    A CHAQUE INSTANT)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/45)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

     Elaine a prétendu qu'elle voulait devenir novice. C'est une ruse pour mieux enquêter au couvent où elle soupçonne toujours la Mère Supérieure de s'adonner à quelques pratiques douteuses... 
    ANGÉLUS 
    ou
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE


    Indien Tapuia du Brésil - Albert Eckhout -


    CHAPITRE 17

       La traversée en bateau, en direction des Amériques, fut une épreuve pour Angélus. Sa peau lui causait mille douleurs et lui donnait un aspect répugnant. Aussi dut-il s’isoler des autres passagers pour ne pas les heurter. Fort heureusement, lors de ces voyages aux destinations lointaines, des festivités étaient organisées tous les soirs, parmi lesquelles des bals masqués qui faisaient l’unanimité. Angélus put ainsi dissimuler ses excoriations derrière des loups de soie noire, et participer à ces mondanités qui eurent comme avantage de lui faire connaître un botaniste et un ethnologue décidés à explorer les contrées encore vierges de l’Amazonie. 

       Il vérifia en leur compagnie la justesse des écrits qu’il avait pu lire sur la flore équatoriale et se dit qu’il trouverait certainement, au fin fond de la Guyane, les herbes appropriées pour soigner son cas où se mêlaient, il en était certain, quelques éléments non rationnels dont ces plantes et la sorcellerie locale sauraient venir à bout. Il avait l’intuition que l’« aspérula digitex », décrite par Latour dans son manuel des plantes amérindiennes, pouvait contenir le suc capable de fournir, une fois mêlé à un autre suc révélateur, l’antidote à son mal. C’était ce révélateur qu’il cherchait et trouverait, dût-il y passer des années.



       Angélus y passa des années. Des années où il faillit perdre la vie, tant les conditions climatiques furent déplorables pour son état épidermique. Le climat de la jungle, avec ses moiteurs chargées de parasites, eut tôt fait de transformer son corps en un vaste champ de culture. Cependant l’organisme était solide, et la volonté plus encore, de sorte qu’il ne fut pas sujet à ces fièvres qui déciment ou à ces empoisonnements des humeurs qui vous font perdre toute la raison en quelques jours. Il sombra malgré tout, en se voyant aussi atteint dans son incarnation, dans un état de folie légère qui eut comme avantage d’anesthésier les douleurs dont il était sujet et de ne pas lui faire perdre l’espoir de venir à bout de son projet.

       C’est dans cet état d’esprit, focalisé sur son objectif, et au bout d’un an de pérégrinations, qu’il fit la connaissance d’une petite peuplade qui vivait au bord du rio Tacutu. Son guide et son porteur la lui avaient décrite comme pacifique, et le botaniste rencontré sur le bateau avait pointé, entre autre, cette région, comme étant très riche en plantes vénéneuses. Angélus décida donc de s’installer dans ce village de cases et il n’eut pas de mal à se faire accepter par les indigènes tellement son apparence physique était proche de la leur. Son teint avait viré au brun cuivré sous l’effet des lotions de tanin dont il s’était badigeonné, et sa peau était comme scarifiée par les cicatrices. En cela, il ne se démarquait pas de ces hôtes qui portaient sur le visage et le buste maintes scarifications dont la facture cependant révélait un savoir-faire et un sens de l’harmonie que celles d’Angélus étaient loin de posséder.

       Des mois, des années passèrent pendant lesquels il n’eut de cesse de trouver sa formule salvatrice. La famille du chef lui était toute dévouée depuis qu’il avait guéri le fils d’une mauvaise blessure de chasse. Il était considéré comme le second sorcier du village, et le premier qui était déjà vieux n’en prit pas ombrage. Au contraire, il lui communiqua une bonne partie de son savoir, savoir auquel Angélus mêla le sien et dont il n’eut plus tard, aucun scrupule à abuser, une fois de retour en France.

       Avant cela, il transita par les Etats Unis où il continua ses recherches.

       Enfin, il trouva !

    ***

       Je le détiens enfin ce procédé par lequel j’ai pu retrouver apparence humaine, de façon durable, en ayant la certitude que les mois d’août à venir ne détruiront plus jamais le bel ouvrage. Je ne sais pas quel sortilège les Fontserannais m’avaient envoyé. Mais à force de persévérance et de tâtonnements, j’ai su rompre leur mauvais sort. Tout comme j’ai su tuer ce parasite qui infestait mes créations. Maintenant je suis passé maître en la matière. Je peux tout recréer, tout modeler à ma guise. Je maîtrise parfaitement la vie et la multiplication cellulaire. J’égale l’illustre Stevenson pour ce qui est des formules chimiques de toutes les plantes amérindiennes qui me sont si précieuses et dont les extraits me seront envoyés régulièrement en France.

       Pendant mon séjour dans la jungle, j’avais pu devenir l’égal du grand sorcier et sans faire preuve de vantardise, je peux même affirmer que j’étais plus efficace que lui, plus intuitif. Cependant, avec mon teint à nouveau lisse et doré, j’étais devenu suspect parmi tous ces hommes à la peau noire scarifiée. Il était temps que je parte. D’ailleurs, qu’avais-je d’autre à apprendre d’eux ?

       J’ai le sens de mon art dans la peau. Et pourtant, je n’exploite que la moitié de mes capacités. Tout cela par la faute de mes ennemis d’enfance. Il m’arrive souvent de me dire que mon esprit de vengeance me détruit et me fait perdre ma vie, mais je ne peux me raisonner. Je brûle de retrouver les sensations de ma tendre jeunesse et d’en faire une oeuvre d’art. Je rêve de transfigurer le soyeux d’un pétale de lys, de le traduire en textures nouvelles. Et pour y parvenir, j’ai besoin de toutes mes cellules tactiles. Pourrai-je un jour re-goûter l’extase du vrai toucher ? 

       Pour cela, et bien que je m’en sois longtemps défendu, il me faut revenir là où je l’ai perdu, car c’est là-bas qu’il survit et m’attend. 

    ***
    (A Suivre)

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    "Qui veut du chocolat suisse...
    avec de bons morceaux de démocratie dedans?"


    Une bonne cure de Suisse pour l’Europe
    Lars Feld
    Michael Wohlgemuth |

       (...) Un appel à "plus de Suisse" résonne jusqu’aux confins de la gauche. C’est tout nouveau, c’est original. A l’origine de ce nouvel engouement berlino-bruxellois pour la Confédération helvétique, le référendum suisse sur l’"initiative Minder" – une initiative populaire contre les rémunérations abusives dont l’instigateur se nomme Thomas Minder, patron d’une entreprise familiale suisse et conseiller aux Etats sans étiquette.

       Nous ne jugerons pas ici du fond de cette dernière initiative populaire en date : dans la mesure où elle permet aux actionnaires de décider directement de la rémunération de leurs dirigeants, il s’agit d’une mesure rectificative pertinente pour rétablir le lien entre propriété et contrôle [au sein de l’entreprise].

       La même question d’ordre structurel se pose concernant les rapports entre les citoyens et les responsables politiques. Dans une démocratie, les élus sont censés agir au nom du peuple. Le citoyen est roi. En pratique, il en va comme pour le petit porteur face à la grande société de capitaux : il est ingrat et difficile pour l’électeur d’avoir prise sur les activités multidimensionnelles de ses représentants au gouvernement et au Parlement.

       Deux questions de fond se posent : quels effets la démocratie directe a-t-elle en Suisse, de manière générale ? Et les méthodes de démocratie directe (le référendum et les initiatives populaires) doivent-elles être recommandées aux autres pays d’Europe – notamment sur les questions de politique européenne ? (...)

       (...) Nulle part la démocratie directe n’est aussi développée qu’en Suisse. Même chose pour le "fédéralisme financier", lequel se caractérise, dans sa version helvétique, par une autonomie relativement étendue des cantons et des communes. En Suisse, des référendums financiers obligatoires ou facultatifs sont organisés plusieurs fois par an au niveau local. Les initiatives populaires permettent aux citoyens d’encourager ou de révoquer à leur guise des décisions politiques. Et tout transfert de souveraineté à un échelon supérieur doit avoir l’aval direct du peuple.

       Les résultats sont assez éloquents : les collectivités territoriales sont moins dépensières dès lors que les citoyens peuvent décider eux-mêmes de l’utilisation de leurs propres deniers. Leur parcimonie a pour effet d’alléger la pression fiscale. Et la dette recule également, grâce à des référendums financiers qui permettent aux citoyens de présider eux-mêmes à la gestion des fonds publics à la place des gouvernements.

       La "solidarité" ne passe pas à la trappe pour autant. Si les cantons pratiquant la démocratie directe redistribuent globalement moins, cela ne signifie en aucun cas que le niveau de redistribution est insuffisant pour les pauvres. L’inégalité sociale n’est pas plus forte dans les cantons qui pratiquent la démocratie directe. Tout porte à croire, au contraire, que les transferts sociaux y sont plus ciblés.

       Tout cela entraîne un accroissement de la productivité économique grâce à des prestations publiques de meilleure qualité et à une politique financière plus saine que dans les démocraties uniquement représentatives.

       Felix Helvetia ! L’opinion publique limite la dette tout en promouvant le respect des obligations fiscales, l’efficacité et la subsidiarité : n’est-ce pas là précisément ce dont toute l’Europe a aujourd’hui besoin ? (...)

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    (Esprit au repos en attendant de se reconfronter
    à la folie du monde)

    Winged Figure, Abbott Handerson Thayer


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    "Tu veux être payé pour de la création?
    Tu t'fous d'moi, c'est ça?!"

    C'est arrivé près de chez vous

    Le film noir des ouvriers du cinéma
    Guillaume Goutte

       Quand on parle cinéma, comme quand on parle littérature, on a souvent tendance à oublier que, à l’instar de toute industrie, il y a derrière ces productions dites culturelles des travailleurs qui, comme partout, sont soumis à des rapports d’exploitation et de domination. La dernière édition du célèbre Festival de Cannes a décerné sa Palme d’or au réalisateur Abdellatif Kechiche pour son film "La Vie d’Adèle". Encensés de toute part par la presse, la télé, les critiques et autres experts ès bons goûts, le cinéaste et ses deux actrices – Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos – étaient, dimanche 26 mai, sur un petit nuage. 

       Il en était en revanche tout autrement pour les techniciens qui, pendant plus de cinq mois, ont bossé sur ce film, comme l’a révélé jeudi 23 mai le Syndicat des professionnels des industries de l’audiovisuel et du cinéma (Spiac-CGT), qui a publié sur son site Internet un communiqué dénonçant les conditions très difficiles dans lesquelles a été tourné le film primé. Le syndicat a d’ailleurs été rejoint par l’Association des techniciens et ouvriers du cinéma et de l’audiovisuel du Nord-Pas-de-Calais (Atocan), laquelle a tenu à préciser que, « si ce long-métrage devait devenir une référence artistique, nous espérons qu’il ne devienne jamais un exemple en termes de production ». Retour sur une exploitation…(...) 

       Outre les embauches de figurants « à l’arrache, au coin d’une rue » (Le Monde, édition Internet du 24 mai 2013), outre une armée de stagiaires (les travailleurs expérimentés auraient été jugés « trop formatés » – plutôt trop chers ?), plusieurs journées de boulot ont été « oubliées » lorsqu’il s’est agi de payer les techniciensD’autres journées ont été payées sur la base d’un huit heures alors qu’elles s’étaient étalées sur plus de… seize ! Poussant le cynisme jusqu’au bout, du bénévolat aurait même été proposé, au motif que le simple fait de bosser pour un réalisateur aussi fameux était un salaire ô combien suffisant ! (...)

       Un salarié a également affirmé que, en dehors de ces entorses au droit, il y a également « eu du mépris pour les conditions de travail, pour le repos de l’équipe, et sa vie privée » et a confirmé, avec consternation, qu’il « n’avai[t] jamais vu ça ». Le communiqué du Spiac-CGT abonde en ce sens, précisant que certains techniciens ont abandonné « en cours de route, soit parce qu’ils étaient exténués, soit qu’ils étaient poussés à bout par la production, ou usés moralement par des comportements qui, dans d’autres secteurs d’activités, relèveraient sans ambiguïté du harcèlement moral ». (...) 

       « Les gens ne savaient pas le vendredi soir s’ils allaient travailler ou non le samedi et le dimanche dénoncent des changements de planning brutaux au dernier moment. Certains, alors qu’ils étaient en jour de repos ou en pleine nuit, ont même reçu des SMS ou des mails leur annonçant que leur présence était requise… Enfin, le syndicat affirme également qu’il y aurait eu « des incitations à faire des trajets automobiles dans des délais tels que les personnes en charge de ce travail devaient rouler à plus de 180 km/h ». (...) 

       Cette dénonciation sans appel n’intervient pas non plus dans n’importe quel contexte et s’inscrit pleinement dans la lutte que mène la CGT pour une convention collective étendue du cinéma. Ratifiée en janvier 2012 par nombre de syndicats de salariés, dont le Spiac-CGT, elle est, pour l’heure, rejetée par beaucoup de syndicats de producteurs. C’est que le texte exige une réglementation pour le montant des minima sociaux, le paiement des heures supplémentaires et du travail de nuit et du dimanche, ce qui, pour les producteurs, rendrait impossible la réalisation de nombreux films… Autrement dit : producteurs et réalisateurs doivent pouvoir s’asseoir sur le Code du travail au nom d’une créativité qui sonne surtout « rentabilité ».

       Ce traitement des techniciens et des ouvriers de l’industrie du cinoche n’est pas sans rappeler celui des petites mains du secteur de l’édition, et notamment des correcteurs : salaires ridicules (parfois en dessous du smic), contournement du salariat par des statuts désavantageux, cadences infernales, travail déguisé sous forme de tests rémunérés, etc. À lire les réactions sur le Net suite au grand déballage du Spiac-CGT, on comprend pourquoi les travailleurs de ces industries peinent tant à faire reconnaître leurs droits : aux yeux de beaucoup, les traitements les plus indécents sont légitimes lorsqu’il s’agit de la sacro-sainte culture.
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    Luc Desle

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (TOUT ABOUTIT TOUJOURS AU BONHEUR,
    MÊME SI TU NE LE SAIS PAS)

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    LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/44)
    pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

       Le docteur Gleize, qui soigne la jeune Elaine au couvent avoue qu'il utilise les onguents de l'apothicaire...
    ANGÉLUS 
    ou
    LES SECRETS DE L’IMPALPABLE


    Norman Rockwell 


       Le soir même, la Supérieure vint la voir dans sa cellule et lui parla de la miséricorde de Dieu, de Sa Bonté et de Sa grande Douceur. Elaine remarqua une nouvelle fois la similitude qui existait entre le regard de Soeur Camille et celui d’Angélus Gabrielli. Cette constatation ne fit qu’entériner le projet qu’elle avait mûri depuis quelques jours et qui prenait forme enfin.

       - Je vous remercie, ma Mère. Mon délire a cessé et, bien que fatiguée, je suis redevenue moi-même et...

       - Et ?

       - J’ai pris une décision qui, pour moi, est très importante.

       En disant ses mots, Elaine parlait avec une petite voix contrite et baissait la tête. Elle se reprochait de jouer ce jeu, mais une volonté nouvelle et farouche l’habitait, irriguant son corps de forces nouvelles. Elle avait décidé de ne pas partir du couvent sans avoir dénoué les fils d’une intrigue dans laquelle, elle en était sûre à présent, la mort d’Adrien jouait un très grand rôle.

       - Cette décision, reprit-elle, m’a été dictée par ces quelques jours où l’Esprit a soufflé en moi... Je voudrais devenir religieuse, ma Mère, et servir Notre Seigneur !

       Mère Camille de l’Incarnation sursauta et ses yeux se rétrécirent. Elaine fut persuadée qu’elle ne croyait pas un mot de cette soudaine conversion, mais pas une fois le visage lisse de la Bénédictine ne trahit sa méfiance. Elle répondit simplement, d’une voix neutre.

       - C’est une décision grave et noble que vous prenez, Mon Enfant. Sachez que Soeur Adèle et Soeur Jeanne ont déjà trouvé beaucoup d’embûches sur la route qui les conduit au service de Notre Seigneur. Soeur Adèle atteint enfin le sommet à partir duquel l’Esprit Saint va souffler sur elle, du moins nous l’espérons toutes. 

       Elle s’arrêta de parler et joua avec les grains de son chapelet tout en jaugeant son interlocutrice. Enfin elle ajouta :

       - C’est le Chapitre qui va décider, pour la Sainte Marie, si Soeurs Adèle et Jeanne sont dignes de servir Notre Seigneur Jésus. C’est également au cours de cette assemblée que je soumettrai à mes chères filles le voeu que vous venez d’émettre. Si la décision vous est favorable, sachez que nous vous accueillerons comme postulante. Votre âme sera comme un livre ouvert et vous appartiendrez ensuite à la grande communauté des amantes de Dieu. Puisse ce voeu que vous ne tarderez pas à prononcer vous engager au plus profond de votre cœur !

       La Mère Supérieure venait d’appuyer sur la fin de sa phrase d’étrange manière. Elaine comprit alors avec certitude que la Supérieure n’était pas dupe de sa subite conversion.

    ***

       Deux semaines plus tard, la jeune femme se promenait dans le jardin. Il faisait exceptionnellement doux. Des senteurs parfumées embaumaient l’air et ce subit changement de température semblait en parfaite adéquation avec sa volonté nouvelle. Elle avait commencé à interroger les Soeurs au sujet de la Supérieure, arguant que, puisqu’elle allait bientôt devenir une des leurs, elle se devait de connaître tous les arcanes du monastère et le trajet spirituel de celles qui y résidaient. 

       Comme personne n’avait aucune raison de se méfier d’Elaine, on lui apprit que soeur Camille était une femme courageuse qui, toute jeune, avait pris en charge son frère Jean, après que sa propre mère soit morte en couches. Elle l’avait longtemps élevé puis était devenue novice. Jean, après quelques tribulations sur lesquelles les Soeurs n’avaient que peu de renseignements, était malheureusement décédé et Soeur Camille de l’Incarnation avait pris le voile comme un saint suaire.

       Soeur Lucie, qui se révéla finalement autant bavarde que Soeur Jeanne, ajouta ceci :

       - Notre Mère Supérieure est tout entière dévouée au service de Notre Seigneur. Mais sa conduite, autrefois sévère et sans tache, est aujourd’hui plus sujette à caution...

       - Tais-toi ! souffla Soeur Jeanne, effrayée. Tu ne sais pas ce que tu dis !

       La conversation avait lieu dans la bibliothèque, heureusement déserte en ce tout début d’après-midi. Cependant Soeur Lucie poursuivit, en baissant simplement la voix.

       - Je ne dis pas de sornettes, Soeur Jeanne. Certaines de nos compagnes affirment que notre Supérieure se conduit bizarrement. On murmure qu’elle rajeunirait indûment...

       - Que veux-tu insinuer? questionna Elaine, le coeur battant.

       - Ne l’écoute pas ! supplia la jeune novice. 

       Mais Soeur Lucie était lancée. Elle se pencha vers Elaine et révéla ainsi encore plus crûment que d’habitude la peau crevassée de son visage et ses lèvres gercées. Faute de soins, son nez pelait continuellement, ce qui gommait la douceur et la beauté de ses traits. En cet instant, les yeux brillant d’excitation, Soeur Lucie ressemblait à un laideron.

       - Notre Mère a dépassé les quarante printemps, susurra-t-elle, d’un ton railleur. Pourtant elle en paraît beaucoup moins... On dirait même qu’elle rajeunit de semaine en semaine... Elle qui était si laide à vingt ans ! Il y a dessous cette métamorphose quelque diablerie que je n’en serais pas étonnée.

        La conversation n’avait pu continuer, en raison de l’intervention de Soeur de la Miséricorde. Mais les propos de la jeune Soeur n’avaient fait que confirmer les soupçons d’Elaine. 

       Elle était à présent persuadée que la Mère Supérieure usait de drogues semblables à celles qu’avait achetées et utilisé son pauvre Adrien. Mais cette certitude, devant un tribunal, ne pèserait pas lourd. Il lui fallait des preuves tangibles afin de faire enfermer à jamais Angélus Gabrielli (ou celui qui se cachait derrière lui) dans l’enceinte d’une prison.

    ***
    (A Suivre)

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    (Proposition de députés:
    - Acceptons que nos élus règlent leurs différents virilement)


    Dix députés en colère : 
    « Abolissons nos privilèges ! »
    Emmanuelle Bonneau

       (...) Le Nouvel Obs – qui appartient au même groupe que Rue89 – publie ce jeudi dix propositions de députés PS, EELV et UMP contre... leurs avantages d’élus. Leurs « solutions concrètes », dont la liste est reproduite ci-dessous, « vont beaucoup plus loin que la “moralisation” proposée par le gouvernement », dit l’hebdomadaire, dont l’appel à suscité de vives réactions (aussi, plus étonnant, dans la forme) :

       Olivier Faure, député PS de Seine-et-Marne : « Publions les augmentations de patrimoine»,
       Laurent Wauquiez (?), député UMP de Haute-Loire : « Supprimons le régime de retraite»,
       Bruno Le Maire (?), députe UMP de l’Eure : « Démissionnons de la haute fonction publique »,
       Gérald Darmanin, député UMP du nord : « Encadrons l’achat des permanences »,
       François de Rugy, député EELV de Loire-Atlantique : « Contrôlons les lobbys »,
       Barbara Pompili, députée EELV de la Somme : « Réformons l’assurance-chômage »,
       Jérôme Guedj, député PS de l’Essonne : « Fiscalisons les frais de mandat »,
       Razzy Hammadi, député PS de Seine-Saint-Denis : « Clarifions les groupes d’amitié »,
       Barbara Romagnan, députée PS du Doubs : « Adoptons le mandat parlementaire unique»,
       Karine Berger, députée PS des Hautes-Alpes : « Publions la réserve parlementaire ». (...)


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    "Je suis trop gentille... La prochaine fois,
    je ferai dormir le monstre sous le lit, non mais!"


    LATIBULE
    [noun]
    a hiding place.

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    (Dans ce centre de rétention,
    les prisonniers gardaient l'esprit - et l'oeil -
    bien ouverts sur la méchanceté du Monde)


    Dans le Guantánamo de Rome
    Raffaella Cosentino
    La Repubblica

       (...) Karim a 24 ans, un fort accent milanais, plusieurs an­nées derrière lui en Italie, une compagne italienne et bientôt un enfant. Mais il a aussi un passeport égyptien et risque d’être prochainement expédié à des milliers de kilomètres avec l’interdiction formelle de revenir. 

       Karim fait partie des soixante personnes actuellement internées à Ponte Galeria, près de Rome, le plus grand centre de rétention administrative d’Italie (centre d’identification et d’expulsion, CIE). Comme tous les autres détenus, il a participé à la grève de la faim [courant mai] pour protester contre les conditions de détention. Leurs revendications ? 

       “Des procédures plus rapides, une amélioration de l’hygiène, la traduction des notifications dans la langue d’origine, que les visites soient facilitées, que l’expatriation de ceux qui le demandent soit plus rapide, que les toxicomanes soient accueillis dans des structures adaptées, que ceux qui font l’objet de poursuites judiciaires puissent se présenter à leurs procès afin de ne pas être condamnés par contumace”, lit-on dans un document communiqué par Gabrielle Guido, coordinatrice de la campagneLasciateCIEntrare [campagne nationale contre la rétention administrative des migrants]. (...)

      (...)  “Ce que demandent les détenus, c’est avant tout que leur dignité soit respectée, qu’elle ne soit pas abandonnée à l’entrée du centre de rétention, explique Gabrielle Guido. La campagne LasciateCIEntrare dénonce l’iniquité des normes sur la détention administrative, censée être rediscutée au plus vite par le Parlement.”Le document contient aussi une accusation extrêmement grave. Les détenus demandent qu’aucune violence psychique ou physique ne soit utilisée contre eux, précisant que récemment “une piqûre a été administrée à un détenu contre sa volonté”. Son organisme a mal réagi et il a souffert de troubles graves. Le texte des grévistes de la faim se conclut sur ces mots : “Des centres comme ceux de Ponte Galeria cassent la dignité des personnes et devraient être fermés pour toujours. Nous motivons notre grève de la faim. Maintenant, à vous de nous expliquer pourquoi nous purgeons une peine sans avoir commis aucun délit.” 

       Dans ces centres de rétention s’entassent de plus en plus de personnes privées de leur permis de séjour. Ce sont des étrangers sur le papier, mais des Italiens de fait, qui refusent leur rapatriement. Comme Karim. “Je deviens fou. Je n’en peux plus. Ils disent que je suis entré en Italie en 2006, mais ce n’est pas vrai. Je vis en Italie depuis 1996, raconte-t-il. Il y a quelques jours, ils m’ont dit que j’allais être libéré, qu’ils acceptaient de me laisser rendre visite à ma mère et à ma compagne, enceinte de deux mois. Ils m’ont dit : ‘Vas-y, tu peux rentrer chez toi tranquillement.’ J’ai passé toutes les portes et les grilles du centre et quand je suis arrivé à la dernière porte, ils m’ont annoncé qu’en fait ils m’emmenaient à l’aéroport. Je me suis débattu en leur disant que j’avais ma vie ici, un enfant sur le point de naître, un petit frère né en Italie, un autre marié à une Italienne. Qu’en Egypte je n’avais personne… 

       Ils m’ont répondu que la prochaine fois ils viendraient me chercher avec une escorte, qu’ils me feraient sortir de force. Je parle mieux italien qu’arabe, je vis à l’occidentale. En Egypte, je me sentirais comme un poisson hors de son aquarium. Ils piétinent tous mes droits.” (...)
    Lire sur:

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    Luc Desle

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