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    Pensées pour nous-mêmes:

    (LE CHAT A UN POIL SOYEUX

    ET DES GRIFFES REDOUTABLES)

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    COURTS RÉCITS AU LONG COURS (88/6)
    pcc Benoît Barvin

       Tom Drake se perd en conjectures concernant la mort des girls du "Blue Circle". D'autant qu'aucun de ces décès ne semble dû à la Mafia.  Comme il s'agit de sa première enquête,  et que son collègue Duncan est mouillé dans l'affaire jusqu'au cou, l'agent spécial du FBI veut aller jusqu'au bout...

    G-MenDetective1945-Fall


       Fouiller dans les papiers des victimes m’avait pris du temps. J’allai casser la croûte dans un troquet, passai chez moi pour me changer avant de retourner à l’appartement de Duncan. Il était environ dix-huit heures. 

       Comme je me garais en face de l’immeuble, je vis mon collègue qui sortait, une valise à la main. Il s’engouffra dans une Ford qui avait connu des jours meilleurs. Il démarra sur les chapeaux de roues, juste devant un taxi – une admirable Auburn convertible Sedan - qui dut freiner à mort pour ne pas lui rentrer dedans. Sans réfléchir, je démarrai et me mis à suivre Duncan. Sa précipitation s’apparentait beaucoup à une fuite. Mais quelles en étaient les raisons ? Je n’eus pas le loisir d’y réfléchir, mon esprit tout entier concentré sur la filature. 

       Une semaine plus tôt, Ness – toujours lui – m’avait appris les différentes techniques à mettre en œuvre quand on joue les suiveurs. Je les appliquai toutes, m’efforçant de dissimuler ma Ford, heureusement pas trop reconnaissable, derrière d’autres véhicules. Le temps sur Chicago était exécrable, je m’en rendais compte maintenant. Le ciel était couleur de cendre, signe qu’il n’allait pas tarder à neiger. Le froid était de plus en plus vif. Pourtant, tendu, les muscles noués, arc-bouté sur le volant, je suais à grosses gouttes, anxieux à l’idée de perdre Duncan qui, à présent, sortait de la ville. 

       Nous roulâmes ainsi une bonne heure. Chicago avait disparu. Les faubourgs n’étaient plus qu’un lointain souvenir. Les lourds nuages de neige s’appesantissaient au-dessus de nous, bouchant l’horizon, transformant la campagne alentour en un amalgame d’ombres menaçantes. Contraint, pour ne pas me dévoiler, de rouler tous feux éteints, je n’en menais pas large. Devant moi, la Ford de Duncan s’évanouit soudain et, durant quelques secondes, je crus l’avoir définitivement perdu. De rage, je crachai un chapelet d’injures. 

       Je repérai cependant le chemin de terre que mon collègue avait certainement emprunté et m’y engageai à mon tour. Trois cent mètres plus loin je stoppai brusquement, reconnaissant devant moi la silhouette de son véhicule. Je sortis et, l’arme au poing, courbé en deux, je franchis les quelques mètres qui me séparaient de la voiture que je suivais. 

       Duncan n’y était pas. Je fronçai les yeux afin d’acclimater mon regard à la vague lumière qui baignait le paysage. Je me trouvais dans une campagne désolée. A côté de moi, quelques bosquets. Devant, une étendue plane. Une silhouette se détacha alors sur fond de ciel fuligineux. C’était certainement celle de Duncan. Un autre véhicule était garé à quelques mètres et un second individu s’approchait de mon collègue. 

       « Le contact de Duncan », pensai-je en me dissimulant derrière un arbre. 

       Je ne savais pas ce que faisait là Duncan, mais ce qui était sûr, c’est que sa présence avait quelque chose à voir avec le massacre. J’en aurais mis ma main à couper. Les choses allèrent d’ailleurs très vite. A peine son vis-à-vis se fut-il approché que mon collègue lui tendit la valise. L’autre la prit et l’ouvrit, alors qu’un peu de neige fondue commençait à tomber mollement. 

       « Un échange de documents ? D’argent ? ». Je ne savais que penser et j’aurais donné quelques années de ma vie pour pouvoir m’approcher du couple sans être vu. 

       Là-bas, les deux discutaient. Le second avait refermé la valise et la tenait solidement d’une main. Dans l’autre, il y avait quelque chose, et je compris qu’il s’agissait d’une arme. Duncan recula. Son contact leva la main. 

       Alors qu’il allait tirer, je tentai de le devancer, hélas trop tard. Nos deux coups de feu se succédèrent. Mon collègue glissa à terre en poussant un gémissement, alors que le tireur tournait les talons et se mettait à détaler comme si le diable était à ses trousses. Le diable, il l’avait bel et bien : c’était moi. En quelques enjambées, j’étais arrivé près de Duncan. Ce dernier était allongé à terre et se tenait la poitrine en grimaçant. 

       Je grondai de colère et m’élançai à la poursuite du tueur, mais ce dernier m’attendait, dissimulé derrière sa voiture. Je fus accueilli par un déluge de feu et dus me jeter à terre, me dissimulant tant bien que mal dans une fondrière où je me reçus durement. Le sol gelé ne me facilitait pas la tâche. Le temps de souffler, j’entendis une pétarade et, en relevant la tête, j’aperçus l’arrière du véhicule, aux yeux rougeoyants, qui s’éloignait rapidement. Je pestai, rageant de m'être fait avoir comme un bleu... que j'étais, au fond, et cela me mit en rage, alors que je rebroussais chemin.

       En m’agenouillant devant Duncan, je compris qu’il n’en avait plus pour longtemps. A présent il faisait nuit, mais l’étrange luminescence, due à la neige qui tombait maintenant à gros flocons, me permettait de détailler le visage du blessé. La face même de la Camarde... 

       Il esquissa un sourire, ouvrit la bouche, bredouilla. 

       - T’étais là, hein ?... J’ai que c’que je mérite… 

       - Epargne tes forces, Pal. Je vais te conduire à l’hôpital et… 

       - Inutile… J’ai mon compte. Tant mieux. De toute façon, j'avais rendez-vous avec Doris. 

       Je voulus lui demander qui était le type avec qui il avait rendez-vous et que contenait la valise. Mais il était trop tard. Les lèvres de Duncan se tordirent et son regard se figea. Doris ne l'attendrait pas longtemps.

    (A Suivre)


    @@@

    "Ecran, mon joli écran, 
    dis-nous quelle est la plus belle...
    - T'es c... c'est qu'un gland!"

    Acorn Boy (Ziluks)
    Dace Rīdūze, 2010, LV, video, sans dialogue, 10'
    Dans le village de Stalks, un petit gland rencontre 
    Monsieur Abeille, M. l’Araignée, la fourmi 
    et beaucoup d’autres insectes.


    Frigide Barjot achevée par Audrey Pulvar 
    pleure sur D8 : un duel d'egos pathétique
    Bruno Roger-Petit
    Chroniqueur politique

       (...) La télévision, combien de fois l'avons-nous écrit ici depuis deux ans, se complait désormais à mettre en scène les débats de société, y compris les plus lourds de sens, en les réduisant à une dimension tout à la fois binaire et manichéenne, caricaturale et extrémiste. Le règne des Zemmour, Lévy, Ménard, Pulvar, Autain est advenu, et il paraît qu'il va durer longtemps, très longtemps. (...)

       (...) Frigide Barjot est sur le plateau du "Grand 8", éléments de langage ressassés à l'appui. "Un enfant, un papa une maman", "Hollande nous coupe la tête", "Le mariage va mourir", "J'ai des amis homosexuels, je donne au Refuge"... Frigide, qui chantait "Fais-moi l'amour avec deux doigts"... Frigide, celle qui faisait le grand écart sur le comptoir du Banana café... Frigide, la déconneuse de Jalons...

       Face à elle trône Audrey Pulvar, celle qui était présente à la Bastille le 10 mai 1981. Audrey, la conscience autoproclamée de la gauche française... Audrey, l'héritière naturelle de Jaurès, de Blum, de Herr, de Mendès, de Zola... Audrey, qui n'aime pas Manuel Valls, le Clemenceau contemporain... Que serions-nous sans Audrey Pulvar et ses défunts éditos des "Inrocks", ces sublimes odes à la philosophie d'Albert Camus revue par des lycéens triplant leur Terminale L ? 

       Au cœur des débats, le mariage pour tous, la Manif pour tous, une droite française au bord du 6 février 1934, une gauche émolliente et frileuse, un président à l'autorité si faible qu'il en est presque délégitimé aux yeux des extrêmes de tous bords, une France frileuse et apeurée, divisée et clivée, des homosexuels mis au ban par une partie de la France qui se croit plus authentiquement française que toutes les autres...

       Et tout cela débouche sur quoi ? Un débat Frigide Barjot/Audrey Pulvar. Des larmes, des cris. De l'hystérie partagée. Du divertissement... (...)


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    (Grâce aux rebuts de tissus, des robes légères et décentes
    sont offertes aux victimes de la Crise Mondiale...
    On dit merci qui?)


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    (Dans cette image se cache un membre du FMI.
    Sauras-tu le trouver?)

    Ballenger Droits réservés 
    Comment le FMI et la Banque mondiale 
    ont pris le contrôle de la Tunisie
    AGNÈS ROUSSEAUX

       (...) Le FMI a décidé d’appliquer ses célèbres méthodes en Tunisie. Un document confidentiel, révélé fin mars par des médias tunisiens, a provoqué l’embarras des responsables politiques. En échange d’argent frais de la part du FMI [1], ceux-ci se sont engagés sur un planning de réformes structurelles, à un rythme effréné. Au programme : augmentation du prix des carburants, baisse des impôts pour les entreprises, déplafonnement des taux d’intérêt (pour permettre aux banques d’améliorer leur rentabilité), audit des entreprises publiques de l’énergie – gaz, électricité et raffinage des produits pétroliers... Ce qui laisse présager des privatisations. Un alléchant menu néolibéral, que le gouvernement prévoit de concocter en 9 mois.

       La recette, elle, semble avoir été préparée par les institutions financières internationales. Dans une lettre à Christine Lagarde, patronne du FMI, le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque Centrale tunisienne s’engagent à consulter les services du FMI pour « toute révision » de ce programme de dérégulation. L’opposition et la société civile s’indignent de cette ingérence dans la politique économique du pays. « La Tunisie est le laboratoire du FMI et de la Banque mondiale, qui profitent du non-professionnalisme des élus et du gouvernement », analyse Chafik Ben Rouine, porte-parole de l’ACET (Auditons les créances envers la Tunisie). (...)

       Pourquoi un tel traitement ? Pas le choix, avance le gouvernement. Ce sont les contre-parties du prêt accordé. Un prêt qui vient alourdir une dette tunisienne déjà importante : 30 milliards de dinars (15 milliards d’euros) [2]. Le remboursement de la dette constitue le premier poste de dépense publique. Soit trois fois le budget de la santé et cinq fois celui consacré à l’emploi ! Les créanciers ? La France, principal partenaire économique de la Tunisie [3], la Banque mondiale et la Banque européenne d’Investissement (BEI), dont la France est un des actionnaires principaux. Plus de la moitié de la dette tunisienne serait issue de la période du régime de Ben Ali (1987-2011). Chaque Tunisien hérite ainsi à la naissance d’une dette de 3 000 dinars (1 500 euros) qui appartient essentiellement à Ben Ali, décrit l’analyste Mehdi Khodjet El Khil.

       La Tunisie doit-elle honorer ces dettes ? « Reconnaître la dette du dictateur, en décidant de poursuivre son remboursement, constitue un acte antinational, antidémocratique et une complicité de fait avec sa dictature », affirme Fathi Chamkhi, membre du Front populaire, et porte-parole du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-monde (CADTM) Tunisie. « Payer cette dette prive la Tunisie de moyens financiers très précieux, à un moment très critique de son histoire, et aggrave son endettement extérieur. » Des études [4] montrent que la Tunisie a perdu 29 milliards d’euros entre 1970 et 2010 à cause de la fuite de capitaux. Une raison de plus pour faire le point sur la situation financière du pays. (...)

       Avant l’élection de l’Assemblée nationale Constituante (ANC), en octobre 2011, tous les partis sont d’accord pour réaliser un audit. Et déterminer si une part – jugée illégitime – de la dette doit être annulée. Plus de cent parlementaires européens soutiennent la suspension des paiements de la dette, jusqu’à la réalisation d’un audit indépendant [5]. En 2012, des députés tunisiens déposent une proposition de loi en ce sens. Coup de théâtre en février 2013 : en pleine crise politique, suite à l’assassinat du leader politique Chokri Belaïd, le secrétaire d’État aux Finances, Slim Besbès, annonce le retrait du projet d’audit. Motif : le niveau de l’endettement de la Tunisie serait « gérable », affirme-t-il !

       « C’est une ingérence inadmissible du pouvoir exécutif dans le travail législatif », s’indigne Chafik Ben Rouine. « C’est contre-révolutionnaire et illégal d’outrepasser la souveraineté de l’ANC en préférant suivre les instructions du FMI », s’insurge la députée Mabrouka M’Barek (Congrès pour la république, membre de la majorité au pouvoir), qui interpelle le secrétaire d’Etat sur les réseaux sociaux : « Pourquoi le FMI a si peur d’un simple audit !!! (…) M. Besbes, rappelez-moi pour qui vous travaillez ? Le peuple tunisien ? Non, le FMI bien sûr ! Alors dites à vos employeurs que le peuple tunisien est souverain, il est résolu à examiner 23 années de dictature et à déceler qui a financé ces années de torture et de surveillance policière. » Ambiance. Fin mars, le Front populaire appelle à suspendre pour trois ans le remboursement de la dette, en suivant l’exemple de l’Argentine, l’Equateur ou l’Islande. (...)

    Notes

       [1] L’accord en discussion porte sur un prêt du FMI de 2,7 milliards de dinars tunisiens (soit près de 4 % du PIB de la Tunisie), remboursable sur 5 ans avec une période de grâce de 3 ans et 3 mois. Voir les documents échangés entre le FMI et le gouvernement tunisien, publiés sur le site Nawaat.

       [2] Le ratio dette/PIB de la Tunisie est en 2011 de 136% du PIB. Son taux d’endettement est plus important que celui de la France, dont le ration dette/PIB est de 90 %.

       [3] Créancier à hauteur de 1,7 milliards d’euros, soit la moitié de la dette bilatérale de la Tunisie.

       [4] Voir Capital Flight from North African Countries, par Léonce Ndikumana et James K. Boyce, Political economy reseach institute, Novembre 2012.

       [5] Le 10 mai 2012, le Parlement européen adoptait une résolution sur la stratégie de l’UE en matière de commerce et d’investissements pour le sud de la Méditerranée après les révolutions du Printemps arabe, qui « juge odieuse la dette publique extérieure des pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient sachant qu’elle a été accumulée par les régimes dictatoriaux, par le biais principalement de l’enrichissement personnel des élites politiques et économiques et de l’achat d’armes, utilisées souvent contre leurs propres populations ». Source : CADTM

    Lire sur:

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    Benoît Barvin

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (N'ATTENDS PAS DU BONHEUR
    QU'IL TE RENDE FORCEMENT HEUREUX)

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    COURTS RÉCITS AU LONG COURS (88/5)
    pcc Benoît Barvin


       Tom Drake, agent du FBI, enquête sur une explosion qui a tué toutes les danseuses du "Blue Circle". Toutes? Non, l'une d'elles n'est autre que la petite amie de son collègue Peter Duncan. Mais quand Drake arrive à l'hôtel où réside ce dernier, c'est pour constater que la fille s'est suicidée.



       Quelques heures plus tard, je fouillai en catimini la chambre de Doris. Elle l’avait louée un an plus tôt, quelque part sur Saint Charles road. Le moins qu’on pouvait dire, c’est que la fille ne roulait pas sur l’or. La pièce était un meublé et, à part une affiche de « L’ange Bleu », avec la sublime Marlène Dietrich, rien n’indiquait que l’occupante des lieux ait voulu y mettre sa touche personnelle. Je m’occupai également de ses différentes tenues – toutes très légères, à part ses habits « de ville » -, ainsi que de ses dessous – très nombreux et affriolants. 

       Doris avait du goût mais, en fouillant parmi ses papiers, je compris que c’était le patron du « Blue Circle » qui louait les tenues de scène. Car rien n’appartenait en propre à la jeune femme. Je me promis d’interroger Duncan à propos de Doris, curieux de savoir comment tous deux avaient pu se rencontrer et si leur histoire était sérieuse. 

       En fait, après une fouille méticuleuse, je dus me rendre à l’évidence : rien, chez cette fille, ne la différenciait des innombrables danseuses qui sévissaient dans les cabarets et les boîtes de Chicago. 

       "Alors pourquoi a-t-elle préféré se supprimer sur simple coup de fil plutôt que de faire front ?" me demandai-je, à la suite de Ness. 

       En revenant à l’appartement de Duncan, je passai par le commissariat central. Le divisionnaire n’était pas là mais les dossiers, dûment remplis, m’attendaient sur son bureau. Je me plongeai dans leur étude attentive, sous les yeux de son second, l’inspecteur Anton Korsakov – un grand échalas venu de la lointaine Russie. Il était installé en face de moi, face à une machine à écrire - une Underwood Typewriter - dont, manifestement, il ne savait pas se servir, si j’en croyais la «promptitude» avec laquelle il tapait sur les touches. "Tip... Top... Tip... Top..."

       Il ne me fallut pas moins de deux bonnes heures - avec en fond sonore les cliquetis de l'échalas sur les touches - pour éplucher la vie de toutes les malheureuses victimes du « Blue Circle », sous les regards lourds que me décochait à intervalles réguliers mon ange gardien. Chacune avait un parcours de vie qui  ressemblait, de très près, à celle de Doris. Des filles venues de tout l’état, fuyant la pauvreté des campagnes – et souvent des pères alcooliques. Elles tentaient de survivre à Chicago, d’abord en jouant les serveuses puis, rapidement, elles se retrouvaient à ôter leurs fringues sur la scène des différentes boîtes de la cité. Quand ce n’était pas pire. Point, barre. 

       Rien d’original, pourtant, aucun vrai contact avec la pègre. Rien que de petites souris qui s’agitaient lascivement pour le bonheur de mâles qui, très vite, les rejetaient, une fois qu’ils les avaient essorées. 

       - Alorrs, agent spécial ! fit Korsakov, me sortant brutalement de mes ruminations. Vous vous donnez bien du mal pourr de simples putes, vous ne crroyez pas ? Elles n’en valent pas le coup. 

       Je refermai le dossier, relevai la tête et croisai le regard méprisant du Ruskov. Ness m’avait confié une mission - ma première mission -, et il n’était pas question que je la loupe en cédant à mon esprit chevaleresque. Au lieu de démolir le type - ce n'était pas l'envie qui m'en manquait -, je lui souris, me levai, enfilai mon pardessus et, en passant devant lui, je lui rectifiai le nœud de cravate en grognant. 

       - Ce n’est pas mon avis, inspecteur. Ces « putes », comme vous dites, ont été dessoudées d’une manière abominable. Je coincerai le ou les salauds qui leur ont fait ça – quels qu’ils soient -… et je le leur ferai payer ! 

       J’eus la joie mauvaise de voir pâlir d’un coup le visage de mon interlocuteur. 

    (A Suivre)

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    (L'Étreinte amoureuse du Capitalisme
    mondialisé était un peu poussée)


    ilustrato.com

    De pire en pire
     Évariste

       (...) Commençons par une bonne nouvelle : le mariage pour tous est passé ! Mais nous avons vu ce dont était capable la réaction : la connivence droite-extrême droite, la complaisance avec la violence des milices d’extrême droite, notamment religieuses. Ne nous y trompons pas : l’opposition au mariage pour tous est une première étape du rassemblement réactionnaire dans un pays où la gauche est minoritaire. Nous rappelons notre analyse du premier tour de la présidentielle de 2012 qui montre la gauche largement minoritaire et comment la victoire de François Hollande n’a été possible que parce la gauche s’est rassemblée et que les droites sont restés divisées.

       Malheureusement, François Hollande n’a pas eu la stratégie voulue pour maintenir et développer le rassemblement de la gauche qui s’était réalisé au deuxième tour de la présidentielle. Pire, il a décidé un virage à droite en appliquant la politique du Medef, qui n’en demandait pas tant. Appliquant à la lettre la stratégie du club Terra Nova d’abandon des couches populaires ouvriers et employés (53 % de la population), il parie sur le fait que ces couches continueront à s’abstenir massivement (l’abstention est le premier choix de ces couches sociales loin devant les choix - dans l’ordre -FN, PS, UMP et Front de gauche en 5e position). 

       Il parie sur la sur-mobilisation des couches moyennes intermédiaires (24 % de la population) et des cadres salariés (15 %). Mais cette stratégie présidentielle produit la désespérance et favorise la droite et l’extrême droite comme l’a montré l’élection partielle de l’Oise en mars 20131.
       
       François Hollande décide même de malmener la gauche de gauche. Il a donné 5 mois à la réaction pour mobiliser contre le mariage pour tous mais seulement trois semaines à la gauche de gauche pour déployer sa mobilisation tant sur le traité budgétaire que sur la « loi Medef » sur la sécurisation des licenciements. Celle-ci est donc obligé de se rebiffer. L’aile gauche du PS renâcle et Gérard Filoche, qui s’est bien battu contre la loi Medef sur la sécurisation des licenciements, a même été demandé comme conférencier par des assemblées citoyennes du Front de gauche ! 

       Le Front de gauche décide de manifester le 5 mai pour la VIe République pour exprimer son ras le bol de la stratégie de François Hollande. Il sera rejoint par une minorité de militants d’EELV-les Verts. Car sur le plan économique et social, c’est de pire en pire. Le numéro de 117 de Respublica a montré l’attaque en règle de la protection sociale par l’ordolibéralisme au pouvoir.

       L’oligarchie capitaliste a d’abord tenté de régler la crise du capitalisme (baisse du taux de profit dans l’économie réelle) par le développement de la spéculation internationale. Puis, elle a réussi à enrayer l’écroulement bancaire et financier privé en faisant appel à l’argent public contrôlé par les amis des oligarques à la tête des États. La dette publique, déjà mise à mal par les cadeaux fiscaux aux rentiers et aux revenus des couches aisées et riches, s’est alourdie en venant sauver les institutions bancaires et financières internationales. 

       Alors, pour financer la dette publique, les oligarques ont décidé que ce sont les salariés des couches populaires et des couches moyennes intermédiaires qui paieront la note via les politiques d’austérité. Ces politiques d’austérité basées sur la baisse des dépenses publiques ont comme conséquence de diminuer les recettes fiscales des États d’un montant supérieur à la baisse des dépenses publiques. L’effet multiplicateur joue à fond et oblige les oligarques à redoubler d’intégrisme dogmatique en demandant un nouveau tour de vis austéritaire.

       Cette évolution touche la majorité des pays de la zone euro puisque nous savons aujourd’hui qu’entre mars 2011 et septembre 2012, la dette de la zone euro a augmenté de 86 à 90 % et que les capacités de production baissent dans la plupart des pays européens. Il est à noter que nous voyons de plus en plus l’intégrisme ordolibéral européen (version extrémisée du néolibéralisme mondial) verser dans la spirale austéritaire alors que les politiques des Etats-Unis, du Japon et des BRICS (pays émergents) sont moins extrémistes. (...)
    Suite sur:
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    "Hum... J'ai hâte de savoir quelles
    excellentes nouvelles Tu Quoque 
    nous a concocté..."


    Coby Whitmore

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    "Pour l'audition du roi...
    C'est où?
    - Et ben, heu... SHRAKK!!!"

    Laissez tomber le roi, 
    embauchez un acteur

    Arnon Grunberg
    Traduction : Leslie Talaga

       (...) Le 30 avril 1980, Beatrix a succédé à sa mère, la reine Juliana des Pays-Bas. Ce jour-là, de violentes émeutes ont éclaté à Amsterdam. Sous le slogan “Geen woning, geen kroning” [Pas de toit sur nos têtes, pas de couronne sur la vôtre], des squatteurs et des anarchistes s'étaient indignés contre le couronnement de la nouvelle souveraine et la crise du logement que traversait le pays.

       J'avais 9 ans et j'ai tout regardé à la télévision avec ma mère. Les bombes fumigènes et la police anti-émeutes m’ont davantage marqué que le couronnement lui-même. Mon père était aussi peu impressionné par les manifestants que par la reine, et il a passé la journée plongé dans sa collection de timbres.(...)

       (...) Mes parents, des juifs allemands qui avaient fui la Hollande dans les années 1930, n'étaient pas vraiment du genre royalistes. Ma mère avait toutefois un faible pour les familles royales et surtout pour les scandales qui accompagnent les monarchies.

       Et avec la reine Juliana, elle a eu sa dose de scandales. L'époux de la souveraine, le prince Bernhard, était un sacré coureur de jupons, qui a engendré Dieu sait combien d'enfants illégitimes. Il a aussi été accusé d'accepter des pots de vin de la part de Lockheed [Lockheed Martin, une entreprise de défense] dans les années 1970, ce qui l'a contraint à abandonner son rôle d'inspecteur général des forces armées néerlandaises.

       En revanche, le règne de la reine Beatrix, qui a duré 33 ans, a dans l'ensemble été exempt d'esclandres. Le principal accroc qu'a subi la réputation de la monarchie reste le mariage de son fils aîné, Willem-Alexander, – qui succède à sa mère le mardi 30 avril – avec la fille de Jorge Zorreguieta, qui était le secrétaire d’Etat argentin à l'Agriculture pendant la dictature militaire et qui était sûrement au courant des disparitions systématiques qui ont eu lieu pendant la “guerre sale”. (...)

       (...) Actuellement, les personnes qui voudraient se débarrasser de la monarchie ont relativement peu d'influence. Le Parti socialiste est trop petit pour faire le poids et la Nieuw Republikeins Genootschap (NRG, Nouvelle société républicaine) donne une impression de somnolence et globalement de maladresse. Ce n’est guère étonnant comme observation. Pourquoi, après tout, dépenser autant d'énergie pour s'opposer à une performance artistique ?

       Peut-être parce que la rémunération pour ce type de performance artistique est un peu inhabituelle. Le futur roi des Pays-Bas, Willem-Alexander, reçoit un salaire annuel non imposable de plus d'un million de dollars [825 000 €], ainsi qu'une indemnité de 5,7 millions de dollars [4,4m€] “pour les coûts liés à son personnel et à ses dépenses matérielles”. Son épouse, Máxima, reçoit également un salaire non imposable de 425 000 dollars [327 000 €] et environ 750 000 dollars [574 000 €] supplémentaires pour ses faux-frais.

       Ces sommes sont un peu excessives à l'heure où les Pays-Bas ont imposé des restrictions drastiques aux subventions publiques dédiées aux autres formes de théâtre. Il est vraiment archaïque de la part de la famille royale d'essayer d'échapper en douce aux mécanismes du marché et à la méritocratie.(...)

       (...) Maintenant que les théâtres, les opéras et les musées ne peuvent exister sans le soutien de sponsors, il est peut-être temps pour les Néerlandais de se résigner à avoir une famille royale qui, pendant les visites et les cérémonies officielles, glissera subtilement que l'événement peut notamment avoir lieu grâce au soutien de Shell. Ou Pfizer, d'ailleurs. A l'heure de la mondialisation, la famille royale ne devrait pas forcément être sponsorisée par des entreprises néerlandaises.

       Et si, à partir de maintenant, on organisait des auditions pour les rôles du roi et de la reine, n'est-ce pas une bonne idée ? On trouverait sûrement des candidats bien plus doués que les membres actuels de la royauté et ils seraient prêts à remplir ces fonctions pour une fraction des salaires qu'ils perçoivent. (...)

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    Luc Desle

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    Pensées pour nous-mêmes:

    (TA VIE A BESOIN DE BALISES)

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    COURTS RÉCITS AU LONG COURS (88/4)
    pcc Benoît Barvin


       Tom Drake et Peter Duncan, deux agents du FBI naissant enquêtent sur une explosion qui a détruit une boîte, le "Blue Circle", en tuant uniquement les danseuses. Or Drake vient de se rendre compte que Duncan sort justement avec une danseuse...




       Jamais je n'avais conduit aussi vite dans les rues de Chicago. Je garai en catastrophe ma Ford le long du trottoir, m’élançai à l’assaut de l’immeuble de Duncan, priant le Ciel que mon sixième sens m’ait trahi. Si la fille était une danseuse, il se pouvait très bien qu’elle appartienne à la troupe du « Blue Circle ». Une idée, comme ça… Et dans ce cas, la soudaine disparition de mon collègue s’expliquait aisément. Lui aussi avait compris que sa toute nouvelle copine était en danger. Alors il avait filé pour la protéger et… 

       Alors que j’empruntais l’escalier, l’ascenseur étant en dérangement, un coup de feu lointain me fit sursauter. Duncan habitait au cinquième étage. Je galopai, avalant les marches deux par deux, l’arme à la main, accompagné par un nouveau coup de feu. Plusieurs locataires sortirent, l’air inquiet. 

       - Qu’est-ce qui se passe ? 

       - Monsieur, Monsieur, j’ai peur. 

       Je bousculai la vieille dame qui tentait de m’agripper, avec ses doigts griffus de mégère arthritique.  C'est hors d’haleine que j’atteignis le cinquième étage. Le couloir était vide. Un nouveau coup de feu retentit, tout proche. Il provenait bien de l’appartement de Duncan. Je me filai tout droit vers la porte de mon collègue. D’un coup de pied rageur je démolis la poignée, repoussai le battant et, plongeant à terre, je roulai-boulai, l’arme pointée en direction du petit salon. 

       J’entrevis une silhouette qui se tournait vers moi. Cela faisait maintenant plus d’un an que Ness m’avait engagé. Il m’avait soumis à un redoutable entraînement et, en cet instant, je fus heureux de l’avoir suivi. Mon doigt avait blanchi sur le pontet de mon arme. La seconde d’après, je relâchai la pression, reconnaissant, dans la silhouette qui levait les bras, mon pote Duncan. 

       - Tire pas, Tom. C’est moi ! grogna-t-il.

      Je poussai un soupir, baissai mon bras armé et me relevai en lui jetant, furieux. 

       - Bon sang, mais pourquoi t’as filé comme ça ? C’est pour la fille, hein ? 

       - La fille ? 

       Je m’approchai de lui, après avoir inspecté rapidement la pièce. La chambre donnait sur le salon. Comme la porte était ouverte, je pus constater que, là également, la pièce était vide. De l’autre côté, il y avait le bar et la porte donnant sur la salle de bain. 

       - Me prends pas pour une buse, Duncan. J’ai compris que ta copine était danseuse. Quand tu as filé, j’ai subodoré qu’elle devait être une des girls du «Blue Circle». Si tu t’es carapaté, c’est pour la protéger, n’est-ce pas ? 

       Le visage de mon collègue était décomposé. Il alla vers le bar, se servit une rasade de whisky - sans m’en proposer -, et la vida aussitôt. 

       - Oui. Mais c’est trop tard maintenant. 

       - Les coups de feu, ils venaient d’où ? 

       - De là, indiqua Duncan, en désignant du menton la salle de bain. 

       Je m’avançai, poussai la porte entrebâillée et aperçus aussitôt la fille, dans la baignoire. C’était une jolie blonde à l’ample chevelure dont le corps était à moitié plongé dans une eau salement rougie. Aussi nue que notre Mère Eve le fut à ses débuts, au Paradis. Mais ici, on jouxtait les portes de l'Enfer. La nudité de la fille s’accompagnait d’un long filet de sang qui, harmonieusement, je devais le reconnaître, serpentait entre ses seins. Le bras droit de la morte pendait hors de la baignoire. Sa main tenait encore l’arme avec laquelle elle venait de se supprimer. Un trou bien net, à hauteur de la tempe droite. 

       Je reculai, soudain glacé. Il fallait que je recouvre mon calme. Dans la pièce attenante, Duncan avalait une nouvelle rasade de son tord-boyaux. 

       - Si tu m’expliquais ? fis-je, après m’être raclé la gorge. 

       - Quand j’ai vu toutes les copines de Doris supprimées, j’ai cru que la vie de ma copine était en jeu, commença-t-il, d’une voix morne. 

       Mais la main qui tenait le verre n’arrêtait pas de trembler. 

       - Je me suis précipité ici et je l’ai surprise dans la baignoire, cette arme à la main. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait. Elle m’a avoué qu’en mon absence, quelqu’un l’avait appelée. « Sache qu’après tes copines, toi aussi tu vas danser la gigue », avait-il dit. Doris avait compris qu’elle allait y passer. J’ai voulu en savoir plus, je me suis approché… 

       Le verre que tenait Duncan glissa entre ses doigts et alla se fracasser par terre. Il plongea son visage dans ses mains et je crus l’entendre sangloter. Je ne savais que faire. Il n’y avait sûrement qu’à attendre la suite de l’histoire dont le début corroborait ce que j’avais imaginé. Quelques longues secondes plus tard, mon collègue reprit, d'une voix atone. 

       - Quand je me suis approché, elle a levé son arme vers moi… et a tiré deux balles dans ma direction. Je me suis rejeté en arrière en la traitant de folle. De derrière la porte de séparation, j’ai cru l’entendre me demander pardon… Puis elle a tiré une dernière fois. Quand, après un moment, je me suis résolu à revenir dans la salle de bain, elle s’était supprimée. 

       Pendant que Duncan se beurrait à nouveau consciencieusement, j’appelai Ness. Ce dernier me dit qu’il arrivait. En attendant, nous ne devions toucher à rien. Je le lui promis. Pendant l’attente, alors que Duncan était vautré sur son canapé, assommé par l’alcool, je retournai dans la salle de bain. J’inspectai le lieu du drame avec soin. L’hypothèse du suicide était plausible. Cependant, quelque chose me chiffonnait. Où étaient les douilles des deux balles tirées par l’automatique de Doris ? Je les cherchai un moment, les retrouvai enfin, toutes deux fichées dans le chambranle de la porte. Sur ce point, en tout cas, Duncan n’avait pas menti. 

       Quand le patron se pointa, il fit comme moi une inspection minutieuse des lieux. Ensuite il écouta avec attention le discours de mon collègue qui, bien que dans un état semi comateux, arriva à articuler quelques phrases cohérentes. 

       Quand Ness eut terminé son interrogatoire, il me fit signe de le suivre. Nous nous retrouvâmes sur la terrasse où il faisait frisquet. A l’intérieur, Duncan avait plongé dans un sommeil d’ivrogne. Nous attendions les flics que le patron avait appelés, comme il était d’usage. 

       - Qu’en penses-tu, Tom ? 

       Il me tendait une cibiche que je fichai entre les lèvres, d’un geste las, après avoir remonté le col de mon pardessus. 

       - Il y a peut-être un tueur fou en ville, marmonnai-je, sous forme de boutade. Un type qui, pour des raisons philosophico-religieuses, tient à supprimer le stupre dans notre jolie cité… 

       - Tu vas suivre la piste de cette Doris, m’interrompit Ness, d’une voix sèche, en repoussant d’un geste machinal son chapeau vers l’arrière de son crâne. Un coup de fil qui fiche une telle trouille qu’une jolie fille préfère en finir avec la vie, moi, ça ne me dit rien qui vaille. Cherche le moindre indice qui pourrait nous mettre sur la piste du ou des tueurs. 

       - Ça n’est pas une affaire facile, patron. Je ne sais pas si je serai à la hauteur. 

       - Tu es pourtant déjà au cinquième étage, petit, répliqua Ness, d’un air pince-sans-rire. Je ne doute pas que tu sauras aller plus haut encore. Allez, file ! 

    (A Suivre)

    °°°

    (Cette antique trayeuse électrique était, en fait,
    un objet à l'onanisme pervers)



    °°°
    "Alors, ce travail? Pas trop dur?
    - Moins dur que de devoir porter
    votre chapeau pitoyable..."


    Eleanor Roosevelt with Female Machinist 
    during Goodwill Tour, 1942.

    °°°
    (Les créatrices du "Club of the ridiculous dresses" 
    posant pour la postérité)


    Senior class officers, Mount Mary College, Milwaukee, Wisconsin, 1958.
    From the 1958 Mount Mary College yearbook, The Arches.

    °°°

    "Tu m'aimerais toujours si je te disais...
    que je porte une moumoute?"



    °°°
    Jacques Damboise

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